152E0301.TXT
PL. MORLANWELZ 152E
M.GULINCK
301 (VII)
Observations sur le Landénien d'Epinois
par M.Gulinck
(Extrait de: Bulletin de la Société belge de Géologie, de Paléontologie et
d'Hydrologie, Bruxelles, 1949, tome LVIII, fasc. 3).
Sablières ouvertes à Epinois par la S.A. Sambre et Dyle.
L'emplacement des sablières est indiqué par la fig.1.
Croquis 1: Fig.1.
La sablière I montrait de haut en bas :
1. Limon jaunâtre avec zone humifère au sommet. Epaisseur variable, très
réduite dans la partie CD de la sablière.
2. Alternance de couches minces discontinues, légèrement ondulantes,
d'argile grisâtre et de sable gris verdâtre (fig. 3). Ce sable est
légèrement oxydé, surtout dans la partie supérieure de la couche ± 1m50
3. Tourbe argileuse compacte, finement stratifiée, renfermant des
filets discontinus de sable fin ou d'argile. Elle est souvent
rubéfiée dans sa partie supérieure et l'on trouve parfois de petites
concrétions ferrugineuses au contact de l'argile 2. Son épaisseur est
maximum en C, où elle atteint (1) ± 0m30
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(1) Nous avons demandé à M. Van Hoorne, que nous remercions ici vivement,
de faire une analyse palynologique de cette tourbe, afin d'en préciser
l'âge. L'essai n'a malheureusement fourni aucune indication par suite
de l'absence de grains de pollen.
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L'ensemble de ces couches 1-2-3 atteint environ 1m80 dans la coupe CD. Le
facies est un peu différent au point E de cette sablière. La tourbe y est
absente et le complexe est plus sableux vers le bas. On y remarquait en outre
une poche de ravinement renfermant à la base quelques grains de glauconie
remaniée et de petits cailloux de silex de quartzites.
Ce profil change également dans la coupe AB, où il a été tronqué par la
solifluxion. La carrière est en effet située sur le flanc NE d'une petite
vallée et la surface présente une déclivité marquée suivant AB. La figure 2
est très suggestive à ce sujet, car elle montre le passage graduel du complexe
1-2-3 en place, à un colluvion limoneux, sans stratification apparente.
La coupe CD montrait ensuite :
4. Sable blanc très fin, limoneux, tachant les doigts à l'état sec,
généralement très homogène et sans structure apparente, exploité comme
sable de moulage. On y trouve cependant accidentellement de petites
noisettes de sable argileux grisâtre (fig. 3 : a). On pouvait aussi y
observer, vers l'endroit E de la sablière, des accumulations locales de
petites tubulations, représentant peut-être des traces d'annélides et
rendues apparentes par la présence d'un peu de matière ligniteuse ± 4m00
5. Argile blanchâtre, parfois bigarrée ou argile ligniteuse, avec
intercalations sableuses (fig. 4). Cette zone, peu épaisse, a une
composition relativement variable, mais elle est assez continue.
Nous ne l'avons cependant pas observée dans la partie AB de la
sablière ± 0m30
6. Sable blanc, généralement très meuble, souvent ligniteux et grisâtre.
Stratification parfois très bien soulignée par de nombreux filets
ligniteux noirs. On observe alors une stratification entrecroisée,
quelquefois troublée par de petits ravinements ou de légers plissot-
tements (glissements sous-aquatiques).
7. Quartzite grisâtre formant un banc continu dans la partie CD, et
ailleurs, des concrétions arrondies, parfois en forme de fuseau.
Le banc est caverneux vers le bas. Sa surface supérieure est souvent
ondulante, rappelant plus ou moins des ripple-mars à grande amplitude.
La masse de quartzite renferme des filets noirâtres, ligniteux,
épousant souvent les formes arrondies de la surface du bloc ± 1m00
L'exploitation n'avait pas découvert les couches inférieures à ce niveau de
quartzite. Cependant, une petite excavation creusée à l'entrée de la tranchée
AB montrait, à faible profondeur, le sable blanc 6 reposant sur une épaisse
couche de rabots roulés et de galets de roches primaires. Ces cailloux
présentaient tous une surface corrodée, due peut-être à une désilicification
superficielle ?
