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121E0016.TXT

PL. LIEGE 121E

16

Annales de la Société géologique de Belgique.Liège,t.XXXIX,1912,
Bull.,pp.125-130 et 146-198.

Découverte de silex taillés dans le limon Hesbayen de Liège et
de l'importance de cette découverte au point de vue de l'origine
des limons et des classification qu'on y a établies,
par MAX LOHEST ET CHARLES FRAIPONT.

A la suite d'importantes découvertes de silex taillés dans une briqueterie-
sablonnière située à Liège, rue Jean de Wilde, découvertes faites par lui-
même et par M. V.Commont, d'Amiens, notre ami, M. Marcel De Puydt, a invité
l'un de nous (M.Lohest) à examiner, au point de vue géologique, les lieux
où les trouvailles étaient faites. Très occupé, M. Lohest s'est adjoint
M. Charles Fraipont pour l'étude géologique du problème.

Cette étude nour parut d'une importance capitale; sur la demande de
M. Lohest, M. De Puydt nous adressa la lettre suivante précisant ses
observations:

Liège, 15 décembre 1911.

Mon cher Professeur,

En 1885 et 1886, avec notre ami regretté Julien Fraipont, nous avons
pratiqué ensemble des fouilles mémorables dans la grotte de Spy;
aujourd'hui, après plus d'un quart de siècle de recherches préhistoriques,
il m'est agréable, croyez-le, de répondre à votre dernière lettre et
d'avoir d'unir nos efforts pour tâcher de tirer tout le profit
scientifique possible de la découverte faite à Liège d'un gisement
paléolithique, intéressant à la fois la Géologie et la Préhistoire.

Situation du gisement. - Le gisement est situé dans la partie la plus
élevée du territoire de Liège, entre les rues Bontemps et Vieille-Voie-de-
Tongres, dans les parcelles cadastrées Section A, Nos 777a, 785d et 786.
Les côtes de niveau seront mentionnées en un plan spécial. La photographie
représentant une vue de la carrière de sable quyi nous occupe, a été prise
le 14 novembre 1911 (1).

(1) Cette photographie avec un croquis de la coupe a été montrée à la
séance de la Société Géologique; elle sera reproduite dans le travail
que MM. Lohest et Fraipont présenteront à une prochaine séance.

Au moment de la découverte, l'exploitation avait à peu près le même
aspect qu'actuellement et laissait voir les belles coupes de terrain sur
lesquelles j'ai l'honneur d'attirer votre attention, en vous signalant
es données archéologiques dont il va être parlé.

Origine de la découverte et position des niveaux. - C'est le premier
novembre dernier que j'ai recueilli, pour la première fois, de nombreux
silex taillés, dans un cailloutis reposant sur le sable, à la base de
couches de limons non remaniés, mesurant, plar place, plus de huit mètres
de hauteur (2).

(2) La prise de date pour cette découverte, enrégistrée à Liège, A.H., le 6
novembre 1911, vol. 129, no 53, case 15, par le receveur Evard porte:

Vu l'intérêt de la découverte, je prévins immédiatement les conservateur et
conservateur-adjoint de l'Institut archéologique liègeois: Jean Servais et
J.Hamal-Nandrin et c'est avec leur concours et celui de notre collègue
Félix Vercheval que toutes les recherches et études ont été poursuivies.
Aujourd'hui, sous réserve des trouvailles à venir ou de faits nouveaux,
nous croyons pouvoir marquer notre accord sur les données de la coupe
indiquée en marge de la photographie ci-jointe et sur les constatations
suivantes:

I. - A 4m60 de profondeur, dans le limon, existait un premier niveau à
silex taillés, d'une étendue encore incertaine et indéterminable. Ce niveau
(?), est provisoirement dénommé niveau supérieur, ou niveau Commont, car il
parait être celui où, avant nous, notre savant collègue, le professeur
Commont, d'Amiens, avait recueilli "en place", à la base de l'Ergeron, deux
éclats à patine bleuâtre "moustériens", d'après une lettre à Marcel De
Puydt, du 23 septembre 1911.

II. - A 8m40, en dessous de la terre arable, se rencontre le niveau
archéologique exploré depuis le Ier novembre; il a produit des centaines de
silex taillés, extraits du gravier ou cailloutis reposant sur les sables
tertiaires. Il était déjà parfaitement délimité sur une étendue de plus de
40 mètres à la date dun 14 novembre. Il continuera à porter le nom de
niveau inférieur.

III. - A divers endroits, dans le limon, se trouvent de petits lits de
cailloux ou graviers dont plusieurs contenaient des silex, taillés, au
moins dans la partie inférieure du limon.

IV. - En plusieurs points et sur toute la hauteur des limons, y compris la
terre à briques, se rencontrent des silex taillés épars comme des petits
cailloux roulés, et ce, sans niveau appréciable pour les archéologues.
Ajoutons qu'aucune trace de bois brûlé ni de débris osseux n'a encore été
signalée. On se rappelle volontiers à ce sujet que le limon d'inondation de
l'ancienne Légia avait conservé intacts les bois de cerf et ossements
recueillis dans le fond de cabane néolitique de la place Saint-Lambert, à
Liège.

Caractère de l'industrie. - Les produits lithiques seront étudiés en détail
dans un travail collectif destiné à l'Institut archéologique liègeois.
Ici, des appréciations générales vous suffiront, j'espère, et nous croyons
pouvoir les résumer comme suit:

(Copie)

DECOUVERTE ARCHEOLOGIQUE.

Prise de date.

Le soussigné, Marcel De Puydt, demeurant à Liège, 116, boulevard de la
Sauvenière, déclare avoir fait, le Ier novembre 1911, la découverte de
nombreux silex taillés à la base du limon hesbayen dans un cailloutis
reposant sur d'épaisses couches de sable, et ce dans la mˆme briqueterie-
sablière où, à Liège, Monsieur le professeur Commont a signalé des éclats
moustériens entre le limon flandrien et le limon hesbayen.

Le 2 novembre courant, Messieurs Jean Servais et Félis Vercheval, mes
collègues de l'Institut archéologique, ont contrôlé la découverte du
soussigné et extrait eux-mêmes, en place, de nombreux silex taillés.

L'industrie lithique, de l'avis des trois archéologues, ne peut encore être
caractérisée. Peut-être s'agit-il de Mesvinien ? Rien ne rappelle le
Chelléen ou l'Acheuléen. Dans la briqueterie la plus rapprochée de la route
de Liège à Tongres, le soussigné a aussi recueilli, un outil en lave,
caractéristique des fonds de cabanes de la Hesbaye.

Liège, le 4 novembre 1911. (signé) Marcel De Puydt.

a) Au milieu d'une masse considérable d'éclats ou de petits blocs de silex,
bruts pour la plupart, il a été recueilli in situ dans le niveau inférieur,
un nombre suffisant d'instruments caractéristiques pour qualifier
l'industrie de moustérienne.

b) Cette industrie moustérienne devra probablement se subdiviser et former
des groupes d'âges différents. Nous croyons, d'autre part, que la présence
de pièces rppelant l'Acheuléen pourra faire remonter une partie de cette
industrie au Vieux Moustérien, mais pas au-delà.

c) Le niveau supérieur et les trouvailles visées aux paragraphes III et IV
précédents n'ont donné, jusqu'aujoud'hui, comme spécimens déterminables,
que des éclats ou pièces également du type moustérien.

Ceci dit, répétons-le, sous réserve de faits nouveaux ou découvertes
ultérieures et de l'étendue du gisement dénommé "niveau supérieur".


Observations et conclusions provisoires. - L'étude du gisement
paléolithique de Liège est passionnante et la suite des faits relevés
presque journellement depuis le Ier novembre donnera lieu à des conclusions
positives et d'un sérieux intérêt scientifique.

Ces découvertes archéologiques permettent de dater les limons qui les
contiennent, en ce sens que ces limons doivent être considérés comme moins
anciens que, par exemple, les dépôts à industrie acheuléenne de la vallée
de la Méhaigne ou d'ailleurs.

Le niveau inférieur de Liège, avec le limon et le cailloutis reposant sur
le sable, pourrait être, théoriquement, du même âge que le niveau inférieur
de la grotte de Spy, ceci dit uniquement pour préciser les idées: nous
avons, en effet, extrait ensemble de la terrasse de la caverne, des silex
se rattachant, comme ceux de Liège, au type vieux Moustérien ou Mousérien I
des auteurs.

Quoi qu'il en soit, nous avouons, pour Liège, avoir été surpris de ne point
découvrir, tout au moins dans le cailloutis à silex reposant sur le sable,
des restes d'industrie antérieurs au Moustérien, puisqu'en notre ville
m^$eme (rue de l'Académie) comme à Visé, Argenteau, Waremme et Latinne, des
haches acheuléennes ont été mises au jour ou décrites par moi-même.

Ce phénomène, qui étonne les archéologues, sera facilement, sans doute,
expliqué par la Géologie et, à ce sujet, mon cher prtofesseur, nous vous
écouterons avec le plus vif intérêt, vous et vos savants collègues de la
Société Géologique de Belgique.

--------------------------------------------------------------------------

Le limon hesbayen de la Hesbaye

(Communication préliminaire)

PAR
MAX LOHEST ET CHARLES FRAIPONT.

Avant d'aborder l'étude du limon de Liège, nous tenons à remercier les
savants étrangers qui assistent à la réunion de ce jour. M. Commont
d'abord, le savant géologue d'Amiens auquel est due la découverte des silex
taillés dans le limon hesbayen de Liège. M. le professeur H.Obermaier,
délégué à nos réunions par l'Institut de paléontologie humaine de Paris.
MM. Rutot et Mourlon, spécialistes pour la question du quaternaire belge.
Enfin nous sommes heureux de prendre la parole devant M. C.Malaise, qui eut
jadis l'honneur d'accompagner l'illustre fondateur de la géologie actuelle,
Ch.Lyell, dans ses études et ses explorations dans le quaternaire belge.
Malaise fut aussi l'un des premiers en Belgique à attribuer de l'importance
aux silex taillés de nos dépôts.

Dans une lettre que nous écrivait M. de Puydt, notre savant ami nous
signalait la présence de silex taillés, vieux-Moustiérien, dans une
sablière située à Liège, rue Jean de Wilde, et nous indiquait les
circonstances qui avaient amené cette trouvaille. Nous n'aurions attaché
qu'une importance secondaire à ce fait, si la trouvaille n'avait
précisément été effeftuée en Hesbaye, et au point culminant de cette plaine
aux environs de Liège.

Si l'on consulte la carte au 1/20.000e, l'on observe en effet au Nord-Ouest
de Liège, à 300 mètres à l'E. du monument de 1830, deux petits mamelons
situés à la côte 200, à partir desquels le sol s'incline légèrement au
Nord, dans la plaine hesbayenne et assez brusquement au Sud vers la ville
de Liège.

Ces deux îlots, qui vraisemblablement jadis n'en formaient qu'un, sont
aujourd'hui séparés par la route de Liège à Tongres.

La sablière entame le mamelon situé au Nord de cette route.

Voici la coupe des terrains de la sablière.


A. Terre arable 0m40.
B. Terre à briques 2 mètres.
C. Limon doux, fin, calcareux souvent; sans cailloux sauf à la base 0,30 à
0,60cm.
D. Cailloutis de base manque parfois, silex moustériens.
E. Limon roux à points noirs de ferro-manganèse avec cailloux épars en lits
ou en lentilles et industrie moustérienne. Au sommet ce limon présente
souvent l'aspect du limon dit fendillé, il est alors sans mouchetures,
4 à 5 mètres.
F. Limon panaché; manque parfois 0 à 1.
G. Cailloutis de 20 à 40 cms d'épaisseur avec nombreux silex taillés vieux
moustérien.
H. Sables tertiaires.
I. Ligne de 15cm d'épaisseur plus noire (ferro-manganèse).

Il est permis aujourd'hui, grâce aux recherches de M. Rutot, de déterminer
l'âge du sable exploité. C'est l'oligocène supérieur. Le limon qui le
surmonte est certéainement le limon hesbayen des anciens géologues belges.

Ce point très important ne peut, croyons-nous, être mis en doute, pour les
raisons suivantes:

1 Le dépôt est situé au point culminant de la Hesbaye au Nord de Liège.
2 Son épaisseur est de 8 mètres.
3 Sa composition, dans son ensemble, est comparable à celle qu'on observe
en d'autres points de la Hesbaye.

Les découvertes faites rue Jean de Wilde auraient donc pour résultat
d'établir l'âge du limon hesbayen typique; sa partie inférieure serait
d'âge vieux-moustérien.

Il est possible d'établir des distinctions et des subdivisions dans cette
masse, où bien des géologues trouveront des analogies et des différences
avec des coupes qu'ils ont étudiées et publiées.

Nous nous bornerons à y signaler des distinctions minéralogiques en nous
abstenant de leur donner un nom d'étage ou d'assise, ou de tenter un
parallélisme avec ce que l'on observe autre part. Les subdivisions, les
classifications, les essais de synchronisme ont certes leur utilité. Mais
dans la géologie actuelle une question prime tout essai de classification
basé sur les caractères minéralogiques. C'est celle de l'origine même du
dépôt. L'on pourrait démontrer par de nombreux exemples que des erreurs et
des confusions géologiques ont souvent eu pour cause l'établissement
prématuré de classifications dans des couches dont on ignorait encore le
mode de formation.

L'origine du limon hesbayen est peut être le problème géologique aui a
donné lieu au plus grand nombre de solutions différentes.

Les uns le considèrent comme un dépôt marin. D'Omalius comme geyserien,
Lyell comme une alluvion fluviale provenant d'une boue glaciaire. Pour
Dumont, au début de sa carrière, c'est une formation d'eau douce dont les
variations de composition proviennent des terrains sous-jacents. Plus tard
Dumont aurait fait observer que le limon hesbayen n'est pas nivelé et ne
présente pas les caractères d'une alluvion fluviale. Il penchait, dit-on,
pour une origine glaciaire.

De Lapparent soutient l'hypothèse d'une origine par ruissellement.

Von Richthofen est le promoteur de la théorie éolienne.

D'autres enfin voient dans nos limons un mélange de dépôts de crue, de
dépôts éoliens et de dépôts de ruisellement.

Etudions sous le rapport de l'origine le limon de la rue Jean de Wilde,
et pour préciser la discussion ne nous occupons pour le moment que de la
partie inférieure de la coupe qui renferme incontestablement les silex
taillés du type vieux moustérien, d'après M. de Puydt. La détermination
exacte de l'âge de l'industrie est d'ailleurs sans importance pour les
conclusions que nous émettrons plus tard. Il nous suffit d'admettre que
ces silex ont été taillés par un homme contemporain du mammouth et du
Rhinoceros tichorinus, ce qui ne sera pas contesté.

Eliminant l'hypothèse marine et la théorie geyserienne, il reste encore
3 modes de formation à envisager. Le limon inférieur de Liège a-t-il été
formé par le vent, par une inondation de la Meuse, ou par ruissellement au
détriment d'un dépôt préxistant ?

La première hypothèse, celle d'un dépôt éolien, ne résiste guère à
l'examen. Vous aurez, je l'espère, l'occasion de constater qu'on trouve
dans toute la masse des cailloux roulés de grosseur très variable, du
volume d'un grain à celui du poing. Ces cailloux parfois accumulés dans des
nids ne peuvent guère avoir été amenés par le vent.

La seconde hypothèse, celle d'une origine fluviale, à priori, paraît assez
vraisemblable. Le limon ressemble, comme composition, aux alluvions
actuelles de la Meuse. L'on y trouve des cailloux à la base, et dans la
masse d'autres cailloux principalement de quartz blanc, en général plus
petits.

Cependant cette hypothèse fluviale soulève de très graves objections,
basées précisément sur le fait qu'on trouve dans toute la masse du limon
des silex taillés d'âge moustérien.

Avant d'aller plus loin, il est nécessaire de citer quelques points acquis
pour la géologie du quaternaire des environs de Liège.

Nous croyons démontré, qu'antérieurement au vieux moustérien, c'est-à-dire
antérieurement à l'époque de l'occupation du plateau de la rue Jean de
Wilde par l'homme préhistorique, les vallées de la Meuse et de ses afluents
étaient sensiblement creusées jusqu'à leur niveau actuel.

Nous nous contenterons de citer ce que l'on a observé dans les vallées de
deux rivières qui se jettent dans la Meuse à Huy à 30km au S. de Liège: la
vallée de la Méhaigne et celle du Hoyoux.

A Petit Modave sur le Hoyoux, une grotte située à 2 mètres seulement au
dessus du niveau de la rivière, a fourni des ossements de Mammouth et de
Rhinoceros et des restes d'industrie rapportable à la fin de l'époque
moustérienne et peut-être quelques instruments plus anciens.

A Huccorgne, dans la vallée de la Méhaigne, des alluvions situées à 12m au
dessus de la rivière ont fourni des nombreux instruments acheuléens,
c'est-à-dire appartenant à une époque antiérieure à l'occupaétion
du plateau hesbayen. Les grottes de la Méhaigne ont également des
instruments acheuléens, moustériens ou aurignaciens. Ces vallées du Hoyoux
et de la Méhaigne étaient donc creusées à bien peu de chose près jusqu'à
leur niveau actuel, à une époque immédiatement antérieure à l'époque
moustérienne.

