Pl. Hoboken 43W Service géologique
de Belgique
149 (I) Bulletin de la Société belge de Géologie,etc.
Bruxelles, 1939, tome 49, pp.51-55
Sur la composition et les ressources hydrologiques du
Crétacé dans le sous-sol des environs de la ville d'Anvers.
par F. HALET.
Grâce au grand nombre de puits profonds creusés, depuis
près de trois quarts de siècle, tant dans le Nord de la
province de Brabant que dans le Sud de la Flandre
orientale, la composition du sous-sol de ces régions
est relativement bien connue. Nombreux y sont les puits
profonds qui ont traversé les formations cénozoiques et
mésozoiques pour s'arrêter dans les terrains d'âge
paléozoique.
Il n'en est pas de même dans la province d'Anvers et
dans le Nord de la Flandre orientale; par suite de
l'épaissement régulier des formations géologiques dans
la direction du Nord et de l'augmentation du degré de
salure des nappes aquifères, tous les puits artésiens
exécutés jusqu'à présent dans ces deux dernières
régions ont été arrêtés dans les formations
cénozoiques.
Il en résulte qu'au Nord d'une ligne de direction
O.-E., reliant les villes de Gand, Termonde, Hamme,
Vilvorde et Louvain, il n'existe que les deux forages
profonds, ceux de Kessel-Lez-Lierre et de Woensdrecht
(Pays-Bas), exécutés en vue de la recherche de la
houille, qui aient atteint le socle palézoique.
I. - CONSIDERATION GENERALES.
Au cours de notre carrière, nous avons, à maintes
reprises, été consulté par des industriels sur les
possibilités de trouver des eaux dans le sous-sol
profond des environs de la ville d'Anvers: Nous avons
toujours déconseillé le forage de puits très profonds
dans cette région, à cause du caractère aléatoire de
telles recherches. En effet, pour espérer rencontrer de
l'eau en qualité suffisante et non chargée de sable,
il fallait prévoir d'aller à une profondeur suffisante
pour atteindre les formations du Crétacé.
En se basant sur le résultat du forage de Kessel-Lez-
Lierre, où le toit du Crétacique est à la cote -372, on
pouvait, sans grand risque de se tromper, prévoir
qu'un puits foré sous la ville d'Anvers atteindrait le
Crétacique vers la profondeur de 350 à 400 m. Il
restait cependant trois inconnues: a) quel étage du
Crétacique allait-on rencontrer? b) la craie
serait-elle aquifère? c) quelle serait la composition
chimique des eaux?
En se basant sur les résultats des puits existant dans
le Brabant et les Flandres, le Crétacique, sous Anvers,
pouvait être représenté soit par des formations d'âge
maestrichtien, soit sénonien.
Les forages profonds de la Flandre n'ont recoupé que
des assises de la Craie de Nouvelle, d'âge sénonien,
dans lesquelles les résultats hydrologiques sont très
peu encourageants. Dans le Brabant septentrional, les
puits des environs de Bruxelles ont montré que les
craies étaient d'âge sénonien, mais ne renfermaient une
nappe aquifère assez abondante que dans les limites de
la plaine alluviale de la Senne. Les puits des environs
de Louvain, notamment à Wygmael, qui ont atteint la
craie, ont montré qu'il s'agit ici de formations d'âge
maestrichtien, renfermant des ressources aquifères très
intéressantes.
Il en résulte que dans les environs de la ville
d'Anvers on ne pouvait prévoir si la craie serait d'âge
maestrichtien ou sénonien et le débit des nappes
aquifères contenues dans ces formations restait une
grande inconnue.
Du point de vue de la composition des eaux de la craie
sous Anvers, les résultats des forages de Kessel à
l'Est et de Woensdrecht au Nord ont montré que dans ces
deux puits les couches du sommet de la craie sont
d'âge maestrichtien, mais tout ce qu'on connait au
point de vue hydrologique, c'est que dans ces deux
forages cette craie contient une nappe aquifère dont le
débit est abondant par jaillissement. On ne connait
aucune analyse des eaux du Crétace du forage de Kessel,
mais, à Woensdrecht, où le toit du maestrichtien a été
recoupé à la cote -672, les eaux auraient révélé, à
l'analyse, une teneur en ions-chlore de 24 gr./litre.
Si les eaux de la craie dans les puits des environs de
Bruxelles et de Louvain ont une teneur en sels qui
permet leur emploi dans la plupart des industries, on
sait, notamment par les travaux de J. Delecourt, que la
salinité des eaux des nappes profondes de notre pays
augmente rapidement dans la direction du Nord. Il en
résulte donc qu'en se basant sur les documents connus
on pouvait s'attendre à ces que les eaux du Crétacé de
la région d'Anvers aient une teneur en sels qui les
rendent inutilisables comme eaux potables ou même
industrielles.
II. - LE PUITS DE LA CIMENTERIE VAN DEN
HEUVEL, A HEMIXEM.
Pendant les mois de janvier et février 1939, un puits
profond a été foré par la firme Foraky à la Cimenterie
Van den Heuvel, à Hemixem-lez-Anvers.
Repère du puits.
