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148W0236.TXT

PL.LOUVEIGNE 148W
A.GROSJEAN

N°236 (II) Ibidem, p.521.

Le Chantoir de Grandchamps.- Ce chantoir, situé à 700 mètres au S-O du village d'Adseux, fait face au précédent,
du Côté Ouest de la chaussée. C'est le plus profond gouffre de la région; iil s'ouvre au milieu du plateau et en plein
champ. N'était le bouquet de conifères planté sur les pentes supérieures et sur le premier palier de l'excavation, à
dix mètres plus bas que la plaine, arbres dont on aperçoit les têtes, dénonçant la cavité on pourrait facilement passer
à proximité sans se douter de l'existence du gouffre. a l'une de nos dernières visites, nous avons fait la pénible
constatation que déjà l'impitoyable cognée du bucheron avait jeté la dévastation dans la délicieuse petite oasis boisée
faisant face au fond du chantoir.

La beauté du site s'en était déjà cruellement ressentie et cependant, malgré cette amputation d'une partie de son
cadre verdoyant, le chantoir de Grandchamps est l'un des plus mytérieusement poétique que l'on puisse visiter aux
environs de Remouchamps.

Pour atteindre le fond du gouffre, profond de vingt cinq mètres environ, on descend une pente d'une dizaine de mètres
occupée, surtout dans le bas, par le petit bois de sapins qui s'arrête net après le premier palier. On dévale ensuite,
par un sentier à peine frayé, sur une pente assez raide couverte d'une luxuriante et fraîche végétation, où dominent de
grandes et belles fougères, florissant ici grâce à la constante et forte humidité qui règne dans ce cirque verdoyant.
C'est là un vrai nid de verdure, perdu au milieu des monotones plaines cultivées environnantes. Le point de perte,
(alt. 235m.) qui se remarque dans la partie la plus basse du creux, est des plus curieux. Un minuscule ruisselet
descendant d'un petit ravin boisé qui se creuse en face, se précipite par trois cascatelles successives, dans une
cavité horizontale, où il s'engloutit bruyamment après avoir bondi et rebondi sur le rocher calcaire, couronné de
broussailles et paré de mousses aux tons harmonieux. Malheureusement, l'originalité du site est gâtée par les
inscriptions et noms absurdement barbouillés sur les rochers par cette catégorie de visiteurs qu'a si congrûment
qualifiés le vers latin:
Nomina stultorum semper parietibus insunt.

Par une bizarreire plus fréquent que surprenante, le ruisseau, dès qu'il entre dans la caverne, coule dans un sens
opposé à celui qu'il avait à la surface, repassant juste en amont de ses propres cascades extérieures; le pendage (1)
des strates, qui dirige, la marche souterraine des eaux vers le Sud-Ouest, est la cause bien simple de ce jeu de la
nature, dont les exemples sont, par ailleurs assez abondants.

(1) Pendage: inclinaison des couches ou des bancs dans les mines, carrières et affleurements: s'apprécie en degrés.
Il est à remarquer que la direction des couches est perpendiculaire à l'orientation de leur pendage.

Ici plus qu'ailleurs, la poétique chanson des cascatelles engouffrées justifié le nom de "chantoir" donné dans la
région à ces descentes forcées de ruisseaux qui exhalent leur douce plainte avant leur emprisonnement sous terre.
La muraille calcaire, verticale et fissurée, correspondant à la cascace proprement dite, a environ 2.50m; mais
au-dessus, on voit fuir obliquement un épais massif schisteux entaillé par le sillon du ruisseau, en amont.
C'est le schiste frasnien, recouvrant le calcaire givétien et ici, comme généralement ailleurs, c'est au contact des
schistes imperméables et du calcaire fissuré et aisément attaquable, que se produisent avec le plus d'intensité les
phénomènes hydrologiques propres au calcaire.

Les deux croquis ci-dessus (fig. 151 et 152) montrent clairement quelle fut la genèse du phénomène, qui débuta
modestement par quelques infiltrations souterraines du ruisseau dès sa rencontre avec le substratum calcaire.
La dissolution sur place du calcaire doit avoir joué ici un rôle prépondérant, vu l'absence complète du ravin d'aval,
dans la région C, permettant les ablations mécaniques, l'érosion et le transport détritique du calcaire désagrégé.
Fig.151.-Phase primitive de l'écoulement, à l'air libre des eaux courantes ayant, ultérieurement, constitué le chantoir
de Grandchamps.