Elles l'étaient de nouveau à l'époque immédiatement postérieure,
en admettant même que le vrai moustérien n'y soit pas représenté.

Et nous pouvons étendre à la Meuse en aval de Huy les conclusions fournies
pour l'étude du Hoyoux et de la Méhaigne: l'approfondissement ou le
remblayement du lit d'un fleuve entrainant les mêmes vicissitudes pour
tous les affluents qu'il reçoit.

Nous en tirons la conclusion suivante:

La vallée de la Meuse à Liège était, à très peu de chose près, creusée
aussi profondément qu'aujourd'hui à l'époque moutérienne. Comme il y a une
différence d'altitude d'environ 140 mètres entre le niveau de la Meuse à
Liège et le sommet du plateau de la Hesbaye, nous en concluons que, dans
l'hypothèse d'un limon d'inondation pour les dépôts de la rue Jean de
Wilde, il faut nécessairement invoquer une crue de la Meuse de 130 mètres
de hauteur pour le moins.

L'étendue du bassin de la Meuse n'est pas suffisante aujourd'hui pour
occasionner une telle crue. Aussi pour l'expliquer a-t-on fait appel à un
barrage du fleuve par un glacier ou par une calotte glaciaire s'étendant au
Nord de Liège, ainsi qu'à la fonte des glaciers des Vosges.

On peut concevoir qu'un barrage glaciaire venant obstruer toute la
dépression comprise entre le Sart Tilman et Rocour soit susceptible de
porter les eaux de la Meuse de la côte 60 à la côte 200.

Mais si ce barrage n'existait que dans les plaines hollandaises, s'il ne
s'était avancé que jusque Hasselt, Maestricht ou Visé, la crue n'aurait
certainement pas ateint la côte 200 mètres à Liège, cette côte de 200 étant
supérieure de beaucoup à celle des collines les plus élevées du Nord de
Liège. L'effet du barrage eut été simplement de modifier la direction
suivie par les eaux, et jamais à notre connaissance, on n'a signalé
l'existence de blocs erratiques venant du Nord, aux environs immédiats de
Liège.

Si l'on combine l'hypothèse d'un barrage glaciaire avec celle d'un
affaissement du sol; ces phénomènes paraissent bien extraordinaires, car
ils se seraient effectués pendant une période très courte, pendant laquelle
la faune ne s'est pas modifiée, pendant laquelle l'industrie de la taille
du silex a à peine évolué, et immédiatement après laquelle le pays aurait
subitement repris son aspect précédant, les vallées étant déblayées et
recreusées.

Mais d'autres raisons s'opposent à l'hypothèse de cette crue moustérienne.

Elles nous sont fournies par l'étude des grottes. Jamais, en effet, deux
dépôts de grottes ne sont minéralogiquement comparables. Tantôt l'argile
brune repose sur de la terre jaune, tantôt c'est l'inverse. Mais, jamais
dans les nombreuses grottes que nous avons explorées ou fouillées, nous
n'avons rencontré de dépôt comparable au limon hesbayen. Jamais, nous
n'avons vu de trace de cette immense crue moustérienne. Au contraire, dans
la grotte du Docteur, fouillée par Julien Fraipont, on trouvait des
instruments acheuléens mélangés au moustérien sans trace de dépôt
quelconque entre les deux industries.

Or, nous le répétons, les grottes étaient creusées à l'époque moustérienne.
Comme ces cavités communiquent à la fois avec la vallée et avec le plateau,
si elles avaient reçu les eaux limoneuses de la crue, elles auraient été
complètement bouchées par l'arrivée des limons moustériens, ce que l'on n'a
jamais constaté.

Si l'on élimine donc les deux hypothèses éolienne et fluviale, il ne reste
plus qu'une interprétation admissible: le limon de la rue Jean de Wilde est
un dépôt de ruissellement.

Mais comme il est situé sur une éminence, on peut se demander également
comment c'est possible.

L'étude des environs de la rue Jean de Wilde est instructive à cet égard.
Dans la plaine de Hesbaye, le limon est loin d'avoir partout la même
épaisseur et la même composition. Il manque presque dans deux sablières
situées à l'Ouest.

Dans la grande sablière d'Ans, la composition du tertiaire est plus
complète qu'à Rocourt et à Liège. On trouve au sommet des sables, une
couche sablo-argileuse panachée renfermant de nombreux cailloux blancs.
Cette couche passe insensiblement au tertiaire sous-jacent. Or en lavant
cette couche argileuse tertiaire, on obtient aisément un limon qui, d'après
son aspect macroscopique et microscopique, nous paraît présenter tous les
caractères de celui de la rue Jean de Wilde, comme en témoignent d'ailleurs
les échantillons que nous vous présentons. Le lavage d'un tel dépôt
tertiaire expliquerait également la présence des cailloux blancs dans ce
limon. On pourrait nous objecter avec raison, qu'une couche située à la
côte 190, comme celle de la sablière d'Ans, ne pourrait pas avoir formé par
ruissellement du limon à la côte 195. Mais ce dépôt peut avoir eu plus
d'importance jadis, avoir donné naissance à des limons anciens qui
eux-mêmes peuvent avoir été remaniés par ruissellement à plusieurs
reprises. Dans l'étude de la question des altitudes du limon, il ne faut
par perdre de vue la nature des couches sur lesquelles il repose.
En dessous du sable, existe le terrain crétacé dans lequel il se produit
continuellement des dissolutions irrégulières entraînant des affaissements
et des remaniements dans la masse superficielle. Les travaux de captge des
eaux alimentaires de la Hesbaye, ainsi que les recherches de phosphate, ont
fourni la preuve évidente de l'irrégularité de ces dissolutions. L'on sait
également avec quelle facilité le limon se transporte par ruisellement le
long des pentes. De nombreuses observations démontrant ce fait à l'évidence
ont souvent été signalées à notre Société.

Ce ruissellement et ce transport, qui n'a cessé de s'effectuer dans un
dépôt meuble, nous paraît expliquer la grande variété que l'on observe
parfois pour la composition des limons dans des coupes voisines.

Avec raison, Dumont expliquait ces différences par des variations de la
nature du sous-sol.

Dewalque se déclairait incapable de synchroniser une coupe à Bilsen et une
coupe des environs de Liège. Nous pourrions dire de même pour de nombreuses
coupes.

Nous n'en choisirons que trois, dont nous mettons les échantillons sous vos
yeux. L'une est la coupe de la rue Jean de Wilde, l'autre est prise à
Voroux-Goreux dans un puits, l'autre à Fooz dans des puits que nous avons
fait exécuter jadis de commun accord avec MM. Forir et Fourmarier et dont
nous interprétions les anomalies par un ruissellement qui s'était opéré
dans un limon plus ancien, roux et durci, constaté à la base de la coupe
(voir coupe des puits de Fooz et du sondage de Voroux-Goreux ci-après).

Si nous nous sommes attardés à citer les arguments en faveur du
ruissellement, c'est en somme pour en arriver à une conclusion plus
importante. Si beaucoup de limons ont une origine de ruissellement,
ils n'ont vraisemblablement pas d'âge géologique précis, le ruissellement
s'étant effectué à toutes les époques. Peut-être dans la série des âges
quaternaires y a-t-il eu une époque de ruissellement maximum, époque très
humide pour toutes nos régions du Nord de l'Europe. C'est ce qu'il faudrait
démontrer. La date de cette époque serait pour Liège le vieux moustérien.

Mais l'étude de la Hesbaye ne nous indique rien de semblable. Le
ruissellement y est un phénomène local, comme la dénudation produite par
les orages qui enlèvent la terre sur quelques hectares. Nous ne nions pas
non plus que certains limons de la Hesbaye ne puissent avoir une origine
éolienne. Ce serait nier l'évidence, puisque aujoud'hui en Hesbaye nous
voyons les chemins et les terres non couvertes de végétation ce creuser
sous l'action du vent. Donc, en nous bornant à l'observation du présent,
nous constation que tous ces phénomènes (ruissellement, dépôt de poussière)
se présentent avec un caractère restreint et non général. La diversité de
composition des limons hesbayens dans des coupes voisines permet de
supposer qu'il en a été de même anciennement. Certains facies
minéralogiques des limons qui se présentent avec une apparence de constance
assez grande peuvent être, comme M. Van den Brouck l'à démontré, dus aux
influences du passage de l'eau pluviale dans ces couches perméables. La
présence du calcaire et celle des points noirs peuvent être dues à des
phénomènes postérieurs à la sédimentation. Ces particularités
minéralogiques peuvent donc être sans valeur aucune dans les
classifications et le parallélisme.

Seuls les fossiles ou les restes de l'industrie humaine peuvent dater le
limon hesbayen de la Hesbaye. Mais des constatations faites dans une coupe
ne peuvent pas être généralisées; nous en mettons la démonstration sous vos
yeux: Ste-Walburge, Voroux, Fooz.


PUITS No 1.

1. Terre végetale.
2. Limon brun noirâtre 0m50.
3. Limon blond jaune clair très fin, doux au toucher, micacé 3m50.
4. Limon très fin légèrement micacé plus gras au toucher 5m20.
5. Limon jaune et gris, grain fin micacé 5m70.
6. Limon jaune et gris grain fin micacé, doux au toucher Helix et Succinea
6m55.
7. Ligne noirâtre 7m15.
8. Limon roux, compact, rude au toucher, un peu micacé 7m15.
9. Crétacé 9m.

Ces limons sont calcareux a 4,5 et 6m55 puis le calcaire est insignifiant
et nul à 8m.


PUITS No 2.

1. Terre végétale.
2. Limon brun noirâtre plus clair vers le bas 0m50.
3. Passe au limon bond très fin et doux 3m.
4. Limon gris veiné de jaune 6m.
5. Limon jaunâtre un peu plus foncé et moins doux 6m45.
6. Limon très argileux gris semblable à celui ou les restes de mammouth
furent trouvés 9m.
7. Lignes jaunes et ondulées Helix et Pupa.
8. Limon roux compact parfois barré de gris au bas 9m70.
9. Crétacé 10m.

Ces limons sont calcaires de 5 à 6m.


PUITS No 3.

1. Terre végétale.
2. Limon brunâtre.
3. Limon blond fin 2m.
4. Limon plus roux 5 à 6m.
5. Limon gris moucheté de jaune, rude au toucher 6m.
6. Limon roux compact à petits points noirs à la partie supérieure 6m70.
7. Ligne noire peu nette 8m10.
8. Plus clair en bas contre le silex à 9m40.

Aucun de ces limons n'est calcareux.


PUITS No 4.

1. Terre végétale.
2. Limon brunâtre.
3. Limon gris 2m50.
4. Limon blond clair très fin 3m.
5. Limon gris à points noirs 5m.
6. Limon jaune moucheté de noir 5m50.
7. Limon roux avec nombreuses parties grises 6m.
8. Limon roux clair, rude au toucher, plus argileux.
9. Limon blond à intercalations de limon gris à 8m.
10. Passe au blond fin doux au toucher.
11. Feuilleté à 9m50.
12. Limite par ligne noire.
13. Puis limon roux à concrétions ferrugineuses.
14. Quelques cailloux silex et quartz blanc, puis crétacé à 10m60.

Ces limons sont calcaires de 2m60 à 4m.


SONDAGE + VOROUX-GOREUX

Niveau du sol terre arable avec morceaux de craie

1m. Terre grisâtre.
2ms Terre à brique brune; grossière.
3ms La même plus fine et plus claire.
4ms Plus jaune avec petits fréagments de craie et de silex.
5ms Limon plus fin, jaunâtre.
6ms Passe à un limon grisâtre.
7ms)
8ms) Limon grisâtre très calcareux.
9ms)
10ms) Limon roux, compacte, sans calcaire.
11ms Sorte de sable micacé d'aspect fluviatile.
12ms Limon roux encore plus compacte quéà 9 et 10ms.
13ms) Argile à silex brisés, sableuse, micacée, devenant de plus en plus
à
14ms) argileuse à partir de 15 m et renfermant à partir de la craie.

Nous sommes arrivés au bout de notre tâche qui était de vous résumer le
contenu d'un mémoire beaucoup plus étendu. Nous avons soigneusement étudié
tous les arguments en faveur de la crue hesbayenne et nous n'avons fait ici
qu'esquisser notre réponse. Mais comme nous l'avons dit en commançant, nous
avons la bonne fortune de parler en présence d'hommes éminents dans l'étude
du quaternaire. Nous prêterons la plus grande attention aux observations
qu'ils voudront bien nous présenter, et nous n'hésiterons pas à abondonner
nos idées, si l'on nous en démontre l'inexactitude. (1)

(1) Note du Secrétariat: MM. J.HAMAL-NANDRIN et J.SERVAIS ont montré à la
séance plus de cent silex taillés recueillis par eux à Ste-Walburge,
afin de donner aux personnes compétentes, une idée de l'industrie de
cet intéressant gisement.

Le Président désigne M. C.Malaise, M.Mourlon et J.Cornet comme rapporteurs
pour examiner ce travail.

La parole est donnée à M. J.Commont qui expose les faits résumés dans le
note suivante:

Je remercie MM. Max Lohest et Ch.Fraipont du très grand honneur qu'ils
m'ont fait en m'invitant à venir exposer à la réunion de la Société
géologique de Belgique les résultats généraux de mes recherches concernant
le quaternaire du Nord de la France, et à comparer nos dépôts avec ceux de
la Belgique.

Je tiens à remercier également M. Rutot des appréciations très élogieuses
qu'il a formulées sur mes travaux dans le Bulletin de la Société belge de
géologie et qui ont été pour moi un précieux encouragement à étendre mes
investigations. Le savant conservateur du Musée Royal de Bruxelles sait que
je ne partage pas ses idées en ce qui concerne la formation des limons,
mais cela ne nous empêche pas d'être en excellents rapports.

Lorsqu'en septembre dernier, après avoir exploré les alentours de Liège,
pour me rendre compte de la nature du limon hesbayen, je signalais les
quelques trouvailles que j'avais faites à M. Marcel de Puydt (1), je ne
pensais guère que ma lettre me procurerait le très grand plaisir de me
ramener si tôt dans la belle et si hospitalière ville de Liège.

(1) MM. M.DE PUYDT et Max LOHEST furent, en 1886, les inventeurs des
premiers squelettes humaines moustériens, des célèbres crânes de Spy.

C'est que depuis, le savant archéologique liègeois a découvert dans la
sablière de la rue Jean de Wilde, à la base du hesbayes, l'important
gisement de silex taillés qu'il vous fera connaître cet après-midi.

Je le remercie également, ainsi que ses aimables collaborateurs MM. Servais
et Hamal-Nandrin, de leur acceuil si cordial et de la très grande
complaisance avec laquelle ils se sont mis à ma disposition pour la visite
du Musée Curtius et de leur collections particulières.


LA CHRONOLOGIE ET LA STRATIGRAPHIE DES DÉPGTS QUATERNAIRES DANS LA
VALLÉE DE LA SOMME.

De récentes découvertes en partie inédites nous ont permis de fixer avec
précision la stratigraphie des dépôts quaternaires et récents, ainsi que la
chronologie des différentes industries qu'ils renferment.

En ce qui concerne le Quaternaire, voici le resumé de nos dernières
constatations (2).

(2) V. Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, séances des 11 et 18
novembre 1911; notes présentés par M. Barrois.

MAGDALÉNIEN. Les stations magdaléniennes situées près des dernières rives
quaternaires de la Somme et de ses affluents sont recouvertes par des
dépôts holocènes de 8 à 20m d'épaisseur (tourbe, tufs, limons récents).

SOLUTRÉEN. Trouvailles isolées à St-Acheul et station à Conty (terasse
inférieure de la Selle) (3), au sommet du limon supérieur ou terre à
briques A, sous le limon de lavage à industries néolitique et
gallo-romaine.

(3) A publier.

AURIGNACIEN SUPÉRIEUR: partie supérieure de l'ergeron B (löss récent) et
limon de débordement le couronnant, rives actuelles (basse terasse) (4).

(4) En partie publié.

AURIGNACIEN INFÉRIEUR OU TYPIQUE: faible cailloutis dans l'ergeron de la
basse terasse de la Selle (5).

(5) A publier.

MOUSTÉRIEN SUPÉRIEUR (FACI+S DE LA QUINÉ): cailloutis C de la partie
moyenne de l'ergeron B (2e terrasse de St-Acheul).

MOUSTÉRIEN INFÉRIEUR: outillage lithique, coups de poing; a. avec face
plane, b. formes triangulaires, c. pseudo coups de poing nucléiformes ou
assez grossiers et outillage habituel moustérien dérivé de l'éclat
Levallois (racloirs et pointes) cailloutis C1 et C2 de la base des ergerons
B1 et B2 subdivisions de löss récent ou quaternaire supérieur.

La faune comprend, comme pour le niveau C: Moummouth, Rhinoceros
tichorhinus, Renne, petit Cheval, Bison, Spermophile, Lepus timidus,
Vulpes lagopus, etc.

ACHEULÉEN SUPÉRIEUR: instruments lancéolés à patine blanche lustrée: partie
supérieure du limon rouge D ou lehm d'altération du löss sousjacent plus
ancien (2e terrasse de St-Acheul).

La faune est peu caractéristique. Le limon des plateaux qui renferme en
certains gisements cette industrie a donné Rhinoceros tichorhinus,
Mammouth, mais pas de Renne.

