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147E0604.TXT

PL. ESNEUX 147E
A.GROSJEAN - 1941

604 (VIII)

Extrait de P.MACAR : Le Lambeau sableux d'Oneux (Condroz).
(Association française pour l'avancement des sciences, Liège, 1939,
63e session, Séance de Sections, pp. 508-512)

LE LAMBEAU SABLEUX D'ONEUX (CONDROZ)
par P.MACAR,
Chef de Travaux à l'Université de Liége

La carte géologique de Belgique renseigne l'existence, au Sud de la vallée
de la Meuse, de nombreux lambeaux sableux disséminés à la surface du pla-
teau du Condroz et qui, au sud de Liége, s'étendent jusqu'au versant nord
de la Haute-Ardenne. Ces lambeaux, désignés par la notation Om sur la
carte, sont considérés en général comme les vestiges d'une nappe étendue,
que l'on date de l'Oligocène supérieur depuis la découverte dans l'un
d'eux, à Boncelles près de Liége, d'une faune marine chattienne. On se
basait en ordre principal sur le caractère lithologique et la situation
géographique de ces lambeaux pour les raccorder entre eux. Néanmoins, en
1920, M. J.Anten signala la présence des mêmes éléments denses dans les
sables de Boncelles et ceux de Cokaifagne, sur le versant nord de la crête
des Hautes-Fagnes. (1)

Il montra ensuite que d'autres lambeaux sableux de la Haute-Ardenne avaient
à ce point de vue une constitution différente, et devaient être d'origine
locale (2).

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(1) J.ANTEN. - Sur la présence de distène, staurotide et andalousite dans
les sables tertiaires des environs de Liége et de la Haute-Ardenne.
Ann. Soc. Géol.Belg., t. XLII, 1920, pp. B 186-192.
(2) J.ANTEN. - Les sables du plateau de la Baraque Michel. Ann. Soc. Géol.
Belg., t. LI, 1928, pp. B 594-296.
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Poursuivant ses travaux, nous avons pu, M. de Magnée et moi, en étudiant
notamment la répartition des éléments denses dans les sables des Hautes-
Fagnes, différencier nettement les sables marins tertiaires des sables
d'origine locale, et fixer ainsi la limite d'existension des premiers (1).

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(1) I.DE MAGNEE et P.MACAR. - Données nouvelles sur les sables des Hautes
Fagnes. Ann. Soc. Géol. Belg., t. LIX, 1936, pp. B 263-288.
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Je rapelle que les sables d'origine locale contiennent presque uniquement,
en fait d'éléments denses, du zircon, du rutile, de la tourmaline et des
oxydes noirs, tandis que les sables marins tertiaires contiennent en outre
du disthène, de la staurotide, de l'andalousite et de la topaze, éléments
d'origine lointaine amenés vraisemblablement par les courants côtiers.

Notre travail fournit d'intéressantes données au point de vue paléo-
géographique. Il montre tout d'abord que la plus grande transgression
tertiaire a atteint la crête des Hautes-Fagnes, et que, d'autre part, il
est à présumer qu'elle ne l'a guère dépassée. Ensuite, si l'on admet - ce
qui paraît logique - que les sables de Boncelles et les sables marins ter-
tiaires des Hautes-Fagnes appartiennent à une même nappe, on obtient une
série de points de passage de la surface de base de la transgression chat-
tienne.

Si l'on veut préciser l'allure de cette surface de base, on est amené à
essayer d'utiliser les autres lambeaux, c'est-à-dire ceux du plateau con-
drusien. La plupart sont malheureusement situés sur des formations calcai-
res du Dinantien et y remplissent des poches de dissolution. On est donc
obligé d'écarter ces lambeaux pour ne conserver que ceux, beaucoup plus
rares, qui reposent sur les formations grésoschisteuses du Famennien.

