173E0589.TXT

PL. WALCOURT 173E
J.M.ROUCHY - E.GROESSENS - R.CONIL

589 (IX b)

Bulletin de la Société belge de Géologie, T.95, Fasc. 2 & 3, pp. 167-175,
Bruxelles 1986

SIGNIFICATION DES PSEUDOMORPHOSES D'EVAPORITES ASSOCIEES AUX BRECHES
VISEENNES DANS LES SONDAGES DE YVES GOMEZEE
(SYNCLINORIUM DE DINANT, BELGIQUE)

par J.M.ROUCHY (*), E.GROESSENS(**) et R.CONIL (***)

RESUME. - Les sondages d'Yves-Gomezée, réalisés près de Philippeville dans
l'unité allochtone (nappe de Dinant) du domaine varisque franco-belge (zone
rhéno-hercynienne) ont recoupé des sédiments viséens appartenant à la
séquence livienne qui se termine par une épaisse brèche polygénique repérée
dans presque tout le bassin franco-belge. Une étude sédimentologique a
permis d'identifier dans les calcaires massifs et dans les éléments de la
brèche, des vestiges de structures attribuables à des évaporites sulfatées
remplacées par des carbonates et de la silice; ces structures correspondent
à l'origine à: du gypse lenticulaire, des nodules de gypse ou d'anhydrite,
des plages d'anhydrite en "domino" et des porphyroblastes anhydritiques
caractéristiques d'un remplacement tardif de carbonates, etc...

La mise en évidence de ces évaporites présente des implications importan-
tes; elle confirme l'extension des conditions évaporitiques liviennes vers
le Sud, jusque dans l'unité allochtone de la Nappe de Dinant; elle renforce
l'hypothèse de la formation des grands épisodes bréchiques du viséen par
effondrements consécutifs à la dissolution d'intercalations évaporitiques
dont l'épaisseur, impossible à chiffrer, devait être appréciable. Diverses
observations suggèrent que, dans le cas des sondages d'Yves-Gomezée, la
dissolution a été tardive et vraisemblablement postérieure aux déformations
hercyniennes, peut-être même favorisée par celles-ci.

ABSTRACT. - The boreholes of Yves-Gomezée located near Philippeville in the
allochtonous unit of the variscan area (rheno-hercynian zone) called "nappe
de Dinant" have crossed visean sediments belonging to the Livian sequence;
this one ends by a thick polygenic breccia known nearly the whole of the
french and belgian basin. The sedimentological study allowed us to identify
calcareous and siliceous pseudomorphs after gypsum or anhydrite both in the
massive limestones and in the elements of the breccia; the former structu-
res are lenticular gypsum, anhydrite or gypsum nodules, "domino" like and
porphyroblastic anhydrite of late replacement of carbonates.

The presence of these pseudomorphs after evaporites confirm the southward
extension of the livian evaporitic conditions untill into the "nappe de
Dinant"; that constitutes a new argument to explain the formation of the
great visean breccias by dissolution of thick evaporitic layer. Several
observations suggest that the dissolution occurs after the dercynian
deformations which have favoured it.

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(*) GRECO 52, Laboratoire de Géologie, Muséum National d'Histoire
Naturelle, 43, rue Buffon - 75005 Paris (France).

(**) Service Géologique de Belgique, 23 rue Jenner - 1040 Bruxelles
(Belgique).

(***) Université Catholique de Louvain, Institut Géologique, Département
de Paléontologie, place Louis Pasteur, 3 - 1648 Louvain-La-Neuve
(Belgique).

Communication présentée à la réunion organisée conjointement par le GRECO
52 (CNRS, France), la Société Belge de Géologie et le Groupe de contact de
Sédimentologie (Belgique) sur le thème:
"Evaporites pré-permiennes en Europe; aspects sédimentologiques, paléo-
géographiques et structuraux", les 9 et 10 mai à Bruxelles.
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I. INTRODUCTION.