Le löss sous jacent ayant donné: un grand Cheval, un grand Lion, Cerf
élaphe et Lepus cuniculus.

ACHEULÉEN INFÉRIEUR: coups de poing de différentes formes; les types ovales
(amandes ou limandes) dominent associés à un petit outillage lithique très
particulier (encore à publier).

Gisement: plusieurs horizons dans le limon sableux F situé à la base du
löss ancien (limon doux à points noirs); le plus ancien de ces niveaux
(avec limandes à l'arète torse) se trouve dans le cailloutis de base du
dépôt ravinant les alluvions de la 2e terrasse.

Faune: Elephas antiquus, très graénd Cheval sp.?, Cerf Elaphe, et, parmi
les coquilles, Belgrandia marginata, Unio littoralis. (1).

(1) La faune complète sera publiée prochainement.

CHELLÉEN ÉVOLUÉ, coups de poing triangulaires pointus de grande taille;
faune mal déterminée; gisement: graviers fluviatiles de la basse terrase à
Montières.

CHELLÉEN TYPIQUE, coups de poing à talon épais de divers types très
caractéristiques (que nous n'avons pas vus en Belgique) associés à un petit
outillage varié. Gisement: sables fluviatiles K couronnant les graviers de
la 2e terrasse.

Faune: Elephas antiquus de forme très archaïque. Cerf élaphe, grand bovidé.

PRÉ-CHELLÉEN, instruments grossiers prototypes de coups de poing et
nombreux outils dérivés d'éclats de débitage intentionnels. Gisement:
graviers inférieurs de la 2e terasse où ils sont rares, mais surtout
extrémité de la 3e terrasse de St-Acheul (pas de faune).

Les dépôts correspondants de la même terrasse ayant fourni à Abbeville une
faune à affinité pliocène Elephas Trogontheiri, Hippopotamus major,
Rh. Mercki, Rh. aff. leptorhinus et Rh. etruscus, Equus Stenonis, Cervus
Solilhacus, Machairodus, Lepus sp., etc. (2).

(2) V.Commont. Excursion de la Société géol. Nord et de la Faculté des
Sciences à Abbeville: Ann. Soc. géol. Nord, 1910.

Les graviers fluviatiles de la plus haute terrasse (4e) sans doute
pliocènes, n'ont fourni ni faune, ni reste probant d'industrie humaine.

De cette stratigraphie très rigoureuse, nous avons pu tirer les conclusions
suivantes:

L'industrie solutréenne étant située, dans notre région, au sommet des
formations pléistocènes (3), nous ne sommes séparés des époques solutréenne
et magdalénienne, d'ailleurs fort courtes (4), que par la durée des
formations récentes (tourbe, tufs et limons de lavage).

(3) La formation du löss a continué plus longtemps en Allemagne et en
Autriche par suite du climat continental de ces régions.
(4) Au pont de vue géologique.

Le stade aurignacien, plus long, correspond à la formation d'une notable
partie de l'ergeron. Nos recherches établissent, sans doute possible,
que le moustérien supérieur (crânes de Spy et faciès industriel de La
Quina) est situé dans la partie moyenne de l'ergeron ou löss récent de la
2e terrasse à St-Acheul et que le moustérien inférieur, souvent confondu
avec l'acheuléen, se place à la base de ce même dépôt, c'est-à-dire du
quaternaire supérieur: l'âge géologique des squelettes moustériens
anciennement et récemment découverts et donc bien fixé.

Les formations correspondant aux limons moyens de Ladrière (löss ancien et
sa zone d'altération très importante) constituent, là où l'érosion les a
respectées, un ensemble plus important que les limons supérieurs (löss
récent et son lehm d'altération) et doivent par suite, représenter une
période de temps quaternaires plus longue que celle correspondant au
quaternaire supérieur. Ces formations sont contemporaines des industries
acheuléennes qui ont été souvent confondues, tantôt avec le moustérien,
tantôt avec le chelléen. Cela tient à ce que l'ensemble des industries du
paléolitique moyen (acheuléen) et inférieur (chelléen) est beaucoup moins
connu que celui de la fin du paléolitique; comme cette industrie
acheuléenne présente un outillage plus perfectionné, plus spécialisé et
plus varié que celui de l'époque moustérienne, on peut supposer que les
Acheuléens appartenaient à une race différente de la race moustérienne;
mais, jusqu'à ce jour, les squelettes acheuléens dûment datés et non
discutés manquent pour confirmer cette hypothèse. (1)

(1) Le squelette récemment découvert par M. Mois, à Ipswich, en Angleterre,
au-dessous du "boulder clay" sera-t-il pris en plus sérieuse
considération par les anthropologistes que celui de Galley-Hill?

C'est dans le quaternaire inférieur, comprenant les graviers fluviatiles
des différentes terrasses de la vallée de la Somme que se trouve
l'industrie chelléenne plus ou moins évoluée. Il est probable que l'homme
à qui a appartenu la mâchoire de Mauer est un des représentants de la race
qui a taillé les instruments primitifs de St-Acheul, mais la chronologie
des dépôts quaternaires nous prouve que cet ancêtre est beaucoup plus
éloigné, dans l'histoire de l'humanité, de l'homme du Moustiers, que nous
ne le sommes de ce dernier.

Remarques relatives aux deux löss. - I löss récent: Nous appelons
l'attention des géologues belges sur nos subdivisions du löss récent. Il
n'y a pas un ergeron, mais des ergerons d'âge différent, que l'industrie,
la faune et la stratigraphie peuvent dater; chacun d'eux est couronné par
une zone d'altération subaérienne, indiquant un ancien sol sur lequel ont
circulé les populations moustériennes. Sur la 2e terrasse de St Acheul,
3 subdivisions sont apparentes, tandis que sur la basse terrasse du
moustérien 2 seulement sont visibles; mais certaines vallées secondaires
peu anciennes n'ont qu'un ergeron homogène avec moustérien supérieur à la
base (ex. atelier moustérien d'Hermies). C'est à la base de l'ergeron le
plus ancien b2 que se trouve l'outillage que nous dénommons moustérien
ancien, mais qui a été déterminé parfois comme acheuléen ou même chelléen.

Cette industrie peut apparaître comme acheuléenne si l'on ne considère que
les coups de poing, mais elles est moustérienne par le petit outillage
(racloirs et pointes) dérivé de l'éclat Levallois, par le mode de débitage
et par la faune où apparaît le Renne. Les nombreux documents recueillis
dans divers gisements nous permettront de donner plus tard une étude
détaillée sur ces formations et les industries qu'ils renferment.

D'autre part on peut observer à la base du löss récent, (ergeron du Nord de
la France), dans de nombreuses coupes de limons de notre région, un dépôt
désigné par Ladrière sous le nom de limon gris à succinées, de couleur
brune, gris cendré ou brun roux dont le savant géologue lillois a fait le
terme supérieur de la série de ses limons moyens. Comme cette formation
renferme également le moustérien inférieur (Roisel, Montières,
Remiencourt), nous le réunissons au löss récent dont il constitue le terme
le plus inférieur, synchronique de b2 de St Acheul. Nous le retrouverons
d'ailleurs en d'autres régions. Il ne faut pas confondre cette zone
tourbeuse, période de toundras correspondant au climat froid du dernier
(glaciaire), avec la tourbe couronnant les alluvions fluviatiles;
la distinction est parfois assez délicate à établir lorsque les limons
moyens manquent.

Le lôss récent recouvre seul la basse terrasse de nos cours d'eau.

2 Löss ancien: au dessous du dernier löss se placent, sur les moyennes
terrasses, les dépôts à faciès très varié, dont l'ensemble constitue un
löss plus ancien d'âge acheuléen.

On ne peut le désigner sous le nom trop général de löss ancien, car nous
prouverons très prochainement qu'il existe de löss plus anciens
pré-chelléens. Nous le désignons sous le nom de löss ancien de la
2e terrasse ou des terrasses moyennes.

Cette formation s'est effectuée, comme celle qui précède, en plusieurs
temps et comprend plusiers subdivisions.

1 limon rouge fendillé de Ladrière D ou lehm d'altération du dépôt
sous-jacent, d'une part, et, d'autre part, produit de lixivation de
l'argile à silex, formation très caractéristique et, comme l'a prouvé
M. Ladrière, véritable criterium permettant d'affirmer avec certitude
la présence des limons moyens, dont l'épaisseur peut atteindre plusieurs
mètres, indice de la grande ancienneté du löss sous-jacent.

2 limon plus ou moins sableux, souvent décalcifié F, avec points noirs
(fer et magnanèse) désigné sous le nom de limon doux à points noirs.
A St Acheul et à Montières (2e terrasse) il renferme à sa base, d'énormes
poupées) (1) comparables à celles du löss ancien de la vallée du Rhin
(la présence de ces concrétions et l'épaisseur de la zone d'altération
suffiraient, en l'absence d'autres ressemblaces, à identifier les lôss de
ces 2 vallées.

(1) Le löss récent ne renferme que de petites poupées de la grosseur d'une
noisette; celles du Löss ancien sont souvent plus grosses que le poing.

3 limon plus argileux F souvent panaché de glaise à faciès fort variable.

4 Cailloutis de silex plus ou moin discernable C4. A St Acheul et
Montières (2e terrasse), ce cailloutis devient à l'extrémité de la terrasse
un véritable gravier à allure fluviatile ravinant les alluvions inférieures
et ayant souvent enlevé les sables fluviatiles K; il se superpose
directement alors aux graviers sous-jacents L et la stratigraphie - des
industries - devient alors très difficile à préciser.


Mode de formation des limons quaternaires de la région du Nord.

Ayant eu dans ces dernières années l'occassion d'observer de nombreuses
coupes de limon de grande étendue, nous avons pu noter la diversité des
faciès en relation étroite avec la nature des terrains avoisinants. Ces
nouvelles observations n'ont fait que confirmer celles que nous avions
publiées antérieurement et tendent à prouver que les limons sont dus en
grande partie au ruissellement: l'action éolienne ayant cependant contribué
dans une certaine mesure à ces formations, surtout à l'époque où notre
région, attachée à l'Angleterre, et plus éloignée de la mer, était soumise
à un climat plus continental, assez semblable à celui de l'Est de la France
(1).

(1) Nous étudierons la part qui revient au facteur éolien dans un travail
spécial.

Les ilôts tertiaires isolés qui s'aperçoivent sur les hauteurs formant la
ligne de partage des eaux des cours d'eau actuels sont les résidus de
couches beaucoup plus étendues recouvrant anciennement toute la région,
ainsi qu'en témoignent les restes tertiaires: grès landéniens, galets
yprésiens, bois silicifiés, grès à nummulithes, coquilles etc. qu'on
retrouve dans les alluvions des vallées ou épars sur les plateaux. Pendant
toute la durée des temps quaternaires ces dépôts furent affouillés et
entraînes par les cours d'eau et, sur les pentes, le ruissellement les
désagrégea peu à peu, réduisant de jour en jour leur étendue. Ce
démantèlement des îlots tertiaires eut aussi comme conséquence de tarir les
sources émergeant du niveau d'eau constitué par l'argile plastique
couronnant jadis les sables landéniens et qui permettaient aux populations
paléolithiques de séjourner sur ces points élevés (2). Les ravins, secs
aujourd'hui, rayonnant autour de ces bassins de réception réduits, sont les
restes de ces cours d'eau anciens.

(2) V.Commont. Industrie moustérienne dans le Nord de la France (suite),
congrès de Tours 1910.

Il existe dans le bassin de la Somme des témoins tertiaires à tous les
stades de démantèlement et cela selon leur position relative sur la craie.

Sur l'anticlinal de l'Anthie, ils sont excessivement diminués, souvent
cachés sous le limon des plateaux, où, simples résidus dans des poches de
dissolution de la craie, ils sont demeurés à l'abri de l'érosion; mais les
couches tertiaires situées à une altitude moindre ont été mieux conservées
et les îlots tertiaires deviennent à la fois plus étendus et plus complets.

La série suivante alignée dans la direction Nord Ouest-Sud Est est un
exemple frappant de ces phénomènes d'érosion.

alt. 163m: Mt Valheureux; sables landéniens.
alt. 133m: Toutencourt; Hérissart, sables et grès.
alt. 120m: Baizieux; sables et grès landéniens, argile plastique
alt. 110m: Lihons Chaulnes; sables et grès land, argile plastique et
lignites, galets yprésiens.
alt. 104m: Ognolles; sables et grès, lignites et plastique, cordon de
galets, sables de Guise.

Puis, plus au Sud, à Lagny, les mêmes couches sont surmontées du calcaire
grossier inférieur.

Si nous observons les couches de limons situées au voisinage d'un de ces
îlots démantelés, il est évident que l'érosion s'attaquant à des dépôts
différents, a donné naissance à des couches d'aspect physique dissemblable.

La figure 2 montre le processus de ce démantèlement et les dépôts qui en
résultent.

a) les eaux pluviales délavant l'argile plastique, ont donné les limons
panachés à la base des limons moyens (F).
b) les sables landéniens glauconieux, plus ou moins altérés, associés à
l'argile à silex manganésifère, ont produit les limons mouchetés (E).
c) l'érosion s'attaquant alors à l'argile à silex et à la craie, a donné
des limons rouges plus ou moins sableux qui, décalcifiés et suroxydés,
sont devenus le limon rouge fendillé D.

Au dessous se place parfois un éboulis crayeux appelé presle, qu'on peut
également observer à la base de l'ergeron, à son contact avec la craie.
(V. Coupe 2: presle au dessus des sables fluviaux K).

La formation de ces dépôts semble marquer une période de ruissellement
intense, correspondant à un interglaciaire. L'altération de la partie
supérieure indique un arrêt important dans la sédimentation.

Un nouveau cycle d'érosion produisit les différentes couches du löss
récent. (B)

A cette époque les îlots tertiaires sont déjà bien réduits; la craie est
dénudée en de grandes surfaces sur les pentes et le ruissellement érode à
la fois, la craie désagrégée et décomposée partiellement pas son exposition
à l'air et l'argile à silex des poches non complètement érodées. La boue
jaunâtre résultant du mélange de ces roches donne naissance, dans les pays
de craie, à un dépôt argilo-sableux renfermant des quantités très variables
de craie et présentant dans la masse des cailloutis de silex brisés: c'est
l'ergeron du Nord de la France présentant, comme le löss récent de la
vallée du Rhin, plusieurs zones d'altération.

La terre à briques, comme le limon rouge, résulte de l'altération des
couches sous-jacentes. Parfois elle est en place et on peut alors observer
le passage insensible au löss non décalcifié sous-jacent, mais, sur les
pentes, le ruissellement l'a souvent transportée en des joints plus bas où
elle recouvre l'ergeron précédemment délavé par le même processus; alors la
séparation des deux couches est fort nette.

Mais nous avons prouvé que la terre à briques en place est quaternaire (1)
et renferme l'industrie de l'âge du Renne, tandis que la terre à briques
remaniée (limon de lavage) ne contient que du néolitique (Villejuif).

(1) Compte-rendus du Congrès de l'A.F.A.S. de Clermont-Ferrand (1908).
Industrie de l'âge du Renne dans la vallée de la Somme.

Dans le Nord de la France, la formation du löss a cessé à l'époque
solutréenne, alors qu'elle s'est poursuivie en Allemagne et en Autriche
jusqu'à l'époque magdalénienne.

Mais si nous examinons les dépôts limoneux en des point où l'érosion n'a
pas entamé la craie, les faciès changent complètement.

Ainsi à la limite du bassin de la Somme, entre Ercheu et Libermont Frétoy,
nous avons relevé dans les tranchées du nouveau Canal du Nord des coupes de
dépôts de même âge que l'ergeron, datés par un gisement moustérien ancien
avec faune comprenant: Mammouth, rhinoceros tichorhinus et Renne, mais
différant absolument de l'ergeron comme aspect physique.

Le dépôt est très sableux, avec zones argileuses panachées (argile
plastique), ou des strates violacées, lilas, etc. En certains points,
au contact des couches tertiaires en place, il est difficile de distinguer
l'argile plastique remaniée quaternaire de celle qui est en place.

A Arleux, près de Douai, même observation. (1)

(1) Ces coupes seront publiées dans les Ann.Soc. géol. Nord. 1912.

En d'autres points, en bordure des plateaux (Santerre, Artois), le limon
des plateaux a été remanié postérieurement et le löss récent (ergeron)
résulte de l'érosion d'un löss plus ancien sur lequel il s'applique
d'ailleurs en biseau. De même, depuis l'époque néolithique, le lavage des
limons quaternaires a donné des dépôts récents très variés de plusieurs
mètres d'épaisseur, datés par des débris divers (néolithique,
gallo-romains, moyen âge, etc,).


Comparaison des limons du Nord de la France avec ceux de la vallée du Rhin
et de la Belgique.

Désireux d'établir des rapprochements et des comparaisons relatifs à la
stratigraphie, la faune et l'industrie humaine des limons du Nord de la
France, de la vallée du Rhin et de la Belgique, nous avons commencé, en
1911, des observations qui nous ont donné les résultats suivants.

