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151E0023.TXT

PL. GIVRY 151E
A.RUTOT

23

A.RUTOT.- Compte-rendu des Excursions de la session extraordinaire de la
Société belge de géologie, de paléontologie et d'Hydrologie dans
le Hainaut et aux environs de Bruxelles, du 23 au 27 août 1902.

II.- Grandes exploitations de MM. Hardenpont et Maigret à
Saint-Symphorien

L'heure s'avançant, nous avons quitté l'exploitation Helin, pour
nous rendre aux exploitations de M. L. Hardenpont.

En repassant par le chemin déjà suivi, M. Rutot signale la con-
tinuité des anciennes excavations, et parmi celles-ci l'ancienne
exploitations de M. Houzeau de Lehaie, encore en partie visible.

Sur la grand'route de Binche, près du terminus du tramway, nous
rencontrons M. L.Hardenpont, accompagné de M. Decamp, directeur
des travaux, à l'entrée des vastes établissements.

L'honorable industriel nous souhaite la bienvenue et, après
remerciements de notre part, nous sommes immédiatement conduits
vers l'énorme excavation, au Nord-Est du village de Saint-
Symphorien et qui mesure 1 kilomètre de longueur sur 15 à 20
mètres de hauteur.

La coupe est admirablement visible sur tout le front d'abatage.

Cette exploitation est ouverte depuis une dizaine d'années, et
par l'effet de l'avancement des travaux, la coupe, qui était
primitivement à quelques centaines de mètres vers l'Est, a
progressivement reculé d'autant vers l'Ouest.

Aussi, à chaque visite que l'on fait à la carrière de M.L.
Hardenpont, constate-t-on des modifications que nous avons
cherché à rendre sensibles en donnant ici la coupe (fig. 18),
non selon le front d'abatage, mais perpendiculairement à ce
front.

La figure de la coupe montre trois lignes verticales, qui corre-
spondent aux fronts d'abatage des années inscrites au sommet.

Au commencement, on voyait donc les couches B et C, qui re-
présentent le Flandrien, bien développées, sur 4 mètres environ.

Au-dessus, le Moséen E se présentait sur 1 mètre d'épaisseur;
puis s'étendait le Landenien inférieur in situ, G, avec son
important cailloutis de silex verdis, H, à la base.

Sous le cailloutis se développait la craie phosphatée gris
verdâtre, avec ses bancs de silex, exploitée sur 10 à 15 mètres.

Vers 1899, le Flandrien avait diminué d'épaisseur, tandis que le
Moséen avait augmenté. Le Landenien inférieur gardait toujours la
même épaisseur moyenne de 1 mètre et, vers le milieu du font
d'abatage, apparaissait, sous forme de lentille, le tuffeau de
Saint-Symphorien, intercalé entre la base du Landenien et la
craie phosphatée.

Fig. 18.- Coupe transversale de l'exploitation de craie phosphatée
de MM. L.Hardenpont et Maigret, à Saint-Symphorien

A. Sable éolien moderne, parfois un peu agglutiné
et recouvrant un gisement de silex néolithiques
de tout premier ordre 0m40

B. Terre à briques sableuse 0m50 à 2m50

C. Ergeron très stratifié bien caractérisé 1m00 à 2m50

D. Cailloutis en grande partie formé d'éclats de
silex anguleux d'orignines très diverses et
renfermant, mélangées, les industries :
mesvinienne, chelléenne et acheuléenne 0m10

E. Sable fin, vert, homogène, constitué par du
sable landenien remanié (Moséen) 1m00 à 4m00

F. Faible lot caillouteux, renfermant des rognons
de silex noir opaque, à clivage très spécial et
à industrie reutelo-mesvinienne pure 0m05

G. Sable vert-noir, très glauconifère, argileux,
Landenien inférieur 1m00

H. Cailloutis de rognons de silex verdis, base du
Landenien 0m20

I. Tuffeau crétacé de Sanit-Symphorien
(Maestrichtien) 0m00 à 3m00

J. Poudingue de galets roulés de craie durcie,
base du Maestrichtien (Poudingue de Malogne) 0m20

K. Craie phosphatée de couleur gris verdâtre, avec
nombreux lits de silex de formes irrégulières,
gris-brun, visible sur 10m00

Enfin, en 1902, lors de notre visite, le Flandrien
était réduit à 1m50 d'épaisseur, le Moséen avait 4
mètres d'épaisseur, le Landenien, toujours 1 mètre
en moyenne, et le tuffeau de Saint-Symphorien, visible
sur presque toute l'étendue du front d'abatage, se
montrait épais d'environ 2 mètres.

