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139W0178.TXT

Pl. BELOEIL 139W
F. Halet - 31 mars 1938

178 (IX)

Dans le Bois de Ville à cent mètres au sud de la route de Hornu, se trouve
un affaissement de terrain en forme de cirque d'environ 50 m de rayon.
Sur le bord Est de l'affleurement se trouve un véritable effondrement ver-
tical de forme cylindrique de 7 m de diamètre et de 5 m de profondeur.

Cet effondrement paraît tout récent, de tout jeunes arbres ayant été
entraînés dans le trou.

Croquis.

Sur les parois du trou nous avons relevé la coupe suivante:

1 Tuffeau marneux, gris blanchâtre, très glauconifère, contenant de
nombreux galets plus ou moins roulés de phtanite, de dimensions
variables; on trouve également des concrétions de Tourtia à ...... 3m50

2 Dièves gris-bleuâtre avec phtanites plus ou moins roulés ......... 1m50
A la base il paraît y avoir un lit de phtanites.

En l'absence de fossiles, il est difficile de déterminer l'âge exact de
ces dépôts, ils paraissent représenter les dièves de la base du Turonien
(Tourtia de Mons) mais sont peut-être cénomaniens.

Cet affaissement présente les caractères d'un puits naturel.

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Pl. BELOEIL 139W

178 (suite)

J. DELECOURT et R. MARLIERE - Bulletin de la Soc. belge de Géologie.
Bruxelles, 1938, tome 48, fasc.3, pp.706.

Un "puits naturel" s'ouvre au sol à Ville-Pommeroeul (Hainaut)

par Jules DELECOURT et René MARLIERE

On peut actuellement observer un important effondrement du sol dans le
Bois-de-Ville (territoire de Ville Pommeroeul) à proximité immédiate de
la grand'route de Tournai. Par rapport au centre du Rond-du-Bois-de-Ville,
on comptera sur la carte 648 m en suivant la route vers Hautrage; on
pénétrera sous bois perpendiculairement à la route, vers le S.-S.-O.; dans
cette direction le centre du puits est à 86 m de l'axe de la route.

On se trouve en présence d'une dépression en forme de cirque, atteignant
40 m de diamètre, dont le fond est dénivelé de 4 m environ par rapport
aux bords, auxquels il se raccord par un talus nettement incliné, large de
10 m. Le fond même de la cuvette ainsi formé a donc environ 10 m de rayon.
Trois entonnoirs y sont ouverts (fig.1); ils sont sensiblement alignés dans
la direction Nord, 150° (soit Nord 30° W.), et possèdent les caractéris-
tiques suivantes:

Puits n° 1. Puits n° 2. Puits n° 3.
(Sud-Sud-Est) (Central) (Nord-Nord-Ouest)

Diamètre ............ 5 m. 8 m. 4 m.
Profondeur .......... 3 m. 6 à 7 m. 2 m.
Forme ............... Entonnoir Entonnoir. Entonnoir.
Fond ............... Obstrué Ouvert Obstrué
Coupe visible ....... Dièves Dièves, Tourtia,
Meule.

La végétation herbacée couvre uniformément le sol et ne montre absolument
aucune différence avec celle de la forêt aux environs. Les arbres n'offrent
aucune disposition anormale, ni dans leur alignement, ni dans l'inclinaison
des troncs. Seul un frêne, arrivé au même développement que ses congénères,
âgés de 25 ans environ, a été entraîné au fond de l'entonnoir central et
gît actuellement à demi-couché contre la paroi (fig.2); ses rameaux obéis-
sent au géotropisme et se redressent vers le ciel; on pouvait ainsi lire
sur l'arbre, en juin 1938, qu'il commençait le troisième été dans cette
position. On situe donc en toute certitude le moment où ce frêne a glissé
au fond de l'entonnoir à la période juin 1935-juin 1936. Selon toute vrai-
semblance c'est à la même époque que l'entonnoir s'est ouvert par effon-
drement.

Fig. 1. - Bloc-diagramme

Ce dessin donne un aspect d'ensemble du "puits naturel" du
Bois-de-Ville, et montre notamment la situation des trois
entonnoirs au fond de la dépression circulaire. La coupe
qui passe par les entonnoirs (premier plan) est établie à
l'échelle. - Puits n° 1 à gauche. Puits n° 3 à droite.