L'étude sédimentologique des sondages exécutés dans le Viséen du Synclino-
rium de dinant (Yves-Gomezée, NNW de Phillippeville) a révélé la présence
de pseudomorphoses d'évaporites. Les sédiments rencontrés sont des calcai-
res divers souvent organoclastiques, parfois oolithiques, comportant des
géodes et des veines de calcite et associés à des calcaires dolomitiques,
des dolomies et surtout à des brèches polygéniques. Ils appartiennent tous
à plusieurs niveaux de la séquence livienne, dont la partie inférieure,
transgressive, est bien rythmée avec de nombreux stromatolithes, tandis que
la partie supérieure est constituée par une épaisse brèche polygène repérée
dans presque tout le Bassin franco-belge.

La reconstitution de la paléo-géographie du domaine paralique à sédimenta-
tion évaporitique au cours du Viséen s'appuie sur la connaissance des
formations évaporitiques épaisses (Saint-Ghislain, Epinoy 1) décrites par
ailleurs (GROESSENS et al., 1979; ROUCHY et al., 1984; PIERRE et ROUCHY,
sous presse; ROUCHY, 1986) et sur l'inventaire de tous les indices actuel-
lement identifiables dans les séries affleurantes. Si la plupart des dépôts
évaporitiques conséquents n'ont été observés actuellement que dans une
partie de l'unité paléogéographique du Synclinal de Namur, différents
indices sédimentologiques et géophysiques (BLESS et al., 1980, 1982) per-
mettent de soupçonner une extension plus vaste. La mise en évidence au
cours des dernières années, de pseudomorphoses d'évaporites sulfatées dans
le Synclinal de Namur mais également, comme dans le cas des sondages de
Yves-Gomezée, dans les autres entités paléogéographiques et structurales
comme la nappe de Dinant, prouve la grande extension des influences évapo-
ritiques à cette époque; leur découverte au sein des principaux épisodes
bréchiques y compris la "Grande Brèche" apporte des nouveaux éléments
d'interprétation d'événements dont l'origine est encore controversée:
tectonique sédimentaire, dissolution d'évaporites, etc... Afin d'éviter
tout risque d'extrapolation hâtive, il convient de réaliser un examen
critique de la signification sédimentologique et paléogéographique de ces
pseudomorphoses.


II. DESCRIPTION SOMMAIRE DES SONDAGES.

Sondage 1 (incliné à 60°)

- Localisation 173 E 579 (Dossiers du Service Géologique de Belgique).
- Cote de l'orifice : 237,89m.
- Description : de 0 à 18 m : calcaire séquentiel d'âge Livien inférieur.


Sondage 1 X

- Localisation 173 E 579 bis.
- Cote de l'orifice : 239,05m.
- Description : de 0 à 16,85m : calcaire à passées dolomitiques, sequentiel
à Syringopora et gastéropodes daté Cf5 par foraminifère; de 16,85 à 30m :
Brèche à ciment calcaire.


Sondage 2

- Localisation : 173 E 580
- Cote de l'orifice : 238,81m
- Description : de 0 à 30m : calcaire de type séquentiel, parfois
dolomitique; interstratification de brèches à ciment calcitique
rougeâtre, remaniement des foraminifères d'âge Cf5.
- Pendage 50 à 75°.


Sondage 3
- Localisation : 173 E 581
- Cote de l'orifice : 217,54m
- Description : de 0 à 30m : calcaire de type séquentiel, à Brachiopodes,
rugueux et Syringopora. Age Livien inférieur, passage au Moliniacien
possible vers 22m.
- Pendage 50 à 60°.


Sondage 4

- Localisation : 173 E 582
- Cote de l'orifice : 228,69m
- Description: de 0 à 18m : Dolomie et calcaire dolomitique clair,
cristallin, à Syringopora, d'âge Moliniacien supérieur (V2a); de 18 à
30m : calcaire dolomitique et dolomie gris-bleuâtre, à Brachiopodes. Age
Moliniacien (V1b ou base V2a).
- Pendage 20°.