Croquis 2: Fig. 2 - Sablière I
Coupe schématique partielle (Les deux portions de la coupe doivent être
accolées).
C'est dans la masse de ces sables continentaux que l'on trouve les diverses
particularités auxquelles nous faisons allusion au début de cette note et dont
la figure 2 montre l'aspect général.
La coupe AB de la sablière est de loin la plus remarquable. Les sables blancs,
par endroits très meubles, surtout vers le bas de la coupe, mais ailleurs fins
et limoneux, renferment localement des matières ligniteuses finement divisées.
Ce lignite offre la plus grande diversité dans sa concentration et sa
répartition. Il y a des zones quasi noires, très riches, ayant généralement la
forme d'amas isolés ou de franges ondulantes. Ailleurs le pigment ligniteux
est régulièrement distribué et donne au sable une teinte brun chocolat plus ou
moins foncée. Ces endroits sont indiqués par un pointillé sur la figure 2
(portion AB). Les zones très riches en lignite sont généralement meubles. Par
contre, certaines zones limoneuses, moins fortement colorées, sont souvent
rendues très cohérentes par suite de la coagulation d'un complexe
argilo-humique, tout comme dans certains sols fortement podsolisés.
L'enchevêtrement de formes que montre la coupe AB laisse l'observateur tout
d'abord perplexe. Un examen attentif des détails permet cependant d'identifier
certaines formes caractéristiques, parmi lesquelles nous signalerons (fig. 2,
photos I, II, III, IV) :
1° Des paquets de sables généralement très ligniteux (s), assez bien alignés;
2° Des franges sinueuses (f) atteignant parfois le sommet des sables
landéniens présents dans la coupe;
3° Des amas arrondis de sable ligniteux (a) renfermant de très nombreuses
mouchetures blanches;
4° Des formes circulaires (c) renfermant souvent un noyau blanc et parfois
accompagnées de concrétions marcassiteuses concentriques (m);
5° Des lambeaux présentant une structure bien individualisée (r).
La disposition des formes (s) et (a) peut s'expliquer en admettant une origine
sédimentaire. Ces paquets ligniteux proviendraient dans ce cas du
démantèlement de couches tourbeuses dont les débris ont été balayés par les
courants fluviaux. Notons que ceux-ci avaient probablement une direction
N.N.O.-S.S.E., c'est-à-dire presque perpendiculaire à la coupe AB. On observe
effectivement des structures analogues dans les dépôts fluviomarins et
fluviatiles et en particulier dans ceux appartenant au Landénien.
Il faut, par contre, renoncer à expliquer les formes du type f, par exemple,
exclusivement par une action mécanique, qu'elle soit due à des glissements
sous-aquatiques, à la cryoturbation ou à un affaissement consécutif à la
dissolution du substratum. Ces franges ligniteuses f montrent bien une
zonalité souvent très nette, mais celle-ci n'a rien de commun avec une
stratification; elles s'entrecoupent mutuellement de la façon la plus
arbitraire (photo III). Signalons, en passant, que les sables blancs, non
ligniteux, n'offrent aucun indice permettant d'y retrouver une stratification
quelconque.
Nous pensons qu'il faut admettre une migration et un concrétionnement de la
matière ligniteuse, à la manière de la limonite dans les dépôts sableux.
Mais, s'il n'est pas rare d'observer des concrétions limoniteuses offrant des
formes capricieuses, on n'a guère, à notre connaissance, signalé de pareils
phénomènes dans le cas du lignite.