Sur la paroi de ce même puits on voit encore dans un état de fraîcheur
parfaite, la coupe géologique suivante:

3 m. de marnes crayeuses jaunâtres, avec Terebratulina rigida (TURONIEN
MOYEN);
3 m. de marnes argileuses, bleues, plastiques (UTRONIEN INFERIEUR et
CENOMANIEN SUPERIEUR);
0m50 de Tourtia : conglomérat riche en cailloux de phtanite et de grès
houiller, réunis par un ciment marno-sableux très glauconifère,
renfermant Pecten asper, Ditrupa deformis (CENOMANIEN SUPERIEUR,
tourtia de Mons);
0m25 de calcaire grenu à texture sableuse par places, et localement
cimenté en gros nodules siliceux ("Meule" d'âge CENOMANIEN INFERIEUR,
assise de Bernissart).

Le fond de ce puits est percé et on y voit l'entrée d'un gouffre obscur
qui mène... on ne sait où.

HISTORIQUE.- Aucun observateur n'a assisté à l'effondrement. On s'explique
aisément la chose en considérant qu'il s'est produit dans un endroit
désert, sous bois.

D'après les renseignements recueillis, notamment auprès du garde-chasse au
service de la Princesse de Ligne, propriétaire du bois, les faits semblent
devoir être ainsi reconstitués:

Depuis quelques années peut-être de l'eau séjournait par intermittence à
l'emplacement de l'actuelle cuvette, mais on n'avait prêté à cela aucun
intérêt spécial, les arbres continuant à croître normalement. Au cours
d'une tournée dans le bois, dit le garde-chasse, il y a trois ou quatre
ans, il eut la surprise de constater que la "mare" était vide, et les trois
puits encore visibles aujourd'hui apparaissaient au fond, un arbre ayant
été entraîné dans l'entonnoir central.


Fig. 2 - L'entonnoir central.

Cette vue, prise en avril 1938, est orientée de la même façon que
le bloc-diagramme. On y voit l'entonnoir central, duquel sortent
quelques branches du frêne qui y a glissé. Un autre arbre est
encore debout sur le bord. Vers la gauche, on aperçoit en partie
l'entonnoir n° 1.


En 1937, M. Delecourt fora un puits d'alimentation en eau (dit forage de
Ville-la-Forêt) à 70 m environ au N.-O. de l'effondrement; les eaux de
pompage furent dirigées vers l'entonnoir et s'évacuèrent sans difficulté.
Par cette heureuse occasion M. Delecourt découvrait le "puits naturel"...

Ajoutons que ce curieux accident géologique a été visité, au cours de l'été
1938, par la Société géologique du Nord (Lille), par la Société des Natura-
listes de Mons et du Borinage (Mons), par la Société belge de Géologie
(Bruxelles) (1). Au cours de cette dernière visite il a été décidé d'entre-
prendre des démarches pour que ce site géologique soit classé et protégé
par l'Etat.

ORIGINE GEOLOGIQUE - On doit éliminer toute possibilité d'intervention
humaine dans la genèse des trois entonnoirs. Cela est de toute évidence.
Mais la question peut être posée en ce qui concerne le cirque, et l'on se
demande, notamment, si l'on n'est pas en présence d'une ancienne exploita-
tion. Ni les renseignements recueillis, ni l'aspect du site, ni les
documents consultés ne laissent supposer pareille possibilité. En effet,
seules les marnes blanches (dièves crayeuses) auraient pu tenter l'exploi-
tant; mais on remarquera que la couche a encore 3 m d'épaisseur et que les
dièves atteignent 6 m à 6m50 sur la paroi du puits central. Ces chiffres
sont un maximum pour la région et indiquent qu'aucune extraction de dièves
n'a eu lieu à l'emplacement de la cuvette. La carte topographique levée en
1866, révisée sur le terrain en 1883 et 1907, n'indique pas la présence
d'une cuvette ou d'une exploitation. Les dossiers du Service géologique de
Belgique ne font mention d'aucun affleurement à ce point (2). Pour ces rai-
sons nous croyons - nous avons même m'assurance - que le lent affaissement
du sol qui a déterminé la formation de la dépression en cuvette a été le
prélude de l'effondrement des entonnoirs et qu'il relève d'une même cause;
peut-être s'est-il produit par un système de petites failles à disposition
périphérique, ou, au contraire, par des déformations plastiques étant donné
le caractère marneux du substratum.

Mais il reste à rechercher la présence d'un vide souterrain où ont pu s'en-
gouffrer, en foisonnant, les terres arrachées aux entonnoirs et celles qui
correspondent au volume de la cuvette (de l'ordre de 3.000 m cubes). Les
exploitations minières sont éloignées, et seule la structure géologique
locale est à considérer.

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(1) Sous la conduite de MM. Delecourt et Marlière les participants se sont
encore rendus, le 18 juin 1938, dans quelques carrières de grès de
Grandglise et au captage de Caraman, à Hautrage.
(2) Sauf les observations rapportées le 31 mars 1938 par M. F.Halet
(Dossier 139 gauche, point n° 178), relatives au même accident ici
décrit.

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