Sondage 5 (incliné à 60°)

- Localisation : 173 E 583.
- Cote de l'orifice : 233,25m.
- Description : de 0 à 30,20m : calcaire de type séquentiel bleu foncé, à
passées dolomitiques et grosses coquilles de Brachiopodes, Syringopora.
Age : Livien.
- de 30,20 à 30,80m : niveau du "Banc d'Or de Bachant", c'est-à-dire limite
Moliniacien.
Ce niveau est constitué d'un calcaire organoclastique noirâtre, bourré de
gros Ostracodes.
- de 30,80 à 35,50m : calcaire blanchâtre à points cristallins alternant
avec un calcaire de type "chapeau de séquence". Age : Moliniacien
supérieur.
- Pendage de 20 à 25°.


Sondage 6 (incliné à 60°)

- Localisation : 173 E 584
- Cote de l'orifice : 244,16m
- Description : de 0 à 33,50m : brèche à ciment rouge, foraminifères d'âge
Cf5, pseudomorphoses diverses.


Sondage 7

- Localisation : 173 E 585
- cote de l'orifice : 245,43m
- Description : de 0 à 30m : calcaire séquentiel à Brachiopodes et
Syringopora, pseudomorphoses diverses et passées dolomitiques.
- Pendage 25 à 35°.


Sondage 8

- Localisation : 173 E 586
- cote de l'orifice : 239,11m
- Description de 0 à 30m : calcaire à points cristallins, nombreux
Brachiopodes et Syringopora.


III. DESCRIPTION DES VESTIGES EVAPORITIQUES.

Des structures caractéristiques de dépôts évaporitiques ont été observées
dans plusieurs des 8 sondages de Yves-Gomezée (S2, S6, S7, S8); elles
s'observent de l'échelle de l'échantillon (structures nodulaires) à
l'échelle microscopique : facules résiduelles d'anhydrite; vestiges de
cristaux lenticulaires de gypse, vestiges de variétés d'anhydrite de rem-
placement tardif.

A. LES STRUCTURES NODULAIRES.

1. Description

Il s'agit de masses centimétriques à décimétriques de calcite blanchâtre
apparaissant à l'intérieur de calcaires gris sombre (S4, S7); les contours
parfois sub-arrondis peuvent être modifiés par des figures de stylithisa-
tion ou bien présentent des formes anguleuses voire même de véritables
morphologies cristallines (S1, 8m, Pl.I, A). De tels amas pseudo-nodulaires
correspondant en fait à d'anciens agrégats cristallins ont également été
observés en d'autres lieux (carrière de Walhorn, par exemple).

La phase carbonatée de substitution n'est pas identique dans tous les cas
et peut être composée soit de grands cristaux spathiques dépassant 500
micro-m et parfois un centimètre et généralement pauvres en impuretés, soit
de cristaux automorphes de taille réduite (30-50 micro-m) soit, parfois,
d'un assemblage hétérométrique de cristaux chargés en impuretés carbonatées
(Pl.I, A); ils sont fréquemment associés à des cristaux de quartz auto-
morphes, parfois bipyramidés, et à des agrégats quartzo-calcédonieux de
structure radiaire; dans certains cas, des arrangements irréguliers de
faisceaux de fibres évoquant un feutrage ou une allure contournée et
fluidale miment la microstructure de sédiments gypso-anhydritiques (Pl.I,
C, D). bien qu'étant peu bondantes, des facules résiduelles d'anhydrite ont
été observées à l'intérieur des quartz ou des agrégats quartzo-calcédonieux
(S7, 4m).

Un autre type de structure est caractéristique d'un précurseur sulfaté; il
s'agit de fragments contournés, sigmoïdes ou fracturés de carbonates mi-
critiques flottant à l'intérieur de masses homogènes de calcite spathique;
ces fragments représenteraient d'anciennes plages carbonatées résiduelles
isolées dans une matrice anhydritique dont le remplacement tardif est
assuré par la calcite spathique.