Alsace. - A Achenheim, Hangenbieten, Hochfelden, le löss récent nous a
montré 3 subdivions nettement marquées avec zones d'altération à la partie
supérieure; la plus inférieure de ces divisions est plus brune, d'apparence
humifère et nous semble correspondre à la division B2 de notre ergeron =
limon gris de Ladrière. Comme dans notre région, le moustérien ancien se
trouve à la base de ce dernier löss (Achenheim, Hochefelden), associé à la
faune du Renne et de l'Ours des cavernes.

A Hangenbieten, le lehm d'altération du löss ancien (limon rouge) a donné
une molaire de Mammouth, à lamelles larges, mais le löss ancien sous-jacent
a fourni une molaire du Rhinoceros Mercki (2) et les sables fluviatiles (3)
une faune de mollusques analogue à celle récoltée à St Acheul à la base du
löss ancien.

(2) Les découvertes archéologiques de la station d'Achenheim, p. R.R.
SCHMIDT et P. WERNERT de Tübingen.
(3) V. Trazvaux de ANDREAE et SCHUMACHER.

Donc, au point de vue industriel, et faunique, concordance avec le löss
ancien de la vallée de la Somme, et nous sommes d'accord en cela avec les
nombreux géologues allemands qui sont venus voir nos coupes à St Acheul.

De même, le dépôt d'altération du löss ancien est très épais (3m50 à la
tuilerie Jeuch à Hangenbieten); les poupées sont également très grosses;
d'autre part, si cette formation est en grande partie éolienne, l'action du
ruissellement est non moins manifeste: et les cailloutis de quartz roulés,
les ravinements du löss récent en sont des preuves évidentes.

Enfin le löss ancien repose sur les alluvions de la 2e terrasse du Rhin.

Belgique - En Belgique, nos observations concordent aussi avec celles
faites dans le Nord de la France; d'ailleurs les belles études
stratigraphiques de M. Ladrière ont prouvé que les différents termes de ses
limons se retrouvent en Belgique.

Mais nous examinons ces dépôts au point de vue de leur formation et de leur
chronologie.

A Saint Symphorien, à l'exploitation Hardempont, on peut voir un ergeron
très sableux qui, en avançant vers le N.E. (Havré), est panaché d'argile
plastique et a le même faciès que celui noté à Ercheu et Arleux au contact
d'îlots tertiaires. Ce dépôt, du même âge que l'ergeron de la carrière
Hélin à Spiennes, est pourtant d'un aspect physique absolument différent.

Le 1er résulte de l'érosion de l'îlot tertiaire du bois d'Havré; le 2e a
été produit par le ruissellement sur les pentes calcaires qui sont au Sud.

Aux environs de Tournay, les limons formés au contact de marnes turoniennes
ont encore un autre faciès: limon très doux au toucher, sans éclats de
silex dans la masse.

A Cherk, ergeron formé de strates parallèles de sables tertiaires, comme à
Montigny en Ostrevent, où on peut compter des centaines de petites couches
sableuses surmontées de zones argileuses qui se ravinent les unes les
autres (0m01 à 0m05 d'épaisseur).

A Soignies, le limon inférieur, dit hesbayen, doit également sa coloration
brune ou bleuâtre et sa composition glaiseuse, à la nature des roches
primaires aux dépens desquelles il s'est formé; les strates de sable qui le
traversent proviennent de l'érosion des sables bruxelliens tout proches.

Sur le plateau de la Hesbaye, le limon jaune päle, doux au toucher
(Brabantien), ressemble à notre limon de Santerre (1), correspondant à
notre division B1 du löss récent. Aussi nous pensons que les termes:
ergeron ou Flandrien et Brabantien sont les équivalents des ergerons B
et B1 de la vallée de la Somme.

(1) J.CORNET: Etudes sur l'évolution des rivières. Soc. Géol. de Belgique
XXXI. Mémoires p. 261.

En ce qui concerne le terme hesbayen, nous ne pouvons admettre son
équivalence aux limons moyens de Ladrière, c.-à.-d. au löss ancien que
lorsqu'il présente les mêmes caractères physiques et lorsqu'il se trouve en
même situation sur les moyennes terrasses des cours d'eau de la Belgique.

Nous avons pu vérifier maintes fois les observations de M. Ladrière à ce
sujet et noter que le löss ancien ne s'avance pas sur les basses terrasses;
aussi nous estimons que les hesbayen belge des bas niveaux est une
subdivision du löss récent.

Si, à quelques mètres au dessus du cours d'eau actuel, nous considérons
la coupe Hélin à Spiennes, située sur la basse terrasse d'un affluent
secondaire, la Trouille (2), nous voyons, au-dessous de la terre à briques
et de l'ergeron typiques, un 2e dépôt de même nature, doux au toucher,
jaune pâle, avec strates grisâtres, TRES CALCAREUX, plus calcareux que
celui qui le surmonte, dont il n'est séparé que par un cailloutis minime
et ne présentant aucune zone d'altération à sa partie supérieure.

(2) Ce limon qui recouvre la plaine du Santerre d'un manteau de 6 à 8m
d'épaisseur ressemble également au limon gris jaunâtre, stratifié, dit
hesbayen, des bas niveaux de la Belgique.

Cette formation renferme également de très petites poupées; aussi nous
estimons que ce limon gris jaunâtre n'est qu'une subdivision de l'ergeron.

D'ailleus, M. Ladrière a fait antérieurement les mêmes observations et ses
études très consciencieuses confirment nos constatations actuelles. Voici
ce qu'il dit à propos de la coupe Hélin (1): "Votre coupe avec votre
lambeau de mesvinien dont je parle depuis dix ans déjà sous le nom d'assise
inférieure, est fort incomplet; il vous manque une partie moyenne bien
développée en France et aux environs de Bavay....."

(1) V. Bull. Soc. belge de géologie. Tome V, p.167 (1891).

En 1892, le même explorateur signala les limons moyens au complet en
différents points du Hainaut: Audregnies, Quiévrien, Angreau, etc., mais
il a tout au plus interprété, avec doute, le limon grisâtre de la Carrière
Hélin comme le représentant de son limon gris à succinées "couche très peu
nette de limon jaunâtre sableux, bariolé de gris" (2), que M. Ladrière, qui
ne s'est occupé que de stratigraphie, considère comme le terme supérieur de
ses limons moyens. Mais au point de vue de la chronologie du paléolithique
(faune et industrie), nous faisons de ce dépôt l'équivalent de la division
la plus inférieure du löss récent.

(2) Ann.Soc.Géol.Nord, t.XX, p.34. LADRIERE. Quaternaire aux environs de
Mons.

L'industrie fournie par le cailloutis de base de ce dépôt à Spiennes, comme
à Soignies, est du même type que celle de notre moustérien ancien; tous les
archéologues français considèrent comme moustériennes les magnifiques
pointes en silex noir récoltées à la Carrière Hélin (3).

(3) V. M.de Puydt, J. Hamal-Nandrin et Servais. Mélanges d'archéologie
préhistorique. Silex moustériens du Hainaut.

Si, parmi nos petits instruments dérivés d'éclats de débitage provenant des
niveaux acheuléens et chelléens, il y a des pointes, ces outils n'ont pas
la facture si spéciale des pointes du Moustiers.

D'autre part, le Renne a été également trouvé à la base de ce dépôt et
M. Rutot l'à signalé aux environ d'Hougaerde sous 7m20 de limon hesbayen
(4).

(4) Bull.Soc.belge de géologie. t.III, p.337.

Cet ensemble de faits: stratigraphie, faune, industrie et relation avec la
basse terrasse, nous portent à considérer le hesbayen des basses terrasses
comme une subdivision du löss récent dont il constitue le terme le plus
inférieur.

Je ne puis vous entretenir des alluvions des terrasses que je n'ai
qu'imparfaitement observées en Belgique, mais puisque vous avez les faunes
anciennes à Elephas antiquus (Bruxelles), Elephas Trogontherii (Sas de
Gand). Elephas meridionalis (Lierre), Hippopotame (Anvers et Hoboken),
Rhinoceros Mercki (Anvers) dans la vallée de l'Escaut et de la Meuse (5),
nous pensons qu'il est possible d'établir un parallèle entre ces dépôts
anciens et ceux du même âge de la vallée de la Somme.

(5) Der diluvialen Sâugetiere der Niederlande. L.M.RUTTEN. Maestricht.


M. Rutot fait une communication dont il a envoyé au secrétariat le texte
suivant:

J'ai d'abord à rendre hommage à M. Commont pour les beaux travaux qu'il a
produits sur la chronologie stratigraphique des industries humaines dans le
Nord de la France. Conduit à plusieurs reprises sur place par le zélé
préhistorien, j'ai pu constater par moi-même la complète exactitude des
notions qu'il vient de nous exposer. Il ne peut y avoir aucune divergence
au sujet de l'exactidude de ses observations.

Le travail que M. Commont a fait pour le Nord de la France, je l'ai
effectué pour ce qui concerne la Belgique et, à côté de la coupe dressée
par notre confrère, je puis tracer celle qui découle de mes propres
observations dans notre pays.

Voyez ci-contre schématisée, la série complète des couches superposées
constituant notre Quaternaire.

Nous fournirons d'abord les explications relatives à la stratigraphie:

Le cailloutis P repose soit sur les terrains tertiaires, secondaires ou
primaires, selon les régions considérées.

Les subdivisions indiquées sur la coupe peuvent se grouper de la manière
suivante:

A.B.C. Flandrien ) Quaternaire supérieur

D. Brabantien )

E.F.G.H. Hesbayen ) Quaternaire moyen
I.J.K.L.M. Campinien)

N.O.P. Moséen Quaternaire inférieur

Au point de vue faunique, il n'existe que deux divisions: le Moséen ou
quaternaire inférieur n'a fourni jusqu'ici que des animaux de la faune de
l'Elephas antiquus, c'est-à-dire ce pachyderme avec l'Elephas trogontheri,
Rhinoceros Merckii et Hippopotamus major, plus quelques restes de Bison.

Tout le reste: Campinien, Hesbayen, Brabantien et Flandrien renferme la
faune dite du Mammouth du bas en haut avec, à la base, quelques vestiges de
l'Elephas antiquus (1).

(1) Une belle molaire d'Elephas antiquus a été trouvée tout à la base des
couches campiniennes de la vallée de la Senne à Laeken, près Bruxelles.
Il résulte, de plus, de ce qui est dit ci-dessus, que la vallée de la
Somme et la France la faune à Elephas antiquus a persisté beaucoup plus
longtemps qu'en Belgique et en Angleterre.

A. Terre à briques.
B. Ergeron.
C. Faible cailloutis.
D. Limon pulvérulent di Brabantien.
E. Faible cailloutis de silex.
F. Limon fendillé ou limon tourbeux et tourbe.
G. Limons pointillés et panachés, souvent argileux.
H. Cailloutis généralement peu accentué.
I. Glaise verdâtre, surmontée d'une zone noircie, trace d'un ancien sol.
J. Faible cailloutis.
K. Sable fluvial.
M. Sable fluvial.
N. Cailloutis plus ou moins épais.
O. Sables et glaise d'origine fluviale.
P. Cailloutis plus ou moins épais.

Si nous nous plaçons au point de vue des industries humaines, en suivant
l'ordre chronologique, nous trouvons à la base P du Moséen une industrie
à facies purement éolitique que j'appelle Mafflien et marquée I dans la
coupe.

Dans le calloutis N, sommet du Moséen, j'ai reconnu récemment l'existence
de deux niveaux superposés II et III dont l'inférieur renferme la dernière
industrie du type éolitique dite Mesvinien, où apparaît, pour la première
fois, la systématisation du débitage intentionnel et une arme offensive
grossière, tandis que le supérieur montre les premiers rudiments de la
taille intentionnelle, utilisée pour l'obtention d'armes très grossières.

Nous serions là en présence du commencement de l'industrie paléolitique,
à base de "taille intentionnelle", alors que l'industrie éolitique a pour
base la simple utilisation directe des éclats naturels jonchant le sol.

Plus haut, dans le fable cailloutis L, se trouve le niveau industriel IV,
dans lequel j'ai découvert le facies primitif, mais nettement accusé de
l'industrie paléolitique, auquel j'ai donné le nom de Strépyien.

A la base de la glaise campinienne I, s'étend un faible cailloutis J qui
contient, au niveau V, les instruments typiques de l'industrie chelléenne,
peut-être un peu moins grossière que le Chelléen des auteurs français, et
déjà un peu évolué et perfectionné.

Au sommet de la partie noire de la glaise I, un nouveau cailloutis renferme
l'industrie dite: Acheuléen inférieur (VI).

En dehors de ces industries recueillies en position stratigraphique
précise, les industries supérieures à l'Acheuléen I sont également
représentées en Belgique, mais, malheureusement, les conditions des
trouvailles n'ont jamais pû être précisées avec certitude.

Ces industries, qui sont: l'Achieuléen II, le niveau correspondant à la
Quina (Charente), considéré, par beaucoup, comme Moustérien supérieur, par
moi comme Aurignacien inférieur (1), et un facies rappelant l'Aurignacien
moyen, ont été reconnues en bon nombre de points du Hainaut et du Brabant,
soit à la surface du sol, lorsque des couches de limon ont été dénudées,
soit entre des couches bien définies, mais où il existe des lacunes, tantôt
du Brabantien, tantôt du Flandrien ce qui enlève toute véritable précision
à la découverte des silex taillés.

(1) Note ajoutée pendant l'impression. - Depuis le 21 Janvier un fait
nouveau vient d'être acquis. Mr. M.Bourlon, en terminant sa belle étude
des matériaux tirés de sa fouille dans l'abri moyen du Moustier
(Dordogne), a pu identifier chacun des auaétre niveaux industriels
principaux qu'il y a constatés. Avec preuves complètes à l'appui,
M.Bourlon considère son niveau supérieur No 1 comme Aurignacien moyen,
son niveau No 2 comme équivalent de l'abri Audi (Aurignacien
inférieur), son niveau No 3 comme représentant là Quina et son niveau
No 6 comme Moustérien classique. Dès lors, la Quina étant plus ancienne
que l'abri Audi, on peut admettre que le niveau No 3 (Quina) représente
le Moustérien supérieur. Quant au Moustérien inférieur avec
coups-de-poing, il est longuement développé dans l'abri inférieur du
Moustier.

A la fin de son exposé, M. Commont nous a également parlé du mode de
formation des couches limoneuses qu'il explore.

A son avis, le ruisellement a joué un grand rôle et il lui attribue la
formation des trois niveaux de l'Ergeron, qu'il appelle, très improprement
d'après moi, Löss recent (2).

(2) Je comprends qu'entre spécialistes, des termes tels que Lôss récent et
Lôss ancien puissent être provisoirement employés, mais de tels termes
peuvent jeter la confusion dans les esprits, attendu que le mot
"récent" ayant une signification précise, je trouve excessif de
l'employer pour dénommer des couches quaternaires renfermant la faune
du Mammouth. Il y aurait donc avantage à dire "Lôss inférieur" et "Löss
supérieur".

Le groupe des limons moyens de Ladrière, ou Löss ancien de M. Commont
pourrait, paraît-il, avoir été déposé dans le mêmes circonstances ?

Au moins pour ce qui concerne les divers termes de l'Ergeron, je crois que
M. Commont a raison pour la région qu'il étudie; c'est l'action du
ruissellement qui explique le mieux l'ensemble des faits constatés.

Etant donné les deux coupes des terrains quaternaires: celle du Nord de la
France et celle de la Belgique, comment établir leur concordance ?

Elle ne me semble pas bien difficile à réaliser et voici comment je la vois
actuellement (2).

(2) Je dis "actuellement" car il y a quelques années, les éléments
d'appréciation faisant défaut, je croyais que l'on pouvait synchroniser
l'ergeron belge avec l'ensemble des trois ergerons français. Dès lors
notre Brabantien paraissait n'être pas représenté en France. Les
découvertes d'industries, faites par M. Commont, m'ont depuis permis
de rectifier mes conclusions.

Le groupe belge, terre à briques et Ergeron, correspond à la terre à
briques et à l'Ergeron supérieur, de M. Commont.

Mon Brabantien équivaut à l'Ergeron moyen et à l'Ergeron inférieur
français.

Mon Hesbayen se parallélise avec le "Löss ancien" de M. Commont et les
limons moyens de Ladrière.

Enfin, l'ensemble du Campinien et du Moséen, si bien détaillé et si net en
Belgique dans nos minuscules vallées, telles celles de la Haine et de la
Trouille, où les phénomènes successifs de sédimentiation se sont accomplis
et ont laissé leur trace dans une belle série de dépôts superposés, est
représenté, dans la vallée de la Somme, par les sables fluviaux et l'épais
cailloutis de base.

Ces concordances stratigraphiques permettent d'établir les concordances
d'industries.

A dire vrai, je n'ai guère rencontré d'éolithes dans les graviers de
St Acheul et encore, ceux que j'ai trouvés, peuvent tout aussi bien
appartenir au commencement du Paléolitique, c'est à dire au Strépyien.

Il paraît donc certain que ni les Maffiens, ni les Mesviniens n'ont occupé
les rives de la Somme; ce sont les Strépyiens, c'est-à-dire les premiers
paléolitiques qui sont venus s'y établir et ce sont en effet des
instruments très grossièrement taillés se rapportant au Strépyien que
M. Commont trouve dans le cailloutis de base. C'est cette industrie qu'il
appelle "pré-chelléen".