M. J.Cornet fournit aux excursionnistes tous les renseignements
détaillés concernant le Crétacé; il montre la composition de la
masse de craie phosphatée et il fait remarquer la couleur de
celle-ci, si différente de celle que nous avons vue à Ciply.

M. J.Cornet, avec l'adhésion de toutes les personnes compéten-
tes, explique qu'à Saint-Symphorien-Havré, la craie phosphatée,
sommet du Sénonien, présente sa vraie teinte normale, tandis
que dans la région de Ciply, la teinte est celle de la masse
altérée.

En effet, vers Ciply, la craie phosphatée affleure souvent sous
quelques mètres de couches quaternaires assez perméables, et
comme le niveau phréatique de la nappe aquifère se trouve à
assez grande profondeur, toute la masse de craie phosphatée a
subi l'effet de l'infiltration lente des eaux superficielles, et
des oxydations se sont produites, colorant les grains de phosh-
pate de chaux en brun.

Ici, la couche de sable argileux landenien joue le rôle de
couche imperméable, que les eaux d'infiltration ne traversent
pas, ce qui est nettement visible le long du front d'abatage,
où l'on remarque un suintement constant d'eau au contact du
Moséen et du Landenien.

La couche de craie phosphatée, mise ainsi à l'abri de
l'oxydation, a conservé sa teinte normale.

On étudie ensuite le tuffeau maestrichtien jaune, friable,
peu fossilifère, dont la partie supérieure a été durcie (2),
ainsi que les éléments du poudingue de base, représentant ici
le poudingue de la Malogne.

M. Rutot demande alors la permission de fournir les explications
relative à la partie supérieure de la coupe, également très
intéressante au point de vue de la Préhistoire.

D'abord, abstraction faite du Landenien inférieur ou marin et de
son gravier de base, bien connus maintenant, la partie quater-
naire de la coupe est beaucoup plus simple qu'à l'exploitation
Helin.

Au lieu d'y rencontrer la succession : Flandrien, Hesbayen,
Campinien et Moséen, on n'y constate plus qu'une superposition
directe du Flandrien sur Moséen. Les deux termes intermédiaires:
Campinien et Hesbayen, font défaut.

Est-ce à dire qu'ils n'out jamais existé en ce point ? M. Rutot
penche pour le contraire, car la surface dus sol, à l'exploita-
tion Hardenpont, est d'environ 5 mètres inférieure à la cote du
sol à l'explotation Helin, de sorte que nous nous trouvons tou-
jours aux bas niveau, où nous devons constamment nous attendre
à rencontrer les deux termes manquants. M. Rutot est donc d'avis
que, primitivement, le Campinien et le Hesbayen existaient ici
sur le Moséen, mais que, comme en beaucoup d'endroits, sur les
points bas, l'ergeron, que l'on voit posséder une allure très
ravinante, les a dénudés.

Ce qui tend à prouver l'exactitude de cette manière de voir,
c'est qu'il a existé un moment où l'une des exploitations
isolées voisines existant près de la bordure du Bois d'Havré,
vers les Champs Elyées, a montré une coupe semblable, avec un
lambeau de limon hesbayen conservé entre le Moséen et le Flan-
drien (1).

Le Campinien existant sur le Moséen, le cailloutis supérieur du
Moséen refermait donc, comme chez Helin, l'industrie mesvinien-
ne, l'intérieur du Campinien renfermait l'industrie chelléenne
et le cailloutis supérieur du Campinien contenait l'industrie
acheuléenne.
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(1) La même disposition existe à l'exploitation Helin. En effet, le limon
hesbayen ne se voit que le Sud de l'exploitation. Vers le Nord, l'Erge-
ron augmente rapidement d'épaisseur et il vient reposer alors direc-
tement sur le Campinien, qu'il ravine plus ou mois profondément.
L'industrie acheuléenne paraît alors exister dans le cailloutis de
base du Flandrien.

(2) On remarque que quelques infiltrations d'eau ont pu atteindre le sommet
du tuffeau maestrichtien, car sous la base du Landenien, on remarque de
petites poches d'altération remplies de grains de phosphate de chaux,
résidu de la dissolution du tuffeau maestrichtien, qui ne renferme
toutefois qu'une faible proportion de phosphate.
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Le tout était surmonté de limon hesbayen. Or, depuis, le Flan-
drien est venu opérer ses ravages habituels; le Hesbayen et le
Campinien ont été entiérement délavés et leurs éléments fins
dispersés. (On voit très bien des traces du sable campinien
remanié à la base du Flandrien).

Mais les éléments lourds, c'est-à-dire les restes des industries
humaines, primitivement distribués en lits distincts, se sont
mélangés complètement dans un nouveau cailloutis à la base du
Flandrien, et c'est ce qui explique l'assemblage de pièces
mesviniennes, chelléennes et acheuléennes constaté dans le même
cailloutis.