D'où provient ce lignite ? Tout d'abord de menues particules tourbeuses qui
ont été sédimentées avec les grains de sable, mais aussi de paquets de
racines, branches ou de troncs d'arbres charriés par les courants fluviaux ou
entraînés par le fluage des masses de sable. Nous avons, en effet, pu observer
plusieurs détails qui, à notre avis, représentent des structures d'origine
végétale. C'est en particulier le cas des lambeaux indiqués par la lettre r
sur les photos II et III. En plus, les mouchetures observables dans les amas a
(photos I, III, IV et fig. 2) représentent probablement des traces de
radicelles et ces amas seraient peut-être des lambeaux d'anciens sols
disloqués et arrachés par les courants fluviaux. Enfin, les formes arrondies c
(fig. 2, photos I, II) se sont vraisemblablement développées autour
d'anciennes souches. La présence d'une croûte marcassiteuse n'est pas
surprenante, car on trouve souvent de la marcassite associée à des fragments
de bois fossiles lignitifiés. A remarquer aussi sur la photo I, à droite des
concrétions arrondies, une série de petits traits blanchâtres, dans lesquels
nous voyons également des traces de radicelles ou autres débris végétaux.
Quelques détails observés dans la partie E de la sablière II s'harmonisent
bien avec la coupe AB que nous venons de décrire. On y remarquait (fig. 4)
plusieurs traînées noires ligniteuses (t), implantées verticalement et
quelquefois ramifiées. Elles se raccordaient à de minces lits argilo-ligniteux
(a) qui les interrompaient brusquement. Ces lits ligniteux correspondent au
niveau 5 de la coupe CD décrite plus haut. La structure, la disposition et le
groupement de ces traînées permettent de les considérer comme des traces
d'anciennes racines, représentant
Les coupes BC et CD de la sablière (fig. 2) présentent d'autres phénomènes
méritant d'être signalés.
Le sable de la coupe CD renferme, immédiatement sous la couche tourbeuse,
une zone jaunâtre, un peu humifère au sommet, dont la base, indiquée par un
liséré rougeâtre, dessine une série de poches assez rapprochées. Une de
celles-ci est reproduite en détail sur la figure 3. Sa section est pseudo-
circulaire. La coupe n'en révèle que la partie supérieure, car elle plonge
vers l'arrière du profil. Cependant, les poches observées sur la coupe CD sont
normalement moins accentuées que celle de la figure 3. On remarquera sur cette
figure plusieurs noyaux arrondis (r), de même structure que la poche centrale,
à laquelle ils semblent être associés, c'est-à-dire formés d'un noyau jaunâtre
entouré d'un liséré rougeâtre. On songe immédiatement à un phénomène de
concrétionnement autour d'un système de racines, d'autant plus que l'ensemble
de la coupe montre une certaine analogie avec l'allure que présente l'horizon
B d'un sol fortement podsolisé.
Croquis 3: Fig. 3 - Détail de la coupe DC (sablière I).
Où chercher la couverture végétale ayant provoqué ce phénomène ? L'endroit
était boisé jusqu'au moment de l'ouverture de la sablière et les racines
percent jusque sous le niveau ligniteux. Nous n'avons cependant pas trouvé de
racines "actives", c'est-à-dire ayant eu une influence sur les couches
argilo-sableuses qu'elles devaient traverser avant d'atteindre le niveau
ligniteux. Ce complexe ne montre, en effet, que d'assez faibles traces
d'oxydation, toujours régulièrement réparties suivant la stratification.
Faut-il alors y voir des traces d'un sol fossile, qui se serait installé
peu avant le dépôt de la couche de lignite argileux et aurait fonc un âge
landénien supérieur ? Ce cas est encore trop hypothétique pour nous lancer
dans des spéculations à son sujet, mais l'exemple vaut la peine de retenir
l'attention.
Nous croyons enfin ne pas pouvoir passer sous silence les particularités
que présente la coupe BC de la même sablière I (fig. 2).