2. Interprétation.

Les critères morphologiques ainsi que la préservation de cristallites
d'anhydrite montrent que les formes précédemment décrites résultent bien
d'un remplacement de gypse et/ou d'anhydrite. Le précurseur sulfaté
possédait au moins deux types de macrostructures : des nodules vrais et des
agrégats cristallins. Nous savons que la diagenèse d'enfouissement (et à
fortiori la tectonique) a pour effet d'effacer les structures originelles
du gypse au profit des formes nodulaires de l'anhydrite (ROUCHY, 1976;
ROUCHY et al., 1984; LOUGKS et LONGMANN, 1985); toutefois, le fait que les
formes cristallines originelles soient encore préservées dans certaines
plages permet de considérer que les formes nodulaires elles-aussi corres-
pondent à des morphologies originelles et représentent de ce fait d'anciens
nodules anhydritiques de diagenèse précoce. Le deuxième type de structure
est à rapporter à d'anciens agrégats cristallins - probablement de gypse -
ayant subi une anhydritisation avant leur substitution par les carbonates
et la silice.

Ces deux variétés de gypse ou d'anhydrite résultent d'une croissance di-
agénétique précoce. L'observation des formations anhydritiques montre que
l'authigenèse siliceuse est fréquemment, mais non systématiquement, un
phénomène relativement précoce (ROUCHY et al., 1984) et dissocié de la
substitution calcitique qui se produit plus tradivement.

Dans le cas des pseudomorphoses observées dans les affleurements viséens,
le remplacement par la calcite pourrait intervenir dans les conditions de
surface lors de la mise à l'affleurement, ou bien en relation avec une
diagenèse profonde en aquifère continental comme le montrent les valeurs
isotopiques mesurées dans certains échantillons provenant d'autres affleu-
rements (PIERRE, 1986).

B. PSEUDOMORPHOSES CARBONATEES DE CRISTAUX LENTICULAIRES DE GYPSE
(Pl.I, B).

A plusieurs niveaux (S6, 11m; S7, 8m) s'observent des vestiges de cristaux
lenticulaires de gypse dont les dimensions les plus fréquents varient de 60
à 300 micro-m). Dans certains cas, ces cristaux apparaissent directement
dans les éléments de la brèche.

Ces cristaux lenticulaires de gypse se forment habituellement par croissan-
ce diagénétique précoce dans un sédiment-hôte émergé (concentration capil-
laire saumures interstitielles) ou même recouvert d'une faible tranche
d'eau (concentration contrôlée biologiquement, PERHUISOT, 1978, par exem-
ple).

La substitution carbonatée est contrôlée par les mêmes mécanismes que ceux
qui ont été évoqués précédemment sans que l'on puisse exclure pour autant
des phénomènes de réduction bactérienne des sulfates.

C. PSEUDOMORPHOSES D'ANHYDRITE DE REMPLACEMENT TARDIF DE CARBONATES

Plusieurs types de structures microscopiques peuvent être rapportées indu-
bitablement au remplacement de variétés d'anhydrite de diagenèse tardive :
cristaux automorphes isolés (porphyroblastes), plages à contours en domino,
veinules, etc...

1. Description

a. Les plages de calcite claire à contours en domino sont développées à
l'intérieur des carbonates bioclastiques (S8, 7 m, 9 m, 12,70 m, 27 m,
S2, 28,80m); il s'agit de grandes plages de calcite limpide (quelques
centaines de micro-m à plusieurs centimètres) développées irrégulière
ment au sein de calcaire bioclastiques de teinte sombre; elles présen
tent la particularité de posséder des contours en marches d'escamier ou
en "domino" qui recoupent indifféremment les composants du sédiment-hôte
(péloïdes, ooïdes, débris organiques divers; pl.I, G) qui peuvent être
englobés dans la masse calcitique de remplacement; leurs contours ou
leurs structures sont alors soulignés par des imputetés carbonatées
résiduelles. Souvent associés à ces places en domino, s'observent
également des filonnets dont le remplissage calcitique apparaît en
continuité optique avec celui des cristaux de remplacement : l'ensemble
de ces plages est composé d'une mosaîque de cristaux de grande taille
(pl.I, G) et/ou parfois d'agrégats microsparitiques.