Fig.152.- Phase actuelle de l'écoulement, devenu souterrain, du ruisseau de Grandchamps.

A. Massif schisteux dont la forte ablation mécanique a provoqué les débuts de la descente en cascatelle du ruisseau.

B. Cavité du chantoir, provoquée par l'ablation mécanique et chimique du massif calcaire fissuré ayant fourni un
écoulement souterrain aux eaux.

C. Réion d'aval du chantoir, avec palier supérieur, blisé.

C'. Plaine sur laquelle des cailloux roulés épars dénotent d'existence de l'ancien écoulement d'aval, à l'air libre,
du ruisseau absorbé.

x et y. Massifs schisteux et calcaires enlevés corrélativement à la formation du chantoir.

Le ruisseau primitif coulait naguère sur une plaine inclinée A,B,C dont la partie schisteuse d'amont A forcément
imperméable (fig.151). Au contact E avec le massif calcaire givétien, des infiltrations souterraines ont commencé à se
produire et des pertes partielles du ruisseau se sont établies. L'eau, armée de son pouvoir dissolvant, a alors
produit ses effets habituels de corrosion souterraine et d'élargissement de canaux. Ces eaux ainsi dérivées sous terre
étaient naturellement forcées de suivre la direction générale des joints qui en favorisaient la circulation et, vu la
disposition des bancs calcaires, cette partie du ruisseau devait fatalement-sous terre- retourner vers la direction A
d'amont, tandis que le surplus à l'air libre continuait à s'écouler vers C.
Lorsque les phénomènes d'entraînement, de dissolution graduelle, d'écroulement même- assez probables dans ce cas
particulier- ont peu à peu créé un entonnoir profond, que montre la région x y de la figure 152, toutes les eaux du
ruisseau furent bien forcées de suivre le même chemin souterrain vers A. Dans la direction de C, c'est-à-dire vers
Adseux, dont le grand chantoir n'est qu'à 400m. de l'Est de celui-ci, on ne retrouve aucun vestige sous forme de sillon,
du lit primitif du ruisseau, mais celui-ci est jalonné cependant dans cette direction par une traînée de cailloux roulés,
empâtés dans le limon quaternaire de ces parages. Le ruisseau du chantoir de Grandchamps était vraisemblablement
naguère un tributaire occidental du chantoir d'Adseux, qui n'est plus alimenté de nos jours que par son affluent
septentrional le ruisseau de Griry. La carte topographique représente bien l'arrêt du ruisseau au milieu d'un petit
bois; cependant, et comme pour les cas précédents, l'échelle du 20.000e et l'équidistance de 5 mètres exigeraient pour
les respects de l'exactitude qu'au moins quatre petites courbes concentriques de 5 mètres figurassent plus précisément
l'énorme dénivellation formée par le gouffre de Grandchamps, dont la région profonde des deux paliers inférieurs a un
développement d'une soixantaine de mètres.

En été, le lit si curieusement localisé de ce ruisselet est presque toujours à sec et l'on ne jouit donc plus du
spectable de ces gracieuses cascatelles; mais, par contre, il est possible alors de pénétrer à l'intérieur du chantoir,
exploration difficile et même dangereuse sans le secours du matériel en usage en pareille circonstance. Les débuts de
ce couloir d'entrée renferment un chaos de roches soit écroulées soit coupées de diaclases ou de fentes assez
nombreuses et formant un ensemble d'aspect réellement titanesque.

Pendant la saison sèche et lorsqu'aucun orage ne s'annonce, la pénétration du chantoir est possible. des gens du pays,
notamment l'un des frères Lagasse de Remouchamps, y ont pénétré au mois d'août, il y a de longues années, et alors que
le ruisseau était complètement tari. On aurait pu s'avancer, sans trop de difficulté, mais en rampant un peu, à près
d'une centaine de mètres? et simplement éclairé par des bougies. On a constaté l'existence de quelques salles ou
épanouissements de couloirs, mais sans stalagmites ni concrétions, ce qui se comprend, vu la nature de la masse
recouvrante, schisteuse dans la majeure partie de son épaisseur.

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