En Belgique nous trouvons deux niveaux pré-chelléens: l'un, pré-Strépien
est situé directement au-dessus du niveau mesvien; l'autre, Strépyien
typique, se rencontre dans le cailloutis L qui divise le sable fluvial en
deux parties superposées.

Si nous continuons à monter, nous arrivons au sommet des sables fluviaux
et au bas de la glaise campinienne, où nous constations la présence de
l'industrie cheléenne un peu evoluée, le chelléen typique n'ayant guère pu
se développer dans notre pays à cause de la deuxième crue campinienne (1).

(1) Le Chelléen typique correspond précisément à la transition du Strépyien
au facies chelléen évolué au"e nous rencontrons plus spécialement
développé en Belgique.

Enfin, au sommet de la glaise campinienne, un faible cailloutis nous
signale la position de l'industrie Acheuléenne inférieure.

Toutes ces dispositions sont très analogues à ce qui se constate en France,
sauf pour ce qui concerne la situation de l'Acheuléen; donnée par
M. Commont.

En effet, d'après les coupes que nous a montrées M. Ladrière dans la course
internationale de 1892, à St-Acheul, son limon panaché, base des lipons
moyens, se différencie de la glaise de la division inférieure, au point
même que le gravier séparatif à grains crayeux dit "Préle" se voit
nettement entre les deux.

Et, en fait, à plusieurs reprises, M. Ladrière nous a montré la série
suivante:

Limon noir tourbeux )
Limon fendillé )
Limon moucheté ) Limons moyens.
Limon panaché )
Gravier dit Prêle )

Glaise, tourbeuses au sommet, dite "sable gras" )
Sable fluvial, dit "sable aigre" ) Division inférieure.
Epais gravier de base )

Or, cette coupe de la division inférieure offre une grande concordance avec
la nôtre.

Dans le chêma résumant sa classification qu'il vient de nous figurer,
M. Commont simplifie la coupe de Ladrière; il confond le limon panaché base
des limons moyens, avec la glaise, sommet de la division inférieure, et il
supprime le gravier dit "Prêle".

Peut-être a-t-il raison, mais ce qui est certain, c'est que M. Ladrière
nous a montré, en France comme en Belgique, des coupes où tous les termes
qu'il distingue étaient représentés.

Avec la nouvelle manière adoptée par M. Commont, les concordances
deviennent plus difficiles à établir, car il situe son atelier
pré-acheuléen et son niveau acheuléen dans une couche qu'il place au bas
des limons moyens comme représentant le limon panaché, alors que,
personnellement, j'en fais plutôt l'équivalent de la glaise, avec d'autant
plus de raisons que mes coupes prises sur place sous la direction de
M. Commont indiquent la "Prêle" au-dessus de la couche à industrie
acheuléenne (1).

(1) Aux environ d'Amiens, la glaise est souvent remplacée par une marne
blanche dite "Terre-à-pipes", remplie de coquilles d'eau douce; c'est
sur cette marne que repose le gravier crayeux dit "Prêle".

Bien qu'à la lecture la divergence paraisse très sensible, elle est plutôt
faible en réalité.

En effet, en Belgique, l'Acheuléen inférieur se rencontre sur la glaise,
donc au niveau précis de la "Prêle", tandis que M. Commont place son
Acheuléen dans la couche limoneuse à facies assez particulier qu'il croit
représenter le limon panaché, base des limons moyens. Il serait sans doute
très aisé de s'entendre.

A diverses reprises, en faisant des courses en Belgique avec M. Ladrière,
celui-ci m'a nettement montré, dans le Hainaut, l'existence de toutes les
divisions des limons moyens, et comme c'est l'ensemble de ces divisions qui
sonstitue mon Limon Hesbayen, je considère comme suffisamment prouvée
l'équivalence du limon Hesbayen et des limons moyens.

Si nous montons encore, nous avons à mettre en présence le complexe belge:
Limon brabantien, Ergeron et Terre à briques, avec le complexe français des
trois Ergerons et de la Terre à briques.

Il y a quelques années je croyais que notre Ergeron belge, avec sa terre
à briques, se synchronisait avec tout l'ergeron français et que le limon
brabantien, formation éolienne, n'était pas représenté en France.

Les travaéux de M. Commont m'ont convaincu que ma conception était inexacte
et actuellement je suis d'avis que notre limon brabantien est synchronique
des deux ergerons inférieurs de M. Commont et que notre ergeron ne
correspond qu'à l'ergeron supérieur français.

En réalité, les concordances peuvent s'établir sans trop de difficultés,
avec ce point important à retenir que, des deux côtés, les modes de
formation des couches limoneuses ne sont pas comparables et que, en ce qui
concerne la place exacte de répartition des industries supérieures à
l'Acheuléen inférieur, seules, jusqu'ici, les coupes de la Vallée de la
Somme résolvent entièrement le problème.

Chez nous, il n'est qu'esquissé.

Je viens de dire que les modes de formation des couches limoneuses
françaises et belges ne sont pas comparables et cela est vrai, attendue que
la disposition de ces couches est toute différente dans les deux régions.

M. Commont nous a très bien montré qu'une vaste partie du Nord de la France
est constituée par un immense soubassement de craie surmonté de collines de
sable et d'argile du tertiaire inférieur.

Les vallées se sont cruesées au travers des couches tertiaires et de la
craie.

M. Ladrière nous a fait constater à Boves, au plateau de Saveuse et en
d'autres points, que les couches limoneuses couvrant les versants prennent
généralement naissance le long du pourtour des plateaux sous forme de
biseaux, qui vont en s'épaissant à mesure que l'on descend la pente.

Dès lors, on conçoit que ces couches, constituées en grande partie par les
ruissellements, ont une composition lithologique rappelant quelque peu
celle des couches tertiaires et crétacées dénudées.

Souvent tout le plateau crayeux est simplement recouvert d'un résidu
d'altération superficielle, bien que, sur des points élevés (Favril, 180m),
l'on rencontre aussi des lambeaux de couches se rapportant souvent au
facies inférieur des limons moyens, ce qui montre que ces limons, d'abord
très étendus, ont été dénudés à leur tour.

En Belgique, le sous-sol est infinement plus varié et la disposition
spéciale des ergerons français ne s'y montre nullement, sauf parfois dans
le Hainaut.

Que l'on se trouve dans la Belgique tertiaire, crétacée ou primaire, tout
ce qui se trouve sous environ 130m au-dessus du fond des vallées, est
recouvert de couches limoneuses épaisses se rapportant au Hesbayen; seuls,
des points plus élevés peuvent être recouverts du limon fin, pulvérulent,
éolien, dit Brabantien, qui, du reste, descend lui-même le long des pentes
jusqu'au niveau du fond plat des vallées.

Le mot de "manteau" employé depuis longtemps déjà pour caractériser
l'allure des couches limoneuses, rend compte très exactement de la
situation.

D'autre part, si les couches du Moséen et du Campinien sont, pour ainsi
dire, le reflet des strates sur lesquelles elles reposent, c'est-à-dire que
les cailloux, les sables et les glaises sont toujours indiscutablement
formés aux dépens des termes de la série stratigraphique sur lesquels il
s'étendent, au contraire, les couches de limon présentent, en gros, une
homogénéité, car nous voyons, autour de Bruxelles, à toute altitude et en
parfaite continuité, des couches de limon atteignant parfois de 15 à 20
mètres d'épaisseur, identiques à celles que l'on constate dans les autres
régions du pays.

Au-dessus de ces couches, généralement argileuses, s'étend encore
largement, quoique limitée à une bande Est-Ouest, le limon éolien
brabantien, toujours semblable à lui-même.

Pour ce qui me concerne, je ne puis en rien attribuer au ruissellement les
masses énormes de limon argileux qui embourbent littéralement d'énormes
plateaux élevés, qui ne sont dominés par aucune altitude.

Certes, il a existé, jadis, des couches d'altitudes plus élevées mais tous
ces sommets ont été enlevés lors du creusement proprement dit de la vallée,
c'est-à-dire à la fin du Pliocène, pendant tout le Quaternaire inférieur
moséen et pendant la première moitié du Quaternaire moyen (Campinien).

C'est pendant le Campinien que le creusement maximum s'est produit, puisque
ce sont des dépôts qui comblent une partie de l'érosion maximum, et lorsque
l'époque du dépôt des limons est survenue, le relief était constitué.

Les premiers limons (Hesbayen) ont alors été simplement abandonnés par des
eaux de haute crue sans vitesse du lac hesbayen, sur les reliefs existants,
sans les modifier sensiblement, et, en effet, la seule action que l'on
remarque, ce sont des traînées de matériaux de coulage entraînées dans la
masse limoneuse lorsque celle-ci s'adosse à une pente.

Quant à l'argument de M. Max Lohest tiré de la non-existence du limon
hesbayen dans les cavernes, je ne puis le retenir, d'une part, parce que
les cavernes fonctionnant à ce moment comme exutoires des eaux des
plateaux, il existait un contre-courant à la tendance des eaux de la crue
montante et que, d'autre part, en admettant même l'absence de ce courant
contraire, il n'aurait jamais pu se déposer, à l'intérieur des cavernes,
que la quantité de limon en suspension dans le volume d'eau stagnante
remplissant la caverne, c'est-à-dire à peine quelques centimètres et, en
tous cas, une épaisseur insignifiante.

N'ayant pas encore vu la coupe que nous devons étudier cette après-midi,
je me bornerai pour le moment aux considérations générales que je viens
d'émettre et qui dérivent entièrement de mes observations personnelles
prolongées.


Compte-rendue de l'excursion de la Société géologique de Belgique,
à Ste-Walburge (Liège).

Le Dimanche 21 Janvier 1912.
par
M.LOHEST ET C.FRAIPONT.

Les personnes dont les noms suivent ont pris part à l'excursion:

M.M. René d'Andripmont, M.M. Charles Fraipont,
Constantin Malaise, H. Barlet,
Michel Mourlon, Max Lohest,
Questienne, H. De Raux,
Ph. Questienne, Poslawski,
Armand Renier, Flesch,
Gustave Velge, Devivier,
W.C. Klein, V. Adam,
Baron Ivan de Radzitzky, B. Souheur,
M. Tetiaeff, G. Lespineux,
J. Anten, Jules Libert,
Anthoine, Tillemans,
Paul Fourmarier,

Les personnes étrangères dont les noms suivent ont également assisté à
l'excursion:

MM. le docteur Hugo Obermaier, professeur à l'Institut de Paléontologie
humaine à Paris,
le professeur V. Commont, président de la Société Linnéenne du Nord de la
France,
Marcel De Puydt, archéologue à Liège,
Jean Servais, conservateur du Musée Curtius à Liège,
J.Hamel-Nandrin, conservateur-adjoint du Musée Curtius à Liège,
Aimé Rutot, membre de l'Académie, conservateur au Musée royal d'histoire
naturelle à Bruxelles,
le docteur Stassen,
de Rasquin (Engis),
Van de Bosch (Seraing),
Ghaye, directeur de l'exploitation de la rue Jean de Wilde,
Gustave Francotte, étudiant,
Ghilain, consul du Mexique à Liège,
Wagner, étudiant à Liège.

Avaient fait excuser leur absence, M. J.Libert, président et MM. Marcellin
Boule (Paris), H. Breuil, (Paris), Lorié (Utrecht).

A l'entrée de la sablière de la rue Jean de Wilde, Marcel De Puydt présente
à la Société M. le géomètre A. Ghaye, directeur de l'exploitation, lequel
a bien voulu faire exécuter les ouvrages nécessaires pour permettre de
circuler aux divers endroits de la carrière.

Arrivés au centre des travaux, les directeurs de l'excursion donnent la
parole à M. Marcel De Puydt, pour donner quelques renseignements sur la
situation de la carrière.

M. Marcel de Puydt s'est exprimé en ces termes:

Comme M. le professeur Max Lohest vous l'a dit, ce matin, nous sommes ici
au point le plus élevé du territoire de Liège, à 300 mètres de la commune
de Rocour, dans la propriété Decroissant-Fraikin. La carrière appartient
à la firme Veuve L.Dupont et A.Ghaye; entrepreneurs et propriétaire ont
droit à tous nos remercîments pour avoir facilité nos recherches et
constatations.

Carrière de sable. - Les ouvrages pour l'enlèvement des terres et
l'exploitation ont commencé en mars 1905. La découverte de M. V.Commont,
notre savant collègue, que nous sommes si heureux de voir aujourd'hui parmi
nous, date du 22 septembre dernier, et les nôtres concordent avec les
fouilles entreprises à partir de novembre 1911. A ce moment, l'exploitation
du sable était déjà terminée pour près des trois quarts. La périmètre de la
carrière est indiqué par les lettres C, D, E, F, G, H, C au plan, fig. 1,
dressé à l'échelle cadastrale.

Etendue du gisement paléolithique. - Au point de vue archéologique, nous
n'avons donc en place qu'une partie des produits qui auraient dû être
recueillis; néanmoins, les limons ont pu être visités d'une façon continue,
vers l'Ouest, sur une étendue de plus de septante mètres de longueur.

Coupes et niveaux des terrains. - D'après les données d'un plan
obligeamment dressé par M. le géomètre Ghaye, exploitant de la sablière,
nous avons des renseignements exacts à la date du 17 décembre 1911, sur
l'épaisseur des limons recouvrant les sables.

La coupe est prise suivant le profil A B du plan (fig. 1), dressé à
l'échelle cadastrale. D'utre part, les côtes de niveau, vu leur importance
en l'espèce, ont été fixées sur les lieux par le chef du service
topographiquèe de la Ville de Liège, M. Arnold Bodson, grâce à la
bienveillance de M. le bourgmestre Gustave Kleyer.

De l'examen d'un plan que j'ai préparé en vue du Mémoire destiné à
l'Institut Archéologique Liègeois, résultent les faits suivants (1):

(1) La coupe, fig. 2, est la réduction du plan présenté à la Société par
Marcel De Puydt, plan à l'échelle de un centimètre par mètre, indiquant
la position des divers cailloutis au graviers avec silex taillés
découverts par lui, in situ, dans les limons.

1 Le sol cultivé incline vers le Sud et la vallée de la Meuse avec une
pente uniforme de 1m25 sur une longueur de soixante mètres.

L'altitude la plus forte au-dessus du niveau de la mer est de 200m43.

Au-dessus du niveau normal de la Meuse, entre l'écluse de la Fonderie des
canons et celle de l'Evèche de Liège, l'altitude la plus élevée du sol vers
le Nord et le point A sera donc de: 200m49 - 59m25 = 141m81.

2 Par contre, les sables, à partir de leur point culminant, à la côté de
194m08, inclinent vers Rocour et la Hesbaye avec une pente variable,
donnant sur une longueur de 49m15 une différence de niveau vers le Nord
ou le point a de: 194m08 - 191m33 = 3m75.

Ceci à la date du 17 décembre 1911, mais les puits de sondages ouverts au
centre de la carrière avaient révelé deux chiffres à retenir: le puits
marqué L au plan cadastral, fig. 1, a rencontré le sable à une profondeur
de 3m90 et le puits M à 3m20 seulement. De telle sorte que le milieu actuel
de la sablière correspond sensiblement à la plus haute crête des sables
avant leur exploitation.

Epaisseur des limons - La terre végétale est calculée, suivant l'usage,
pour 0m50.

La terre à briques, exploitée sur une profondeur uniforme de deux mètres a,
en réalité, une épaisseur moins constante, variant de 1m85 à 2m,40.

La terre "douce" grisâtre, facilement reconnaissable et dite terre de
fonderie dans le langage local, ne formait pas un niveau uniforme à
l'emplacement de la coupe A B et son maximum d'épaisseur, d'après M. Ghaye,
géomètre et exploitant, était d'environ 0m45. Cette terre, appelée aussi
en wallon Tchiff-térre ou Leùsse térre, existait sur une plus forte
épaisseur en d'autres points de la carrière.

L'ensemble des terres ou limons recouvrant les sables donne donc une
épaisseur maximum de 9m10 et minimum de 5m37.

Quant aux couches de sable, leur plus grande puissance a été, d'après un
puits de sondage aujourd'hui disparu et renseigné par M. le géomètre Ghaye,
de 13m20.

Gisements archéologiques. - Les observations communiquées à
M. le professeur Max Lohest et à la Société, le 17 décembre 1911, ont été
confirmées dans leur ensemble par les constatations postérieures faites,
chaque jour, au cours des travaux de terrassement.

Les silex taillés ont continué à être recueillis de trois façons
différentes dans les milieux qu'il importe de distinguer.

A) Dans le gravier ou cailloutis de base reposant sur le sable. C'est le
gisement de beaucoup le plus important, exploré sur une longueur de
quarante mètres suivant les indications de la coupe du 17 décembre 1911.

Il conservera le nom de Niveau inférieur dans toutes les études de
l'avenir.

B) Dans de minces lits de graviers ou cailloutis traversant les limons,
à des hauteurs variables. vers le bas et le point A de la coupe, il y avait
quatre cailloutis silexifères superposés au-dessus du Niveau inférieur.

C) Epars dans les limons; les silex taillés se trouvent aussi en nombre
variable, quelquefois isolés, quelquefois réunis absolument comme les
petits cailloux roulés (1) qui parsèment le limon.