b. Des vestiges de cristaux de section carrée, rectangulaire, lenticulaire
ou plus rarement losangique atteignant parfois 1mm de côté, apparaissent
dispersés ou bien regroupés en agrégats dans un carbonate-hôte qui est
toujours micritique; ils s'en distinguent généralement par un liséré
périphérique limpide (pl.I, E, F) soulignant un corps central opaque
riche en vestiges du sédiment micritique dans lequel ils se sont
développés. Ces vestiges cristallins sont aisément comparables aux
cristaux d'anhydrite de remplacement tardif de carbonates généralement
désignés par le terme de porphyroblastes. Soulignons que ces structures
s'observent souvent dans les fragments de la brèche (S2, 20m, 8m,
26,50m) et qu'elles paraissent dans quelques cas en continuité optique
avec le ciment carbonaté qui résulte peut-être, dans certains cas, d'une
pseudomorphose de matériaux sulfatés.

2. Interprétation.

Ces diverses structures (amas à contours en domino, porphyroblastes, filon-
nets) sont caractéristiques des variétés d'anhydrite de remplacement tardif
de carbonates fréquemment observés dans les fragments carbonatés résiduels
isolés à l'intérieur des masses anhydritiques givétiennes ou viséennes
(ROUCHY et al., 1984, pl. ph. V; ROUCHY, 1986). Nous remarquerons à l'oc-
casion, que certains porphyroblastes isolés et de section carrée, pourrai-
ent être aisément confondus avec des pseudomorphoses de cubes de halite.

La chronologie de ces transformations diffère probablement en fonction des
caractéristiques sédimentologiques et structurales du site considéré.
ainsi, dans le Purbeckien d'Aquitaine, CLARK et SHEARMAN (1978) considèrent
que certains porphyroblastes se forment avant la compaction, d'autres
postérieurement; ces auteurs proposent de considérer que la formation des
filonnets anhydritiques est formation des filonnets anhydritiques est un
phénomène connexe lié à la réduction de volume induite par le remplacement.
Dans les calcaires missipiens du Saskatchewan (KENDALL et WALERS, 1978), le
remplacement interviendrait très tardivement (postérieurement au Trias).
L'étude des formations anhydritiques de Saint-Ghislain et d'Epinoy 1 (ROU-
CHY et al., 1984: ROUCHY, 1985) a montré que leur développement était dans
la majeure partie des cas, contemporain de la déformation, voire même
postérieur. Par analogie avec ces séries épaisses, nous admettrons que le
développement de cas variétés d'anhydrite représente une phase de diagenèse
relativement tardive avant leur remplacement carbonaté.


IV. INCIDENCES CONCERNANT LA GENESE DES BRECHES VISEENNES.

La genèse des épisodes bréchiques viséens (Grande Brèche de Namur et de
Dinant, etc...) a longtemps été l'objet d'une controverse: brèche sédimen-
taire ou tectonique. Plus récemment, la découverte de vestiges d'évaporites
sulfatées déjà observés par WEST, en 1969, dans de nombreux épisodes
bréchiques ont mis en avant l'hypothèse d'une bréchification par effondre-
ment due à la dissolution d'évaporites (SWENNEN et al., 1981; JACOBS et
al., 1982; CLAEYS, 1984; MAMET et al., 1986; SWENNEN et VIAENE, 1986). Leur
présence peut également appuyer l'hypothèse de glissements favorisés par la
présence de ces mêmes évaporites (PIRLET et BOUCKAERT, 1976). D'autres
arguments vont en faveur de la dissolution d'évaporites: l'équivalence
stratigraphique de certains épisodes bréchiques avec des intercalations
évaporitiques de Saint-ghislain (BLESS et al., 1980; GROESSENS et al.,
1979; ROUCHY et al., 1984); la présence d'une brèche au sommet du viséen de
Douvrain (LECLERCQ, 1980) situé à peu de distance du sondage de Saint-
Ghislain; le karst situé à la base de la formation anhydritique de Saint-
Ghislain.