Parmi ces derniers, le plus digne d'intérêt est sans doute le lambeau sa-
bleux d'Oneux, sis à 1 km environ au Sud du confluent de l'Ourthe et de
l'Amblève. D'après la carte géologique, ce lambeau est le plus méridional,
dans le Condroz liégeois, qui repose sur des roches non calcaires. Placé à
peu près à égale distance (une quinzaine de km) de Boncelles et des Hautes-
Fagnes, il s'intercale naturellement, au point de vue de la transgression
chattienne, entre les lambeaux de ces deux régions, tout en se plaçant au
Sud-Ouest de leur alignement. Enfin, le lambeau d'Oneux se trouve près du
rebord d'un étroit plateau où gîte le hameau de Hoyemont, plateau constitué
de grès famenniens et isolé de tous côtés. Ce dernier caractère élimine
l'hypothèse que les sables d'Oneux pourraient avoir glissé de régions
voisines plus élevées. Si donc, comme l'indique la carte géologique - due à
Max Lohest -, ces sables sont bien marins et ologicènes, le plateau de
Hoyemont correspond, à peu de chose près, à la surface de base de la trans-
gression.

Mais cette hypothèse conduit à des résultats curieux. En effet, la surface
de base du Chattien, sous le lambeau de Boncelles, pend vers le Nord-Nord-
Ouest à raison de 10 m/km et atteint la cote 260 au bord sud du lambeau.
Prolongée avec la même pente vers le Sud, cette surface vient se raccorder
normalement au lambeau tertiaire le moins élevé des Hautes-Fagnes (Désnié:
450m d'altitude) en effleurant les sommets intermédiaires. Par contre, elle
passe alors à 60m environ au-dessus du plateau de Hoyemont. Il y aurait
donc, à cet endroit, une ondulation très nette de la surface de base chat-
tienne.

L'intérêt d'une telle conclusion m'a amené à visiter dernièrement le lam-
beau d'Oneux, pour essayer de vérifier son origine. Par bonheur, l'affleu-
rement que renseigne la carte géologique à 1/10.000 subsite encore, sous
forme d'une excavation fortement envahie par la végétation. En un point,
sous 0,50m d'un dépôt de pente argilo-sableux, un peu de sable en place est
encore visible. Il s'agit bien, comme l'indique la carte géologique, d'un
sable fin, micacé, non visiblement stratifié et il n'est pas malaisé de
trouver des couches sableuses toutes semblables à Boncelles ou dans les
lambeaux tertiaires des Hautes-Fagnes. Seule la teneur en mica paraît à
Oneux légèrement plus élevée. Mais, en creusant, j'ai pu constater que ce
sable franc passait progressivement à un sable contenant de petits ag-
glomérats de grains de sable légèrement cimentés, agglomérats qui prédomi-
nent nettement à la partie inférieure. Ces agglomérats paraissent corres-
pondre à un stade d'altération très prononcée de fragments gréseux, ce qui
indiquerait que le lambeau sableux d'Oneux est d'origine locale, et dû
uniquement à l'altération des grès famenniens sous-jacents.

L'analyse des éléments denses permet de confirmer cete hypothèse de façon
décisive. Le lambeau d'Oneux est d'ailleurs bien placé pour que les résul-
tats de cette analyse soient concluants. Situés en somme entre les sables
oligocènes de Boncelles et des Hautes-Fagnes, et distants de quelque 10 km
seulement de leur alignement, les sables d'Oneux ont toute chance de con-
tenir, s'ils ont la même origine, les mêmes éléments denses, dont j'ai
donné ci-dessus la liste. D'autre part, s'ils résultent de l'altération des
grès famenniens, ils doivent renfermer les mêmes minéraux que ces derniers.
Or, M. J.Anten a signalé dans ces roches, étudiées en trois points
différents de la vallée de l'Ourthe, les éléments lourds suivants: zircon,
rutile, tourmaline, apatite, cassitérite et bénitoïte (1).