La Cimenterie est située sur la rive droite de l'Escaut,
entre les villages de Hemixem au Sud et de Hoboken au
Nord. Le puits a été établi dans la cour de la
Cimenterie, dont le pavement est à la cote +7. En
prenant comme repère le clocher de l'église
d'Hemixem, l'emplacement du puits est situé à 800 m. à
l'Ouest et à 1.360 m. au Nord de ce clocher.
Forage du puits.
Le forage du puits a été en majeure partie par curage
continu et les échantillons, jusqu'à la profondeur de
300 m., sont rares et peu déterminables. A partir de
cette profondeur jusqu'à 353 m., de rares échantillons
ont été prélevés à divers niveaux au moyen d'un tube
carottier ou denté. Le puits a été tubé jusqu'à 101 m.
de profondeur, au moyen de tubes de 12 pouces, puis
poursuivi par un tubage de 10 1/2 pouces jusqu'à
335m55 de profondeur; une frette au ciment a été
établie à la base du dernier tubage. Le puits à été
approfondi au trépan excentrique, sans tubage,
jusqu'à 375 m., soit jusqu'à le cote -368.
Coupe géologique des terains recoupés.
Les échantillons recueillis entre la surface du sol et
305 m. de profondeur permettent seulement d'affirmer
que le puits a traversé des assises d'âge, rupélien,
bartonien, lédien, panisélo-yprésien et landénien. Une
carotte a été prélevée entre 305 et 310 m. de
profondeur, les terrains dans cette passe sont
composés d'un sable argileux compact, glauconifère, qui
présente tous les caractères de l'étage marin landénien
(L1c).
A 327m80, quelques silex roulés et verdis ont été
recuillis; ce niveau graveleux représente
vraisemblablement le cordon littoral de la base de
l'étage landénien.
A partir de la profondeur de 327m80, c'est-à-dire à la
cote -320m80, le forage a pénétré dans la craie avec
silex; le petits échantillons ont été prélevés aux
profondeurs ci-dessous :
A 328m00 : débris de silex gris fonce;
A 330m00 : fins débris de silex blonds et de craie
blanche compacte (un débris de radiole d'Echinoderme);
A 335m25 : un silex blond et craie blanche mélangée
d'argile;
A 339m00 : silex blonds;
A 342m30 : silex blonds avec craie blanche grumeleuse;
A 346m40 : craie blanche tendre, grumeleuse;
A 349m15 : silex blonds et un débris de craie
siliceuse;
A 350m75 : craie blanche tendre à grains plus fins.
L'examen des échantillons de craie et de silex
receuillis entre 327m80 et 350 m. de profondeur nous a
montré qu'il s'agissait d'une craie blanche, à grains
peu fins, grumeleuse, qui ne présente pas les
caractères lithologiques de la craie maestrichtienne,
mais plutot ceux de la craie sénonienne de l'assise de
Spienne: Tous les silex recueillis sont gris ou blonds,
mais la coloration des silex n'ayant aucun rapport avec
l'âge de la formation qui les contient et en l'absence
de fossiles caractéristiques, il est difficile de se
prononcer sur l'âge précis des craies recoupées par ce
forage.
RESULTATS HYDROLOGIQUES.
Débit des eaux dans la craie.
A la date du 22 février 1939, le puits était arrivé à
353 m. de profondeur et les eaux jaillissaient du puits
à une hauteur de 1m70 au-dessus du niveau de la cour de
la Cimenterie. Le débit par jaillissement à ce niveau
était de 1 m3 en 10 minutes et 40 secondes, soit
environ 5,6 m3 heure.
Des essais de pompage exécutés le 25 février 1939 ont
débité une eau claire à raison de 12 m3 heure pour un
rabattement de 95 m. sous la surface du sol.
Après approfondissement du puits dans la craie jusqu'à
375 m., le niveau piézométrique de l'eau s'établissait
à 25 m. au-dessus du sol et le débit par jaillissement
au niveau du sol était de 12 m3 heure.
Qualité des eaux de la craie.
Une analyse sommaire des eaux jaillissantes, provenant
de la profondeur de 336 mètres, effectuée avant le
cimetage du puits, a donné les résultats indiques
ci-dessous :
Dureté 58o Bodet.
Méthyle orange 21o.
Chlore 4,4872 grammes au litre.
CaO 0,1393 gramme au litre.
MgO 0,1108 gramme au litre.
SO3 0,0291 gramme au litre.
Ce qui représente environ 7 gr. au litre de chlorure de
sodium (NaC1).
L'analyse des eaux jaillissantes, lorsque le puits
avait atteint 375 m. de profondeur ont révélé une
teneur NaC1 de 7,7 gr. par litre.
CONCLUSIONS.
Les résultats hydrologiques de ce forage n'ont fait que
confirmer ceux que l'on pouvait escompter obtenir par
la seule étude des documents connus jusqu'à ce momnent.
Si le résultat a été négatif du point de vue de
l'industriel qui a fait entreprendre le creusement du
puits d'Hemixem, il nous permet de pouvoir affirmer,
dès à présent, qu'il est impossible de trouver des
eaux potables ou même à usages industriels dans les
nappes du Crétacé du sous-sol profond de la région
anversoie.