Cette hypothèse exige l'existence, avant dissolution, d'intercalations
évaporitiques relativement épaisses et pas seulement de nodules anhydriti-
ques ou de cristaux de gypse isolés dont la dissolution ne saurait expli-
quer l'importance des brèches; s'ajoutant au contexte évaporitique de la
sédimentation viséenne observée dans les sondages de Yves-Gomezée, la
présence de ces variétés d'anhydrite dans les éléments de certains épisodes
bréchiques constitue un argument supplémentaire en faveur d'une bréchifi-
cation par effondrement lié à la disparition d'évaporites, au moins pour
certains épisodes observés. En outre, la préservation des vestiges d'anhy-
drite de diagenèse tardive dans la brèche implique le caractère nécessai-
rement tardif de la bréchification qui est, au moins, postérieure à une
phase de fracturation comme l'attestent les fragments riches en veinules
calcitiques. On peut admettre que la dissolution des sulfates - ou éventu-
ellement des sels plus solubles - a été induite par des circulations favo-
risées par la fracturation ou la déformation du sédiment après les épisodes
tectoniques hercyniens. Ainsi, l'étude de la formation anhydritique viséen-
ne des sondages d'Epinoy 1 (ROUCHY, 1986) montre des faciès bréchiques liés
à la déformation tectonique qui, après dissolution tardive des sulfates,
pourraient engendrer des brèches comparables à celles de Yves-Gomezée ou
d'autres brèches viséennes du bassin de Dinant.


V. CONCLUSIONS

A ce jour, les dépôts évaporitiques très épais n'ont été rencontrés que
dans l'unité paléogéographique du Synclinal de Namur correspondant à l'au-
tochtone et au para-autochtone de la chaîne hercynienne; des pseudomorpho-
ses d'évaporites sulfatées ont été abondamment décrites, ces dernières
années, dans les affleurements viséens (HANCE ET HENNEBERT, 1980; JACOBS et
al., 1981; SWENNEN et al., 1982; POELS et PREAT, 1983; MANET et al.,
1986;...) dans le Synclinal de Namur et dans la nappe de Dinant. La mise en
évidence des vestiges évaporitiques à Yves-Gomezée dans l'unité allochtone
de la nappe de Dinant, à près de 15 km au sud du front hercynien, prouve
donc l'extension considérable vers le Sud des influences évaporitiques et
soulève le problème de l'importance et de la signification de ces vestiges
évaporitiques. Il est évident qu'un certain nombre de pseudomorphoses
d'évaporites sulfatées déjà décrites (nodules isolés ou cristaux lenticu-
laires de gypse) ne sont que l'expression d'influence évaporitiques fugaces
- voire même de simples épisodes diagénétiques - sans raport avec les
conditions évaporitiques persistantes qui sont à l'origine des formations
anhydritiques développées comme celles de Saint-Ghislain ou d'Epinoy. Leur
généralité, leur diversité (cristaux de gypse, nodules anhydritiques,
variétés de diagenèse tardive) et les indices de confinement dans les
sédiments auxquels ils sont généralement associés constituent néanmoins
autant d'arghuments en faveur de l'extension de conditions évaporitiques
plus conséquentes dans le secteur considéré.

L'association constante avec les brèches constitue également un élément
important d'appréciation. si l'on admet que certains épisodes bréchiques
sont le résultat d'une dissolution d'évaporites comme semblent le confirmer
les observations de Yves-Gomezée, il faut admettre que s'étaient formés des
dépôts évaporitiques plus épais, massifs et continus, sans commune mesure
avec les vestiges anhydritiques ou gypseux actuellement observés dans les
affleurements. Bien qu'étant ni continue ni homogène, l'aire d'extension de
la sédimentation évaporitique excède la seule limite du bassin de Namur et
serait à prolonger vers le Sud dans une partie de la nappe de dinant avec
les implications structurales que cela suggère.