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(1) J.ANTEN. - Sur la composition lithologique des Psammites du Condroz.
Ann. Soc. Belg., t. LI, 1928, pp. B 330-331.
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Ayant pu réexaminer les préparations de M. Anten ainsi que d'autres prove-
nant du Famennien supérieur de la région de Theux, j'ai pu constater que
partout le zircon était très abondant, le rutile abondant et les autres
éléments rares ou même exceptionnels. Les éléments denses des sables oli-
gocènes et ceux des grès famenniens montrent donc de nettes différences.
L'analyse des minéraux lourds du sable d'Oneux révèle nettement son origi-
ne, et prouve qu'il s'est constitué uniquement aux dépens des roches sous-
jacentes. On n'y trouve en effet aucun des éléments - disthène, staurotide,
andalousite, topaze - caractéristiques des sables oligocènes. D'autre part,
seuls le rutile et surtout le zircon y sont abondants, tandis qu'on y
observe, en quantité moindre, de la tourmaline, de la malachite et enfin le
minéral déterminé par M. Anten sous le nom de bénitoïte. Ce minéral
possède, tant dans les lames de M. Anten qu'à Oneux, les caractères opti-
ques de la bénitoïte (BaTiSi3O9) : couleur variable, incolore à bleu foncé,
fortes réfringence et biréfringence, uniaxie, signe optique positif, exis-
tence d'un clivage basal. Cependant, il flotte sur l'iodure de méthylène
(1) (densité 3,3) alors que la bénitoïte atteint une densite 3,6. Aussi, je
crois prudent de désigner provisoirement, et faute de mieux, ce minéral
sous le nom de "bénitoïte?".

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(1) Ce point a été vérifié tant pour les grains du sable d'Oneux que pour
ceux des préparations de M. ANTEN.
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Quoi qu'il en soit, ce minéral est intéressant. Sa couleur bleue et sa
forte réfringence le signalent immédiatement à l'attention parmi les autres
éléments denses. D'autre part, il n'a été signalé jusqu'ici que dans les
grès famenniens, et ce, en quatre endroits différents : jusqu'à plus ample
informé, il semble donc caractéristique de ces grès. Sa présence dans le
sable d'Oneux montre qu'il pourrait bien jouer un rôle important dans
l'identification des lambeaux sableux du Condroz, en permettant de déceler
ceux qui proviennent de l'altération des grès famenniens.

Tableau I.- Pourcentages relatifs des éléments denses de diverses
formations.

Cependant, les sables oligocènes s'étant vraisemblablement constitués en
partie aux dépens des mêmes grès, on doit s'attendre à y retrouver un jour
ou l'autre les éléments de ces derniers et en partiulier la "bénitoïte ?".
Mais sans doute s'y trouvera-t-elle alors en quantité beaucoup moindre -
elle constitue à Oneux 1% des éléments denses transparents - ce qui per-
mettrra d'éviter toute conclusion.

Le pourcentage relatif des éléments denses du sable d'Oneux (1) permet
d'autres rapprochements dignes de remarque, comme le montre le tableau I.
On voit que le pourcentage relatif des minéraux lourds transparents de ce
sable (76% de zircon, 21% de rutile, 1% de tourmaline, 1% de bénitoïte ?)
le rapproche de façon frappante des sables d'origine locale des Hautes-
Fagnes (composition moyenne : 75% de zircon, 19% de rutile, 6% de tourma-
line) formés essentiellement aux dépens des roches reviennens. D'autre
part, le pourcentage élevé de zircon du sable d'Oneux constitue déjà à lui
seul un bon indice qu'il ne s'agit pas de sable marin tertiaire. Enfin, il
est curieux d'observer la similitude de composition des roches reviennes et
des sables qui en dérivent, d'une part, et des roches famenniennes, avec
leur sable d'altération, d'autre part. Les unes sont presque à la base des
formations paléozoïques qu'on rencontre en Haute Belgique, les autres
presque au sommet. Il y a donc une certaine présomption pour que les for-
mations paléozoïques de l'Ardenne ne contiennent guère en quantités
appréciables que les éléments denses dits ubiquistes : zircon, rutile,
tourmaline et oxydes noirs. L'absence d'autres éléments dans les sables
crétacés et jurassiques situés en bordure de l'Ardenne renforce d'ailleurs
cette présomption.

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(1) Etabli par les mêmes méthodes que pour les sables des Hautes Fagnes
(voir I. DE MAGNEE et P.MACAR, op.cit.).
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En conclusion, l'origine du sable d'Oneux, soupçonnée d'après les obseva-
tions sur le terrain, se déduit clairement de l'étude de ses éléments
denses. Ce sable, d'origine locale, ne fournit pas les indications espérées
sur l'allure de la surface de base oligocène. En revanche, ses minéraux
lourds donnent des renseignements susceptible d'être utilisés, concurrem-
ment avec ceux fournis par l'étude des sables de Boncelles, pour la déter-
mination de l'origine de divers lambeaux sableux du Condroz.

(Université de Liége, Laboratoire de Géologie).

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