Toutefois, la plupart des pièces de ces diverses industries sont
tellement bien caractérisées, qu'un oeil exercé n'a aucune peine
à diriger le traige.

Si le gravier qui se trouve à la base du Flandrien renferme un
mélange de trois industries, au contraire, le gravier base du
Moséen, toujours parfaitement isolé, referme l'industrie
reutelo-mesvinienne pure.

A première vue, les éléments de ce cailloutis sont si rares et
si espacés qu'on ne le remarque pas.

Il nous a ainsi échappé pendant longtemps et ce sont les ou-
vriers qui l'ont fait remarquer à M. E. de Munck, qui suit atten-
tivement tous les travaux et ne laisse rien échapper.

Dès qu'il eut connaissance de l'existence de ce cailloutis qui
sépare ainsi nettement le Moséen du Landenien. M. de Munck fit
mettre à part tous les cailloux rencontrés à ce niveau, et c'est
ainsi qu'il a pu réunir la magnifique série d'instruments de
l'industrie reutelo-mesvinienne qui se trouve au Musée de
Bruxelles.

A ce sujet, M. Rutot fait remarquer la nature du Moséen.

C'est du sable landenien persque pur, remanié et déposé par des
eaux tranquilles dans une sorte d'expansion lacustre latérale.

Le fait se comprend aisément à l'inspection de la carte topo-
graphique au 1/20.000.

On voit, en effet, que la Trouille, qui arrive de Spiennes,
c'est-à-dire du Sud vers le Nord, tourne vers Hyon et Mons,
c'est-à-dire vers l'Ouest.

En face de ce coude s'ouvre vers le Nord-Est une vaste dépres-
sion de 3 à 4 kilomètres de longueur, entièrement fermée et
ne s'ouvrant vers la Trouille que par un étroit goulot entre
Spiennes et Saint-Symphorien. C'est dans cette dépression que
s'est déposé ce facies tout spécial du Moséen, à allure tout à
fait tranquille, alors que partout ailleurs les dépôts indiquent
un courant assez rapide.

M. G.Dollfus a peine à admettre que le sable vert E (fig. 18)
soit remanié; il ne peut le considérer comme quaternaire, et il
met en doute la taille intentionnelle des silex qui y ont été
découverts.

M. A.Rutot admet d'autant plus les hésitations de M. G.Dollfus
qu'il a commencé lui-même par croire le sable vert E landenien;
ce n'est qu'une étude prolongée qui l'a conduit vers un avis
définitif contraire.

Quant aux silex utilisés, d'industrie reutelo-mesvinienne pure,
ils ont été admis sans discussion par tous les spécialistes
belges et étrangers qui les ont étudiés au Musée de Bruxelles.

Pour terminer, M. Rutot fait encore remarquer qu'au-dessus de la
terre à briques du Flandrien, terme le plus supérieur existant
du Quaternaire, il existe encore une couche A (fig. 18), de 0m40
à 1 mètre d'épaisseur. L'examen de cette couche montre qu'elle
est d'origine éolienne et qu'elle fait partie d'un système de
dunes se développant vers le Nord.

Cette couche sableuse, parfois durcie vers le bas, recouvre un
gisement de silex néolithique de la pierre polie de tout premier
ordre comme importance.

Plus de 10.000 pièces : percuteurs, nuclei, racloirs, grattoirs,
haches non polies, pointes de flèches, molettes, meules, polis-
soirs, poteries, etc..., ont déja été recueillies en ce point par
M. E. de Munck et déposées au Musée royal d'Histoire naturelle
de Bruxelles.

Ce gisement, ainsi mis à l'abri des remaniements sous la couche
de sable éolien, mérite d'étre pris, à l'avenir, comme un véri-
table type de l'industrie contemporaine de la hache polie.

Après la visite de l'exploitation, M. Hardenpont nous a con-
duits au travers des vastes usines où s'opère l'enrichissement
de la craie phosphatée naturelle, en nous fournissant toutes les
explications désirables; aussi, avant de quitter ces établisse-
ments modèles, M. A.Rutot a-t-il tenu à remercier encore
M. L.Hardenpont de son extrême bienveilance. Il a rappelé
combien les géologues étaient toujours reçus avec sympathie dans
les exploitations, où ils ont tant à apprendre, et sont aidés,
efficacement dans leurs observations.

Un dernier verre de champagne a été vidé à l'union toujours plus
intime de l'Industrie et de la Science, et nous avons quitté les
établissements de M. Hardenpont en appréciant hautement combien
cette union est désirable et féconde.

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