(1) Nous disons "petits cailloux" parce que seul le cailloutis inférieur a
fourni des échantillons assez volumineux, notamment le curieux
spéciment recueilli en place par nous-même et pesant 1kg365. D'autre
part, un bloc de grès brisé en deux a été trouvé à environ trois mètres
de profondeur. Son poids est de 1kg335. Ces pièces ne portent pas
trace d'utilisation par l'homme.

En dehors des lentilles de gravier ou cailloutis, rappelons, en terminant,
que les recherches archéologiques étaient parfois fort ingrates. Il nous
e'st arrivé de calculer que sur septante mètres cubes en place, il n'y
avait pas cinquante éclats de silex. D'autres blocs de limon étaient à peu
près stériles.

Quant à la terre à briques, les échantillons de silex taillés recueillis en
place y sont même rarissimes et leur âge est douteux.

Notons enfin l'absence complète jusqu'aujourd'hui, de tout débri quelconque
de cornes, d'os ou même de bois brûlé et, cependant, les éclats de
dégagements et l'outillage prouvent, à l'évidence, que nous sommes, ici, en
présence d'une ou de plusieurs stations paléolitiques où l'on a taillé le
silex sur place, ceci dit au moins pour le Niveau inférieur.

L'examen des roches employées est de plus intéressant, mais le moment n'est
pas venu d'en parler; même observation au sujet des diverses patines du
silex. Ces études se poursuivront d'accord avec mes collaborateurs, Jean
Servais, conservateur de l'Institut Archéologique Liègeois, et J. Hamal-
Nandrin, conservateur-adjoint.


Telles sont les constatations qu'il nous a paru utile de vous communiquer,
parce qu'elles intéressent à la fois la Géologie et l'Archéologie.

M. A.Rutot - Maintenant que j'ai vu la coupe de Ste-Walburge dans laquelle
les silex taillés et les nombreux éclats de taille non ou peu utilisés,
indices de l'existence d'un atelier, ont été découverts, je me sens à même
de donner un avis valable.

Je vois nettement dans la coupe une superposition du limon brabantien, en
grande partie décalcarisé par l'action des eaux d'infiltration, avec faible
cailloutis irrégulier à la base, reposant sur une assez forte épaisseur de
limon argileux, panaché de brun et de gris, qui appartient à mon Hesbayen.

Ce Hesbayen repose à son tour sur un cailloutis très ondulé, assez épais,
formé surtout de quartz et de grès blanchi et altéré, s'étendant à son tour
sur les sables de l'Oligocène supérieur.

Le limon hesbayen présente ici une particularité qui ne se rencontre que
lorsqu'il est adossé à une pente sensible, c'est-à-dire qu'il est traversé
horizontalement par des traînées de cailloux et de sable, résultat de
petits éboulements partis de la pente et venant rompre la régulartié
ordinaire du dépôt.

Les lits caillouteux renfermés dans la masse du Hesbayen constituent donc
de petits accidents, dus à de faibles glissements d'éléments du cailloutis
de base, sous-jacent, mais qui recouvrait aussi le point culminant des
sables tertiaires.

Ce cailloutis de base est loin d'occuper sa position orginaire.

Sa première place était tout au sommet des sables tertiaires et il était
recouvert d'une couche d'argile grise que je synchronise avec l'argile de
Tegelen (Poederlien supérieur).

A la fin du Pliocène, ce cailloutis originel a été bouleversé lors de
l'ébauche du creusement des vallées, alors que les eaux superficielles,
coulant à l'état sauvage à la surface du plateau, dénudaient presque
complètement celui-ci par l'entrelacement de leurs capricieux méandres
toujours changeants.

Le sable fin étant entraîné, le cailloutis disloqué fit une descente
verticale et vint former le cailloutis d'âge pliocène supérieur de la haute
terrasse de la vallée.

Ce n'est que fort longtemps après, qu'une petite tribu paléolithique que
je date de l'Acheuléen, vint s'installer sur le cailloutis, vers le point
culminant du plateau.

Pour quelle raison une famille de paléolitiques vint-elle occuper, d'une
manière absolument anormale, ce sommet ? (1).

(1) On sait que les trois conditions vitales de l'existence des tribus de
la pierre soit utilisée, soit taillée, sont: 1 proximité immédiate de
l'eau, 2 présence rapprochée de matière première utilisable à la
confection de l'outillage, 3 présence de vastes territoires de chasse.
Or, dès le commencement du Paléolitique, les vallées étant complètement
creusées, il est anormal de voir s'établir des familles à grande
hauteur au-dessus du niveau du cours d'eau.

Dans ma manière de voir, qui admet la réalité de la grande crue hesbayenne
telle que je l'ai déjà souvent décrite, crue dont j'avais évalué
l'amplitude verticale à environ 130 mètres, l'explication est à la fois
simple et naturelle.

A la fin des petites crues campiniennes, une tribu acheuléenne est d'abord
venue s'installer au bord de la Meuse, sur la basse terasse (5à 10m),
c'est-à-dire à quelques mètres au-dessus du niveau des eaux, avec gisements
de silex à proximité et territoire de chasse sur les versants (1).

(1) On voudra bien se rappeler que prenant pour zéro la cote moyenne du
niveau d'eau dans une vallée de Belgique, on trouve, en partént du bas:
une basse terrassse s'élevant de 5 à 10m. au-dessus du niveau de l'eau,
une pente rapide, une moyenne terrasse, s'élevant de 30 à 65m, une
nouvelle partie rapide, une haute terrasse, s'élevant de 100 à 130m
environ. Ce n'est qu'au-dessus de 130 à 140m que commence le haut
plateau. A Ste-Walburge on se trouve donc précisément à la limite de la
haute terrasse et du haut plateau.

Alors survint la grande crue hesbayenne.

Les eaux montant, la famille se réfugia sur la pente et s'installa sans
doute momentanément sur la moyenne terrasse (de 30 à 65m) s'y croyant à
l'abri.

Mais les eaux du lac hesbayen montaient toujours, les malheureux
paléolithiques les précédèrent et occupèrent enfin le sommet du versant
correspondant au point le plus haut de la haute terrasse (100 à 135m)
comptant bien y être définitivement en sûreté.

Vain espoir, leur dernier refuge fut submergé sans fuite possible, car il
n'existait aucun point plus élevé sur la rive gauche où il se trouvaient.

Les eaux recouvrant la haute terrasse amollirent le sol, le clapotis des
eaux disloqua le cailloutis de la haute terrasse recouverte des débris et
des éclats résultant de la taille du silex pendant l'occupation temporaire,
des coulages, des déplacements s'opérèrent sur les pentes, malaxant les
silex, d'abord en surface, avec les matériaux du cailloutis déplacé et les
incorporant dans la masse; enfin, la crue terminée et les eaux étales, le
limon argileux, tenu en suspension, se déposa, étendant son immense manteau
boueux sur toutes les altitudes inférieures à environ 135 mètres dans les
vallées et dans les plaines.

Mais pendant ce dépôt, les éléments du sommet du versant subirent de petits
glissements, des paquets de cailloutis renfermant des silex taillés vinrent
s'étaler à divers niveaux dans la couche de limon hesbayen en formation et
ce sont ces paquets caillouteux avec silex que nous retrouvons, de nos
jours, en traînées irrégulières dans la masse fine et argileuse du limon.

En admetant que la tribu paléolitique soit arrivée sur la basse terrasse de
la Meuse en pleine période de l'Acheuléen inférieur, ses descendants se
sont donc vus forcés de reculer devant l'envahissement des eaux en
remontant la pente, si bien qu'arrivés au sommet, le stade industriel avait
déjà évolué pour se rapprocher du facies Acheuléen II qui se roncentre déjà
typiquement dans le "limon fendillé", strate la plus supérieure, avec le
limon tourbeux, de l'ensemble que j'appelle "limon hesbayen".

M. Commont date l'industrie de Ste-Walburge comme "vieux Moustérien" qui
peut s'étendre comme "fin de l'Acheuléen II"; de mon côté, je la date
"commencement de l'Acheuléen II"; la divergence n'est donc pas bien grande,
mais je tiens à mon opinion:

1 parce que l'industrie de Ste-Walburge se trouvant nettement en rapports
directs avec le limon hesbayen, ne peut être qu'Acheuléenne;

2 parce que mon interprétation explique clairement la position
certainement anormale de cette industrie paléolitique.

En réalité, il a dû se passer, sur l'îlot de Ste-Walburge, dernier refuge,
prêt à être submergé à la fin de la crue hesbayenne, la scène classique que
les peintres et les sculpteurs ont tant de fois reproduite comme
se rapportant au déluge biblique.


M. G.Velge, qui n'aviat pas assisté à la Séance du matin, déclare que la
coupe qu'il a sous les yeux, ne ressemble pas à celles qu'il a vues
ailleurs dans le limon hesbayen de la Hesbaye.

M. Lohest attire l'attention sur cette déclaration de M. Velge.

M. Rutot ne saisit pas la portée de l'observation de M. Velge. En effet,
selon que l'on se trouve en un point ou en un autre de la Hesbaye, on peut
se trouver en présence d'une coupe où le limon brabantien est seul ou
domine, tandis qu'un peu plus loin c'est le limon hesbayen qui est visible.
Il n'y a donc rien d'étonnant, alors que l'on peut être en présence, soit
du limon brabantien, soit du limon hesbayen, soit encore d'une
superposition des deux, à ce que l'on ne rencontre pas partour le même
facies limoneux.

M. W.C.Klein montre qu'en un point de la coupe de nombreuses poupées
calcaires, atteignant rarement un centimètre de longueur, se trouvent avec
les petits cailloux de la base du limon supérieur fin et calcareux que
M. Rutot considère comme son Brabantien typique.

M. Fraipont rappelle que jusqu'à ce moment aucune poupée calcaire n'avait
été rencontrée en aucun point de la coupe; l'observation de M. Klein est
donc intéressante et nouvelle.

M. Rutot fait remarquer que ces poupées occupent ici la position où il les
rencontre habituellement en Belgique, lorsqu'elles existent.


SABLI+RE DE LA RUE JEAN DE WILDE (après-midi)

M. Commont interprète la coupe ainsi qu'il suit:

Voici les subdivisions de cette coupe que nous avons notées:

A'. Sol végétal et limon de lavage.
A. Terre à brique quaternaire résultant de l'altération du dépôt sous-
jacent.
B. Limon jaune pâle doux au toucher, peu calcareux, sans fragments de
silex dans la masse, renfermant de très petites poupées calcaires vers
la base (terre douce des ouvriers).
c. Très faible cailloutis de roches diverses roulées dans lequel nous
avons trouvé en place, en septembre 1911, 2 éclats de silex à patine
blanche de facture moustérienne.
d. Zone de limon brun tourbeux, gris cendré pulvérulent, ayant en certains
points 0m20 d'épaisseur, localisée sur la partie nord de la coupe
renfermant également des silex taillés d'apparence moustérienne.
e.f.Limon roux constitué par du sable argileux très compact moucheté de
points noirs (fer et manganèse) et paraissant légèrement altéré et plus
rouge à la partie supérieure (e).
Ce dépôt, qui renferme surtout vers la base de nombreux fragments de
silex anguleux, ressemble beaucoup à notre limon des hauts plateaux de
la Picardie, appelé bief par les cultivateurs, résultant en grande
partie du lavage de l'argile à silex. Parfois les taches noires
s'allongent verticalement ou obnliquement comme des trainées de
racines. Des strates sableuses s'observent surtout à la base.
c1. Cailloutis plus marqué que c.
g. Limon roux panaché de glaise grisâtre qui nous parait résulter de
l'érosion des couches argileuses couronnant autrefois les sables
oligocènes sous-jacents.

Le cailloutis c1 ravine le limon panaché et vient se confondre avec le
cailloutis c2 reposant sur les sables oligocènes.

C2 cailloutis plus important, 0m30 d'epaisseur maximum, formé de fragments
de quartz roulés, de galets pliocènes, etc.

Les rognons de silex trouvés dans le cailloutis nous paraissent apportés
par les hommes paléolithiques, car la craie à silex affleure à une niveau
inférieur.

M. Marcel de Puydt nous a fait constater que des silex taillés avaient été
trouvés dans les cailloutis c1 et c2, mais qu'ils étaient plus abondants
vers le point où les deux cailloutis se confondent. D'autre part, il a été
trouvé des silex taillés dans le limon lui même, ainsi que dans le limon
tourbeux d.

Nous avons examiné ces trouvailles mais nous ne pouvons nous prononcer
d'une manière définitive à leur égard.

Théoriquement, le limon e.f.g., véritable hesbayen, correspondrait à un
löss ancien et, par suite, l'industrie trouvée à la base serait
acheuléenne; mais l'ensemble trouvé jusqu'à ce jour (pointes notamment) a
un faciès moustérien archaïque.

Cependant il existe des éclats présentant diverses patines et quelques uns
paraissent plus anciens, de même qu'un très petit coup de poing à patine
rousse aux arètes usées.

Les petits coups de poing trouvés ne sont pas suffisamment caractéristiques
et peuvent être moustériens; cependant la pointe brisée d'un instrument
semble bien indiquer un type acheuléen.

Mais il est préférable d'attendre pour être fixé plus exactement que des
types plus caractéristiques aient été récoltés.

Il est certain que les cailloutis de base du limon hesbayen ne peuvent être
assimilés comme âge à des alluvions de la Meuse plus anciennes que celles
de la haute terrasse situées à une altitude inférieure à la sablière de la
rue Jean de Wilde.

Ce sont des formations de ruissellement, les lits des petits ruisselets
conduisant les eaux pluviales à des ravinements plus importants qui
allaient déverser leurs eux à la Meuse.

Le limon hesbayen a été formé postérieurement aux alluvions des haute et
moyenne terrasses.

Les hommes paléolithiques se sont installés sur cet îlot sableux oligocène
émergeant sur le plateau alors qu'il était beaucoup moins réduit
qu'aujourd'hui et couronné encore par les glaises vertes et noires terme
Ona de la carte géologique belge.

Les eaux pluviales arrêtées par cette couche imperméable formaient une
nappe d'eau donnant des sources dont le produit s'écoulait à la Meuse par
les ravins secs prenant naissance autour de ce bassin de réception.

Peu à peu le ruisellement a érodé ces glaises et le dépôt qui en est
résulté a constitué le limon panaché de base.

A la limite, et sur le pourtour de cet îlot sableux, la craie affleurant,
les paléolithiques allaient chercher à sa surface (argile à silex) la
matière première dont il avaient besoin pour la confection de leurs outils.

Nous avons comparé les débris de taille de cet atelier à ceux trouvés dans
les grottes de la Méhaigne et observé une certaine similitude dans le
débitage; cependant les éclats de Ste-Walburge sont en général plus petits;
cela peut provenir du fait que les tailleurs de silex étant obligés d'aller
chercher leur matière première en des points assez éloignés, l'utilisaient
plus complètement.

Mais il nous paraît certain que l'industrie de ce gisement est
chronologiquement voisine de celle des grottes de la Méhaigne (grotte de
l'Ermitage), qui touche elle même de très près au moustérien ancien.

Aussi l'hypothèse d'une crue acheuléenne déposant ses limons à pareille
altitude, 130m au-dessus du thalweg actuel, ne peut guère être admise, les
Acheuléens de la Méhaigne habitant des grottes situées à quelques mètres
au-dessus du niveau de la vallée actuelle.

Rien ne saurait expliquer un déluge aussi formidable et si subit.

M. Jean Servais. - Nous regrettons, mon Collègue M. Hamal-Nandrin et moi,
de ne pouvoir partager l'opinion de M. Rutot qui croit à un atelier de
l'époque acheuléenne.

En vérité, le gisement a produit quelques outils du type acheuléen, entre
autres quelques très rares silex amygdaliïdes taillés sur les deux faces,
mais ceux-ci étaient accompagnés de plusieurs pointes finement taillées sur
les parties latérales et sur une seule face, outils connus de tous les
préhistoriens sous le nom de pointes moustériennes.

Il est possible qu'il existe, dans ce que nous avons appelé avec Marcel De
Puydt le niveau inférieur, un mélange d'industries, quoique, cependant, on
ait retrouve souvent des outils en amande dans les milieux moustériens.

Mais retournons la question: dans les gisements acheuléens, a-t-on jamais
rencontré des pointes moustériennes ?... J'entends des pointes
moustériennes typiques, semblables à celles qu'ont figurées Gabriel et
Adrien de Mortillet dans leur album préhistorique et à celles que notre
collègue, M. Hamal-Nandrin, a recueillies, sous nos yeux, dans le gisement
de Liège-Sainte-Walburge.

De rares silex, à cause de leur facies, pourraient, pris isolément, être
rapportés à la période acheuléenne; mais, pour cela, il faudrait faire
abstraction de la survivance bien connue de certains types anciens dans les
industries plus récentes (1).

(1) Il a éte recueilli, notamment dans la grotte de Spy, dont le niveau
inférieur a été rapporté au Moustérien, quelques haches en amande du
type acheuléen. Notre collègue M. Hamel-Nandrin, possède une de
celles-ci trouvée avec un magnifique burin aurignacien et deux
grattoirs carénés typiques. Ces pièces ont la même patine blanche
et lustrée.

La grande majorité des pièces sont du type moutérien, vient de nous
déclarer M. Commont, une autorité incontestée.

Nous croyons donc pouvoir conclure que ce gisement paléolithique de
Sainte-Walburge, dans son ensemble, est non acheuléen, mais en très grande
partie moustérien.