REMERCIEMENTS.

Les auteurs remercient Messieurs HEYMANS, WIERINCKX et GANON, Mademoiselle
DESTARAC, Madame DELETOILLE et Mademoiselle TORTEL, qui ont assuré respec-
tivement la réalisation des lames minces, l'illustration photographique et
la dactylographie.


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LEGENDE DE LA PLANCHE PHOTOGRAPHIQUE.

A. Remplacement cabonaté d'agrégats cristallins originellement composés de
gypse (ou éventuellement de célestite). Noter les deux composants
principaux de la phase de remplacement : partie centrale composée d'une
mosaïque de cristaux automorphes (1) et limpides de calcite et partie
externe composée de petits cristaux xenomorphes et impurs (2); certains
possèdent même une allure lamellaire (flèches). Sondage S2, 26,50m;
cliché 47.23.

Carbonate remplacement after gypsum (or eventually celestite) crystal
aggregates. Note the two distinct part : large idiomorphic crystals of
calcite (1) in the center surrounded by irregulat losaïc of smaller
xenoporphic crustale (2) : some of them presents a lamellar shape
(arrows). Drill hole 2, 26,50m; photo 47.23.

B. Pseudomorphoses calcitiques de cristaux lenticulaires de gypse. Sondage
S2, 26,50; cliché 47.21.

Calcite speudomorphs after lenticular gypsum crystals. Drill hole S2,
26,50m; photo 47.21.

C. Agrégats de calcite lamellaire résultant probablement d'un remplacement
d'anhydrite dont les vestiges sont observables dans le cliché D.

Lamellar calcite aggregates probably resulting from the remplacement of
anhydrite of which relics are illustrated in the close-up of the photo
D.

D. Cristaux lamellaires de calcite (flèches blanches) et cristaux
d'anhydrite (flèche noire) dans une matrice composée de grandes plages
calcitiques. Noter les formes orthorhombiques des cristaux de calcite
en baguettes identiques à celles de l'anhydrite dont elles assurent le
remplacement.

Lamellar crystals of calcite (white arrows) and anhydrite (black arrows)
in a large impure calcite crystals. Note the elongated and rectangular
shape of the calcite characteristic of a former orthorhombic crystal.

E. Fragment bréchique carbonaté présentant des structures attribuables à
des plages d'anhydrite de remplacement (flèche) de carbonates, anhydrite
qui a été ultérieurement transformée en carbonates. Ces cristaux
d'anhydrite possédaient une structure caractéristique : liseré
périphérique limpide entourant un corps cristallin chargé en impuretés
micritiques du sédiment carbonaté-hôte; sondage S2, 20,80m; cliché
47.16.

Carbonate fragment in a brecciated element showing structures
characteristic of posphyroblastic anhydrite of late replacement of
carbonates, this anhydrite being replaced later by carbonates. Before
the later replacement, the anhydrite crystals was characterized by a
clear border surrounding a crystalline body rich in micritic inclusions
of the carbonate in which they are developped. Drill hole S2, 20,80m;
cliché 47.16.

F. Pseudomorphoses calcitiques de cristaux prismatiques d'anhydrite : ces
cristaux qui possèdent des caractéristiques identiques à ceux de la ph.
E (liseré clair, coeur opaque) résultent d'une phase de diagenèse
tardive. Sondage s2, 28,80m; cliché 46.26.

Calcite pseudomorphs after anhydrite; the crystals of anhydrite showing
similar characteristics (clear border, opaque body) so that illustrated
in photo E. Drill hole S2, 28,80m; photo 46.26

G. Plages calcitiques aux contours en marches d'escalier ou en domino
correspondant au remplacement de plages d'anhydrite: ces plages
anhydritiques résultent elles-mêmes d'un remplacement de matériel
carbonaté. Sondage S8, 12,70m; cliché 46.16.

Calcite replacement of anhydrite showing characteristics stairs (or
domino like) features (arrows); this anhydrite results from the
replacement of former carbonates. Drill hole S8, 12,70m; cliché 46.12.