On y observe le prolongement de la bande jaunâtre de la coupe CD que nous
venons de signaler, mais elle disparaît lorsqu'on se dirige de C vers B, pour
faire place à des bandes de rubéfaction zonées (Z) beaucoup plus foncées et
d'un aspect tout différent (photo V). Le sable blanc, situé sous le niveau
ligniteux ou sous les colluvions, se compose, dans la portion visible de cette
coupe CD, d'une zone meuble comprise entre deux niveaux plus argileux et par
suite plus aquifères et plus cohérents. Le niveau inférieur 1 est bien visible
sur la photo V. Le sable blanc, situé sous le niveau ligniteux ou sous les
colluvions, se compose, dans la portion visible de cette coupe CD, d'une zone
meuble comprise entre deux niveaux plus argileux et par suite plus aquifères
et plus cohérents. Le niveau inférieur 1 est bien visible sur la photo V, par
suite de sa teinte plus foncée. La composition granulométrique des sables
meubles 2 et cohérents est la suivante :
Fractions en µ : <1 1-5 5-20 20-74 74-147 147-295 > 295
Sable cohérent (zone 1) 3,60 1,12 1,30 6,41 61,10 26,37 0,10
Sable meuble (zone 2) 0,50 0,97 3,28 11,05 51,05 33,02 0,13
On remarquera que la fraction argileuse, qui est essentiellement formée de
kaolinite (1), renferme une fraction relativement importante de grains
inférieurs à 1 µ.
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(1) Nous devons cette détermination à l'obligeance de M. le Prof. W. De
Keyser, que nous sommes heureux de pouvoir remercier ici.
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Croquis 4: Fig. 4 - Traces d'anciens sols landéniens (sablière I).
S 1-2-3 : sable blanc meuble
a : argile grisâtre crevassée
a1 : argile ligniteuse
t : racines
La zone intermédiaire renferme des lambeaux argileux, de composition analogue
à celle de la zone inférieure 1, souvent sous forme de grosses lentilles ou de
masses passant plus ou moins graduellement au sable meuble. Ces lambeaux sont
découpés par un très grand nombre de fines crevasses formant un triple réseau
suivant lequel le sable argileux se fendille presque comme un schiste. La
photo V montre bien les feuillets qui se détachent parallèlement à la paroi.
Ces crevasses sont remplies par le sable meuble du type 2. Elles disparaissent
presque entièrement dans la zone inférieure 1, où l'on ne trouve plus que
quelques crevasses isolées.
On observe sur la partie droite de la coupe représentée par la photo V une
crevasse plus importante, traversant toute la masse de sable et vers laquelle
une portion du réseau de fines crevasses s'infléchit très nettement. La
confusion des teintes et des structures rendait cette crevasse peu visible,
mais nous pensons y trouver la trace d'une fente de glace.
Cette portion de la photo V montre également deux concrétions de forme ronde
(c), dont on trouve plusieurs autres exemples le long de la coupe BC (fig. 2).
Ces concrétions sont généralement formées d'un noyau de sable argileux, tout à
fait analogue à celui de la masse englobante, entouré d'une écorce
limoniteuse. Dans certains cas, le noyau est également limoniteux. On constate
que ces traces ne sont pas superficielles, mais qu'elles correspondent à des
sections de corps cylindriques couchés horizontalement.
Nous pensons que ces concrétions ferrugineuses se sont formées autour de
débris végétaux (souches d'arbres ?) contemporains du dépôt de la masse
sableuse, c'est-à-dire d'âge landénien supérieur.
Il n'y a plus trace de matière organique, ce qui laisse supposer que celle-
ci a disparu par oxydation ou migration.
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PL. MORLANWELZ 152E
M.GULINCK
301 (suite)
Novembre 1952
L'exploitation de la sablière a fait reculer la paroi CD.
On pouvait constater que la couche d'argile ligniteuse (n° 5 de la coupe)
se dédoublait par suite de l'interposition d'une mince couche de sable blanc,
épaisse d'environ 0.20 m.
Les blocs de grès siliceux blanchâtres sont toujours observables. Le banc
n'est pas continu, mais on trouve des blocs aplatis de très grande dimension,
à contours arrondis.
Ces blocs sont débités en petits pavés utilisés pour l'empierrement.