De nouvelles découvertes inattendues pourraient modifier notre jugement.


Prof. Dr Hugo Obermaier. - Ce que nous voyons ici comme stratigraphie est
au fond très simple.

Il y a, en haut, de la terre à briques; ensuite un limon doux qui corespond
très probablement au löss récent et doit être, pour moi, de formation
plutôt éolienne.

En bas, une couche d'environ cinq à six mètres de limon. Ce dernier limon
n'est pas, pour moi, un niveau déterminé, mais bien une formation due au
ruissellement, formation à laquelle, certainement, est venue se mêler une
certaine quantité de löss ancien de formation éolienne.

Nous sommes donc, ici, en présence d'un facies géologique très variable,
dont l'âge ne peut être déterminé ou fixé que par l'industrie archéologique
que les limons ou cailloutis renferment.

Ces industries sont, pour M. Rutot: en bas, de l'Acheuléen inférieur et
vers le haut du Moustérien.

Pour moi, et après examen approfondi de toute la collection réunie à ce
jour par MM. De Puydt, Hamal-Nandrin et Jean Servais, j'ai la conviction
qu'il y a seulement du Moustérien avec quelques traces acheuléennes dans le
niveau inférieur.

Les silex recueillis en place jusqu'à ce jour, au dessus du niveau
inférieur, dans le limon ou les minces cailloutis, se rattachent tous à
l'industrie Moustérienne.

Et puisque les industries seules déterminent l'âge de ces dépôts de limons,
je regrette beaucoup qu'il y ait de la part de M. Rutot et de son école,
des interprétations si différentes de celles admises dans les milieux de
spécialistes, en France et ailleurs.

Ce que M. Rutot appelle, en Belgique, chelléen, correspond ordinairement à
ce que nous appelons Acheuléen inférieur ou quelque fois même moyen. Son
Aurignacien inférieur est, pour nous, partout, du Moustérien; par exemple,
le gisement de Spy (3me niveau ossifère) et le gisement de Krapina
(Croatie).

Aux points de vue géologique ou archéologique, il y a de telles divergences
entre les opinions de M. Rutot et les miennes qu'un accord est actuellement
impossible.

Quant à la grande crue qui aurait dû, d'après M. Rutot, faire monter les
eaux à la côte 200, a-t-elle pu exister encore à l'époque Moustérienne?

Ce n'est nullement mon avis, le Moustérien étant bien postérieur à la plus
grande extension des glaciers du Nord.

Et, si la crue avait existé, l'épaisseur des glaces, en Hollande, aurait
déjà été relativement faible et les eaux des fleuves augmentées de celles
de la fonte des glaces, auraient cherché des issues ou écoulements vers la
mer, le long des glaces, sans transformer l'intérieur des terres en une mer
immense, d'une profondeur bien plus considérable que celle de la mer
Baltique ou de la mer du Nord actuelle.

Le sol de la Belgique, dit M. Rutot, était à l'époque de la soit-disant
grande crue hesbayenne, plus bas de 40 ou 50 mètres.

Je ne comprendrais la chose que si les différentes terrasses de la Meuse
montraient des traces de plissements ou d'interruptions stratigraphiques
que M. Rutot ne peut nous montrer.

La fixité du sol depuis l'époque Acheuléenne a, au surplus, été démontrée
et rappelée, ce matin, par MM. Max Lohest et C. Fraipont, au sujet des
grottes de Modave et de la vallée de la Méhaigne.

M. Marcel De Puydt, en présence des divergences d'opinions énoncées sur
l'industrie, déclare qu'il conserve son impression première: le Moustérien
caractérise les produits recueillis jusqu'à ce jour dans la sablière de
Liège, mais il serait téméraire d'arrêter une opinion définitive avant la
fin des fouilles, et il s'inclinera volontiers devant des faits nouveaux.

Il est certain, d'autre part, que le Niveau inférieur renferme des pièces
se rattachant ou pouvant se rattacher à l'industrie acheuléenne. Si même on
y découvrait des instruments acheuléens aussi typiques que celui mis au
jour sous huit mètres de limon, rue de l'Académie, à Liège, la chose
n'aurait rien de surprenant et il n'en resterait pas moins vrai que le
limon recouvrant le cailloutis de base date du moustérien et non d'une
époque antérieure. Si un trésor numismatique renferme, en effet, des pièces
de dates différentes, son enfouissement ne peut être antérieur à la date de
la monnaie la plus récente. Il en est de même du limon hesbayen venant
enfouir les outils en silex que nous recueillons aujourd'hui. Pourqoui,
même sur le sable ou dans le cailloutis inférieur, ne pourrait-on aussi
découvrir, ici, un outil chelléen comme celui de Tilff, ou du Mesvinien ?

Lorsque nos recherches collectives seront terminées, ajoute Marcel De
Puydt, tout leur produit lithique pourra être étudié et exposé à la Maison
Curtius.

Et l'Institut Archéolotique Liégeois serait fier de les montrer dans leur
ensemble à la Société de Géologie de Belgique, si cette dernière voulait
bien lui faire l'honneur d'une visite, par exemple, après votre séance de
janvier 1913.

Ce serait un modeste mais agréable anniversaire de la mémorable excursion
de ce jour, en la carrière de la rue Jean de Wilde, qui pourrait aussi
porter la denomination de Liége-Ste-Walburge.

M. Rutot considérant le niveau de base comme acheuléen relativement ancien,
M. Fraipont lui présente une sorte de lame portant à sa base la retouche
dite moustérienne et lui demande si une telle pièce peut être considérée
comme acheuléenne. M. Rutot déclare que cette pièce pouvant être aussi
bien acheuléenne que moustérienne est de nulle valeur au point de vue
caractéristique. M. V.Commont (d'Amiens) fait remarquer que des lames
telles que celle présentée par M. Fraipont, se rencontrent dans la
proportion d'environ une pour cinq cents dans l'acheuléen. M. Fraipont
constate qu'ici les lames de ce type dépassent la proportion d'une pour
cinquante; en tous cas les pièces typiquement acheuléennes sont de plus
exceptionnelles ici, c'est ce qu'il voulait démontrer, il considère donc
avec MM. Commont, Obermaier, De Puydt, Hamal et Servias, le niveau de base
de la coupe comme moustérien.

M. Michel Mourlon signale qu'à la séance du 21 janvier 1908 de la Société
belge de géologie, il a annoncé la découverte de mammouth dans un limon
qu'il considère comme du brabantien éolien au sud et près de Freeren (aux
environs de Tongres).

La coupe du quaternaire était la suivante:

Brabantien (q3n)

1. Limon brunâtre bigarré de grisâtre et rappelant parfois certain limon
des pentes (ale) 1m20.

2. Limon jaune pâle, calcarifère, homogène, friable, avec concrétions
calcaires (poupées), surtout vers le bas et présentant des parties un peu
plus foncées comme celle où a été rencontré le mammouth. (Ce niveau
correspond au limon clair calcarifère à poupées de la rue Jean de Wilde).
1m90.

3. Niveaux d'éclats de silex rappelant certains silex maestrichtien de la
région avec poupées calcaires.

Hesbayen (q3m)

4. Limon jaunâtre plus foncé, bigarré de grisâtre, calcarifère d'aspect
bien stratifié par place 1m90.

Moséen (q1m)

5. Cailloux roulés, puis vient le maestrichtien.

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Annales de la Sociéte géologique de Belgique. Liège,1912,Bulletin,t.XXXIX,
projet,séance du 19 mai,pp.282-288.

A propos des limons de la rue Jean de Wilde près de liége,

PAR

J.LORIE

En 1839 le diluvien fut distingué, pour la première fois en Belgique, par
A.-H. Dumont, toutefois, comme terme récent de l'échelle tertiaire, sous le
nom de "Système Campinien." Dix ans plus tard, il introduisit le terme de
quaternaire, considérant les dépôpts en question comme ayant plus ou moins
une importance égale à celle du primaire, du secondaire et du tertiaire.

Ces dernières années, il y a une tendance prononcée à revenir de cette
exagération, tendance à laquelle je me joint de tout mon coeur, de sorte
que je ne me servirai plus du mot "quaternaire", mais de "pléistocène",
comme terme le plus récent du tertiaire.

Pendant assez longtemps on considérait le diluvien comme unité, en Belgique
et dans d'autres pays non glaciés, plus ou moins l'équivalent de ce que
nous appellons aujourd'hui "haute terrasse". La "basse terrasse" fut
considérée comme alluviale; quelques dépôts fluviatiles, plus élevés et
plus anciens que la haute terasse, furent classés dans le pliocène.

Mais, déjà en 1855, commencèrent les attaques contre cette unité du
pléistocène, par la découverte faite par nous dans la vallée de la Drance,
d'un dépôt de gravier stratifié, d'une épaisseur de 45 mètres, reposant sur
et surmonté par des erratiques et des cailloux, portant des stries
glaciaires. Ce fait cependant pouvait être suffisamment expliqué en
admettant une oscillation des glaciers alpins.

En 1865, le grand paléobotaniste, Oswald Heer, parle pour la première fois
de "couches interglaciaires," qu'il ne pouvait plus expliquer par une
simple oscillation, mais seulement par une véritable répétition du
phénomène glaciaire.

Douze ans plus tard, en 1877, Hinde décrivit, dans l'Amérique du Nord, un
superbe profil, qui montrait trois différents dépôts glaciaires séparés par
deux dépôts interglaciaires. Cette répartition fut encore admise par Penck
dans son premier grand travail classique de 1882, "Die Bergletscherung der
deutschen Alpen."

Toutefois, les découvertes se succédèrent et le même auteur avec son
collègue, M. E.Brückner, distingèrent dans leur grand travail commun "Die
Alpen im Eiszeitalter," terminé en 1909, non moins de quatre épisodes
glaciaires, séparées par trois épisodes interglaciaires, que je veux nommer
par la suite: Gj, JI, FII, JII, GIII, JIII et GIV.

Dans l'Allemagne du Nord, médiocrement accidentée, on n'en est pas encore
aussi bien que dans les Alpes, où les coupes sont naturellement plus
abondantes. On n'y distingue, en général, que deux dépôts glaciaires,
probablement GIII et GIV, tandis qu'en quelques points, on a atteint par
des sondages, un trosième glaciaire.

On voit donc, que par suite des découvertes successives, le diluviom s'est
montré d'une nature plus compliquée qu'on ne le croyait auparavant.
Pourtant, c'est un phénomène important et grandiose qui mérite d'être
laissé en son entier et séparé de l'époque pliocène, d'une nature calme et
tempérée. Je continue, avec la majorité des géologues, à considérer
"diluvium" comme identique avec "pléistocène" et il me paraît parfaitement
illogique de la partager en deux et de distinger un "diluviom pliocène"
d'un "diluvium pléistocène".

Au début de mes études du Pléistocène, il y a un quart de siècle, je partis
de la thèse que l'allure des changements de climat dans les Alpes et dans
l'Allemagne du Nord, devait être la même en général, et c'est encore ma
manière de voir. Or, dans les Alpes, l'avant-dernière estension des
glaciers, GIII, était en rapport intime avec les hautes terrasses, et
notablement plus importante que la dernière, GII, associée avec les basses
terrasses. Ensuite, le long du bas Rhin, la terrasse la plus importante
s'élève de 54 à 136 mètres au-dessus de la rivière et est en continuité
directe avec le grand cône de déjection, qui forme la surface collineuse
des provinces d'Utrecht, de Gueldre et d'Overyssel. Je la considérais comme
équivalent de la haute terrasse dans les Alpes et en tirais la conséquence
que le principal dépôt de gravier avait eu lieu également dang DIII.
Toutefois, quelques géologues allemands, MM. Kaiser et Fliegel
principalement, étaient de l'avis que ce dépôt de gravier avait eu lieu
dans un épisode glaciaire antérieur (GII) à celui de la principale
extension des glaciers scandinaves (GIII). Une discussion régulière n'eut
jamais lieu: un parti prétendit ceci, un autre parti cela, de même qu'en
Belgique. Toutefois, dans ces dernières années, j'ai acquis la conviction
que je dois abondonner ma manière de voir primitive, que la soi-disant
haute terrasse du bas Rhin n'est pas l'équivalent de la haute terrasse dans
les Alpes et qu'il vaut mieux lui donner le nom plus neutre de "terrasse
principale". La haute terrasse des Alpes aurait son équivalent plutôt dans
la moyenne terrasse du bas Rhin et les basses terrasses des deux côtés
seraient synchroniques.

Je suis arrivé à cette conclusion, parce que je me vis forcé d'admettre
que le creusement principal de la vallée du Rhin avait eu lieu avant
l'envahissement de la glace scandinave, par conséquent pendant le deuxième
interglaciaire, J". Or, ce creusement étant beaucoup plus important que
celui effectué entre la moyenne et la basse terrasse (70-120 mètres contre
10), nous l'avons attribué en majeure partie à un abaissement du niveau de
base, l'extension de la Mer du Nord vers le sud.

Fort probablement la Meuse et le Rhin ont subi les mêmes variations de crue
et de baisse, d'où suit que la terrasse principale de la première a été
également édifiée dans G", le creusement principal de la vallée dans
l'interglaciaire suivant J".
En réalité, il y a donc un assez bon accord sur ce point entre M. Rutot et
moi. Il place les deux premiers épisodes glaciaires dans le Pliocène, le
principal creusement à la fin du Pliocène, par conséquent également entre
G" et G"'.

Mais un désaccord fondamental existe entre nous deux, quant à la déposition
du loess (1), aussi bien qu'à l'égard du sable flandrien. J'ai traité de ce
dernier dans mon récent travail, "Le Diluvium de l'Escaut", paru dans le
bulletin de la Société de Géologie, de Paléontologie et d'Hydrologie, XXIV,
de 1910. J'y ai combattu l'hypothétique "Crue flandrienne" ou "Transgres-
sion marine flandrienne", et je suis arrivé (page 379) à la conclusion "que
toute cette inondation peut être renvoyée à l'empire des chimères". Il va
sans dire que j'étais plus que sceptique à l'égard des autres crues
hypothétiques, écrivant (1.c.page 355): "On pourra se mettre à la tâche de
faire disparaître de la littérature toutes ces inondations colossales,
préconisées par M. Rutot."

(1) Le terme de "loess" ou "löss" étant employé en France, en Angleterre et
en Amérique aussi bien qu'en Allemagne, je crois que mes confrères
belges feront bien de suivre cet exemple et d'abandonner le terme de
"Limon Hesbayen". Les termes locaux en géologie sont excellents au
début, quand on n'a pas encore fait de comparaisons avec les pays
voisins, mais doivent, à la longue, céder leur place aux termes
internationaux.

C'était un voeu, mais je doutai fort qu'il s'accomplit et que ce rêve
deviendrait réalité en moins de deux années et que mon attaque serait
suivie par une autre, aussi magistrale que celle de MM. Lohest et Fraipont,
contre la prétendue crue hesbayenne (Annales de la Société géologique de
Belgique, XXXIX, pages B146-B155). Réellement je ne sais comment on
pourrait exposer ces vues plus clairement et avec plus de précision.

En géologie, les hypothèses sont indispensables sans doute, mais, avant
d'en publier une, il faut se demander consciencieusement si elle est
possible et tenable. Et il me semble qu'un pareil examen n'a jamais eu lieu
pour l'hypothèse de la crue hesbayenne de 130 mètres. On peut objecter
qu'elle est une impossibilité physique, l'eau a dû avoir ses rives, dont on
n'a trouvé des traces nulle art. Ces avec la plus grande raison que
M. Commont écrivit (Ann., XXXIX, B194): "Rien ne saurait expliquer un
déluge aussi formidable et si subit."

Mais cette "impossibilité physique" disparaîtrait, si l'on reculait la crue
hesbayenne jusqu'avant le principal creusement de la vallée de la Meuse et
la rapprochait du temps du dépôt des graviers du Sart-Tilman et d'Ans. De
cette manière, l'hypothèse ne serait pas un enfant mort-né mais une chose
sérieuse et discutable.

Le grand dépôt de loess de la moyenne Belgique serait donc l'équivalent du
loess ancien, caractérisé en Allemagne par de très grandes poupées, jusqu'à
2 décim. et au-delà. Les limons de la rue Jean de Wilde seraient
notablement plus récents, ce qui n'est pas un obstacle. Reste à étudier
leurs relations et transitions ou contacts.

A plusieurs reprises, on a inventé une crue semblable à celle que préconise
M. Rutot, également pour expliquer le dépôt du loess, et produite par un
barrage par la glace scandinave pléistocène, qui, réellement, a atteint le
Rhin, mais est restée à une distance respectable de la Meuse. J'ai tâche de
démontrer le peu de bien fondé de ce barrage dans un autre travail: "Le
Rhin et le glacier scandinave quaternaire" (Bulletin de la Société belge de
Géologie, de Paléontologie et d'Hydrologie, XVI, 1902). Le seul barrage
possible est celui de la Mer du Nord. En effet, on sait que la calotte
glaciaire a atteint l'Angleterre, mais on ne sait pas encore avec
certitude, si un lac gigantesque en a été la conséquence ou bien si l'eau
de fusion et celle des rivières ont pu s'écouler sous la glace.

Admettant la première alternative, on pourra supposer que l'eau de ce lac
s'est écoulée par le point le plus bas des rives, le Pas de Calais actuel,
qu'elle a érodé. Un abaissement du sol, survenu plus tard, aurait mis en
communication les mers des deux côtés. Mais il manque encore des recherches
spéciales dans cette direction.

Sans avoir fait d'études spéciales du loess, j'en ai pourtant visité un
certain nombre de bonnes coupes, surtout en Westphalie et dans la Province
Rhénane, qui m'ont fait acquérir quelques idées fondamentales. Aussi:

1 l'ergeron se décalcifié à la longue, mais il ne s'ensuit pas que toute
terre à briques ait été calcaire à l'origine;
2 le loess peut avoit été remanié plusieurs fois sans qu'on puisse le
distinguer du loess originel;
3 certaines roches peuvent contribuer à la formation du loess, il y en a
d'autres aussi qui en sont incapables.

On ne s'étonnera donc pas que je puis me rallier absolument à la manière de
voir de MM. M.Lohest et C.Fraipont à savoir que le limon de la rue Jean de
Wilde est un dépôt de ruissellement plus ou moins local. Le fait qu'il se
trouve actuellement au point le plus élevé de la rive gauche de la Meuse ne
me gêne aucunement; la dénudation a enlevé tant de couches, qu'il est
permis de supposer qu'il y a eu des points plus élévés près de notre
sablière, dont le ruissellement a pu entraîner des matériaux pour les
redéposer un peu plus loin.

J'ai visité moi-même la coupe de la rue Jean de Wilde le 16 Avril 1912 et y
ai bien vu la majeure partie des limons.

La terre à briques, B de la coupe, page B 147, avait bien l'apparence du
loess ordinaire de beaucoup de briqueteries et la stratification
irrégulière, peu distincte, qui rappelle la soie-moirée. Il me paraissait
contenir la majeure partie des cailloux.

Le limon moucheté était facilement distinguable, "les points noirs" ont
parfois une taille d'un centimètre, on peut en isoler la substance noire
sans trop de difficulté. Les taches noires me paraissaient être le résultat
de la pénétration de racines, dont j'en trouvai une en place; parfois il se
montre une petite couche noire, épaisse de 1-2 millimètres, rappellant une
ancienne surface humeuse (probablement J de la coupe).

J'aurais pris toute cette substance noire pour du charbon, si l'analyse
chimique, faite par M. Ch.Fraipont, n'avait démontré la composition de
ferro-manganèse. L'histoire est donc plus compliquée. On distingue le mieux
les points noirs, là où le limon est coupé par la bêche. En d'autres
points, le clivage naturel a produit une surface plus rude, qui montre bien
la stratification irrégulière en soie-moirée, déjà dans le limon B.

Le limon panaché, F., marbré de gris-clair et de brun, me paraissait devoir
sa coloration particulière également à la végétation, qui réduisit les
composés ferrugineux. Il contient également des points noirs et montre,
surtout à la base, mais aussi plus haut, de petites couches de sable;
contenant des cailloux.

Sur un point cependant je me permets d'être d'un autre avis que
MM. M.Lohest et C.Fraipont quand il disent (B. page 136).
"Cette coupe serait certainement considérée par les géologues qui
s'occupent du quaternaire, comme une coupe typique dans la terre à
briques".

Au contraire, elle diffère notablement de tout ce que j'ai vu de coupes
dans le loess et en ceci je me joindrais plutôt à M. Rutot (pages B 176,
177 et 178), où il écrivit: "Je viens de dire que les modes de formation
des couches limoneuses françaises et belges ne sont pas comparables et celà
est vrai, attendu que la disposition de ces couches est toute différente
dans les deux régions."

Que l'on se trouve dans la Belgique tertiaire, crétacée ou primaire, tout
ce qui se trouve à moins de 130m environ au-dessus du fond des vallées, est
recouvert de couches limoneuses épaisses.

Les couches de limon présentent, en gros, une homogénéité étonnante, car
nous voyons, autour de Bruxelles, à toute altitude et en parfaite
continuité, des couches de limon, atteignant parfois de 15 à 20 mètres
d'épaisseur, identiques à celle que l'on constate dans les autres régions
du pays. Pour ce qui me concerne, je ne puis en rien attribuer au
ruissellement les masses énormes de limon argileux qui embourbent
littéralement d'énormes plateaux élevés, qui ne sont dominés par aucune
altitude.

Ceci me rappelle, ce que feu mon regretté ami E.Delvaux me dit à la suite
de ses recherches.
"Il y a partout des limons, mais le loess n'existe pas". C'est exagéré
peut-être, mais il y a un grand fond de vrai et on pourra conserver le nom
de loess, non pour indiquer une roche bien déterminée, mais plutôt comme
nom collectif, tel que "lave", etc.

En tout cas il me semble que la Société Géologique a pris une superbe
mesure en commençant une étude approfondie de ce loess énigmatique par la
visite en commun de l'excellente coupe de la rue Jean de Wilde et je dois
me féliciter de ce qu'elle m'a témoigné l'honneur de me nommer membre
correspoondant et celà justement au moment où elle va recommencer l'étude
du Pléistocène, si difficile et si intéressant.
8 Mai 1912.

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Annales de la société géologique de Belgique. Liège,Bulletin,t.XXXIX,
projet,séance du 21 juillet 1912,pp.330-334.

Les silex ouvrés de la rue Jean De Wilde, à Liège,
sont de l'époque néolitique,

PAR
G. Velge.

Lorsqu'au mois de janvier dernier j'eus l'avantage de visiter avec la
Société géologique la belle sablière briqueterie de la rue Jean De Wilde
où MM. De Puydt et Commont venaient de découvrir dans le limon et jusque
huit mètres de profondeur, des silex qui avaient été taillés par l'homme
d'une époque antérieure à toutes les données historiques, je me suis engagé
à fournir aux aimables organisateurs de cette mémorable excursion une
petite note sur l'interprétation personnelle des faits observés, me
réservant toutefois de revenir préalablement à la belle saison examiner
l'énigme de Ste-Walburge en son contexte de la région circonvoisine.

C'est ce qui justifie la publication en apparence tardive, de ces quelques
lignes. Et d'abord je crois devoir résumer le débat et prendre acte de
quelques points sur lesquels un accord s'est à peu près établi. J'essaierai
ensuite de réfuter au moyen de preuves tangibles celle des différentes
théories limites qui m'a paru s'éloigner le plus de l'opinion moyenne
exprimée par la savante assemblée.

Tous les spécialistes présents ont déclaré que la plupart des silex de
forme déterminable, recueillis à ce jour dans la carrière Jean De Wilde
répondent au type moustérien et quelques-uns même, à cause de cela, y
retrouvent l'époque de Spy. Ce serait donc l'homme de Spy qui aurait laissé
ici les traces de son industrie.

Une seule voix s'élevba en faveur d'un âge plus ancien, l'âge acheuléen,
à cause de quelques instruments du type de ce nom, mêlés à ceux du type
moustérien. On a fait remarquer toutefois que le mélange d'outils de deux
âges différents ne peut s'être effectué qu'à l'époque la plus récente
des deux, c.-à-d. ici à l'époque moustérienne. Cette remarque est
rigoureusement logique à moins toutefois que l'on ne lui préfère cette
autre conclusion plus radicale, que le type dit moustérien et le type dit
acheuléen seraient d'une seule et même époque.

Quoi qu'il en soit, tous les visiteurs qui ont pris la parole semblaient
d'accord pour considTrer les silex comme palTolithiques et le gisement
lui-mOme comme remontant a l'Tpoque du mammouth.

A la solution acheulTenne, thToriquement basTe sur une inondation gTnTrale
survenue un certain temps aprFs le plissement et le creusement dTfinitifs
de la vallTe de la Meuse et aprFs que le fond de celle-ci eut dTja habitTe
par l'homme sur l'emplacement actuel de la Place St-Lambert, on a opposT
prTcisTment le gisement de Spy et les caveaux de la MThaigne et de Hoyoux,
argument sTrieux et difficielement rTfutable.

La thTorie de l'origine a attribuer au limon de la rue Jean De Wilde n'a
pas eu plus de succFs. L'imagination mOme la plus droite, se refuse en
effet a admettrre qu'un dTp(t incontestablement non marin, large de cent
mFtres et Tpais de huit mFtres, situT au point culminant de l'immense
plateau de la Hesbaye ait pu avoir TtT apportT la par une riviFre dont ni
le lit, ni la source, ni l'embouchure n'ont laissT de trace nulle part dans
tout le pays environnant.

Un seul des membres prTsents a proposT de dater le dTp(t d'une maniFre plus
ou moins prTcise. Pour lui, l'Tpoque moustTrienne et par consTquent le
limon de la rue Jean de Wilde seraient plus rTcents que la derniFre grande
extension des glaces du Nord.

Cela prouverait, me semble-t-il, qu'ils seraient donc plus rTcents que
le niveau a mammouth et que la partie infTrieure du quaternaire belge,
a laquelle pourtant on prTtendait jusqu'ici rattacher l'acheulTen.
L'hypothFse de l'origine palTolitique attribuTe au limon de la rue Jean De
Wilde ne s'impose donc pas par son Tvidence et mTrite un examen spTcial.

Voici maintenant un premier argument de fait que j'oppose aux
considTrations thToriques qui ont TtT dTveloppTes en faveur de l'acheulTen
de silex taillTs de la rue Jean de Wilde.

J'ai constatT que cette thTorie repose essentiellement sur une erreur
d'observation et comme telle on conviendra qu'elle ne saurait Otre
maintenue.

On voudra bien se rappeler que lorsque pour la premiFre fois furent
signalTs dans les tables tertiaires des plateaux qui environnent la ville
de LiFge le niveau fossilifFre de Boncelles, ceux-ci furent dTterminTs
comme oligocFnes supTrieurs ou boldTriens a cause de Cytherea Beyrichi,
prTtendvment caractTristique de l'oligocFne supTrieur d'Allemagne, mais en
rTalitT connue depuis longtemps dans l'oligocFne infTrieur de Louvain et du
Limbourg, sous un autre nom il est vrai, celui de Cytherea splendida,
MTsian.

Il y avait donc tout autant de probabilitTe pour que ces sables fussent
rupTliens infTrieurs plut(t que boldTriens. Mais dans le voisinage immTdiat
de la rue Jean De Wilde, entre autres aux carriFres d'Ans et de Rocour, o·
l'on exploite le mOme sable de Boncelles, celui-ci est surmontT d'une
argile tertiaire d'Gge jusqu'ici non dTterminT et qu'il semblait excusable
ou indiffTrent pour ce motif de rapporter provisoirement au niveau pliocFne
de l'argile de Tegelen.

Or c'est a un niveau de cailloux blancs de grFs et de quartz qui sTparerait
la dite argile du dit sable qu'il faudrait faire remonter par remaniement
l'origine du gravier base du limon de la rue Jean De Wilde suivant
l'argumentation de la thTorie acheulTenne.

M'Ttant donc rendu, il y a quelques jours, dans la grande sabliFre d'Ans,
comme dans celles de Rocour et de Hollogne, j'y ai trouvT, au contraire, un
passage insensible et par lits alternatifs du sable infTrieur a l'argile
supTrieure, sans interposition d'aucun cailloux, ce qui pour le dire en
passant prouve bien que cette argile doit Otre tenue pour oligocFne
elle-mOme. D'autre part comme dans l'oligocFne supTrieur ou le bolderien
il n'y a pas d'argile connue, mais qu'il y en a une trFs importante dans
l'oligocFne moyen, l'argile susdite de la carriFre d'Ans ne peut Otre que
l'argile de Boom et non celle de Tegelen, infiniment plus rTcente.

Il esixte des cailloux blancs trFs nombreux a la carriFre d'Ans, mais tous
indistinctement surmontent l'argile et ils y constituent comme dans tout le
pays de LiFge et dans le Limbourg la base du quaternaire a faune de
mammouth.

Ils ne pourraient donc avoir TtT remaniTs a l'Tpoque pliocFne et s'ils ont
TtT remaniTs postTrieurement a leur premier dTp(t, ils ne peuvent l'avoir
TtT qu'aprFs l'Tpoque du mammouth.

Mais il y a un deuxiFme argument de fait tout aussi important et aussi
typique dTcoulant la composition ordinaire du quaternaire de la Hesbaye et
en particulier des environs de LiTge, pour la dTtermination de l'Gge du
limon de la rue Jean De Wilde.

Il ne manque pas de belles coupes du terrain quaternaire dans les sabliFre
du voisinage et jusque dans les propriTtTs contigues au gisement a silex
taillTs.

Or malgrT certaines variations dans les dTtails on y trouve des caractFres
en quelque sorte constants.

Chaque fois que le quaternaire a quelque Tpaisseur on voit a la base un
banc de cailloux roulTs de 0m20 a un mFtre d'Tpaisseur et mOme d'avantage
surmontT de 1 a 3m de limon, plus ou moins sableux, en bandes horizontales
bien stratifiTes avec quelques cailloux Tpars et parfois des bancs minces
de cailloux.

Ce limon sableux et ordinairement non calcareux ou dTcalcarisT passe par le
haut a un limon trFs fin, non sableux et nettement calcareux pouvant avoir
plusieurs mFtres d'Tpaisseur et prTsentant tout l'aspect de l'ergeron des
environs de Bruxelles.

Tout au sommet sur 1m50 a 2m d'Tpaisseur, l'ergeron lui-mOme est
dTcalcarisT par suite de son contact avec l'air atmosphTrique et de
l'infiltration des eaux pluviales ce qui l'a fait passer a l'Ttat de terre
a briques.

Ces quatre facies successifs du quaternaire Ttaient trFs visibles il y a
quelques jours dans les fouilles d'une maison en constrution et dans une
deuxiFme briqueterie de la rue Jean De Wilde, sur le prolongement sud de la
grande coupe aux silex taillTs.

Outre cet ensemble de caractFres dTja trFs distincts, le quaternaire de
LiTge prTsente cette particularitT importante que ses cailloux sont en
quartz blanc ou en roches ardennaises avec quelques silex a l'Ttat
d'exception alors que ceux du quaternaire du Brabant se composent, presque
exclusivement de silex. Enfin l'ergeron de LiTge est souvent fossilifFre,
a Rocour notamment.

Si nous essayons de retrouver tous ces caractFres dans la coupe de la rue
Jean De Wilde, haute de plus de huit mFtres et assez Tpaisse par consTquent
pour que nous les trouvions tous rTunis, nous sommes frappTs de n'en
trouver nettement aucun. Sauf la couche d'altTration qui est au sommet et
se prTsente comme la terre a briques ordinaire, on n'y trouve ni ergeron,
ni limon stratifiT, ni fossiles, ni bancs horizontaux de cailloux.

La stratification surtout, comme on peut dTja s'en assurer par le dessin
publiT par M. de Puydt ne rappelle en rien la stratification si connue des
dTp(ts fluviaux et si bien dTveloppTe jusque dans la propriTtT voisine.

C'est mOme a peine si dans les 30 ou 40 mFtres les plus au nord de la coupe
visitTe par la sociTtT gTologique on trouve tout a la base un faible
vestige des multiples bancs de cailloux blancs qui reposent sur le sable
rupelien a une centaine de mFtres plus loin dans la propriTtT voisine.

Dans les quarante mFtres les plus au sud ces vestiges eux mOmes manquent
complFtement, comme s'il avaient TtT l'objet d'une exploitation rTguliFre
et, en plusieurs points, notamment vers l'extreTmitT sud, le sommet du
sable a TtT entamT d'une maniFre qui ne rappelle pas du tout l'action
Trosive des eaux.

Mais si les caractFres du quaternaire ordinaire du voisinage ne se
rencontrent pas dans la coupe Jean De wilde on y constate par contre des
particularitTs exclusives. Au lieu de cailloux de quartz roulTs, en bancs
bien continus, on y trouve des Tclats non roulTs et a arOtes vives de silex
ou bien, s'il se trouve quelques cailloux roulTs de quartz c'est a l'Ttat
de piFces Tparses qui visiblement ont TtT remaniTes en mOme temps que le
limon dans lequel ils sont empGtTs.

Conclusion. - Je crois donc avoir dTmontrT que le limon de la rue Jean De
Wilde, n'est ni marin, ni fluvial, qu'il est plus rTcent que le limon de la
Hesbaye et d'autres avant moi, ont dTja fait remarquer qu'il ne peut pas
Otre Tolien.

Je ne trouve donc d'autre explication a sa genFse que celle d'un
remaniement sur place et artificiel du limon quaternaire prTexistant,
mais remaniement dont la trFs haute antiquitT est attestTe par l'Tpaisseur
de la couche d'altTration du remblai et par les silex taillTs du type dit
moustTrien, Ttant bien entendu toutefois que la taille moustTrienne et peut
Otre mOme la taille acheulTenne se pratiquaient encore couramment sur
l'emplacement actuel de la ville de LiFge a une Tpoque plus rTcente que
celle du limon hesbayen, c'est-a-dire a une date que l'on Ttait habituT
jusqu'ici a attribuer aux nTolithiques.

Si cette derniFre dTduction devait se confirmer ainsi que cela me paraet
probable on se demandera sans doute comment on distinguerait dTsormais
l'Tpoque palTolitique de l'Tpoque nTolitique, si les industries qui seules
Ttaient censTes les distinguer peuvent se confondre a ce point.

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