PL. BORGERHOUT 28E. Service Glologique
de Belgique
No 437 (I)
Observations sur les couches quaternaires et
pliocènes de Merxem près d'Anvers, par E. VANDEN
BROECK et P. COGELS.
(extrait du Bull. des Séances de la Soc. Malacologique
de Belgique - année 1877).
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OBSERVATIONS SUR LES COUCHES QUATERNAIRES ET
PLIOCENES EN MERXEM PRES D'ANVERS.
Par Ernest VANDEN BROECK et Paul COGELS.
Une excursion faite récemment au fort en construction
de Merxem, pres d'Anvers, nous ayant permis, malgré
l'ètat peu avancé des travaux de creusement, de
constater certains faits assez intéressants, nous
croyons bien faire d'en donner dès maintenant
communication à la Société Malacologique.
Nous avons relevé les coupes suivantes:
1e A. sable meuble et fin, noirâtre à la partie
supérieure, devenant jaunâtre vers le bas où se
remarquent des taches ocreuses; quelques graviers
épars, au même niveau.
B. Sable plus grossier, avec graviers abondants de
quartz et de silex. Vers la base, où les graviers
forment parfois un lit fort épais, le dépot est
altéré et oxydé, comme le montre sa coloration
rougeâtre.
C. Argile grise sableuse, avec taches ferrugineuses;
assez compacte par places, mais contenant de
petites zones statifées de sable et de graviers.
Sous cette couche argileuse, épaisse d'environ
1m50, l'élément sableux réapparait peu à peu et,
vers le bas de la coupe, on observe un sable
quartzeux à grains grossiers, mais non graveleux.
2e A. Sable fin, noirâtre ou grisâtre, avec taches
ocreuses: 0m90.
B. Sable plus grossier avec traces ligniteuses
abondantes (1) et taches ocreuses: 0m80.
Vers la base, couche de graviers irrégulièrement
développée, atteignant parfois 0m25.
C. Sable argileux jaunâtre avec zones grisâtres,
contenant quelques graviers épars: 0m40.
D. Argile grisâtre plus compacte, avec alternance
de petits lits sableux continus; ce dépôt est
manifestement stratifié, surtout à la partie
inférieure: 0m80.
E. sable jaunâtre assez grossier stratitié, contenant
des grains glauconieux parfoir très gros: 1m25.
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(1) Ces traces ligniteuses proviennet probablement de
la décomposition de racines de l'époque actuelle.
Les dépôts qui composent ces deux coupes appartiennent
à la série quarternaire et représentent le Campinien.
Les couches supérieures A et B se présentent sour le
facies habituel du sable campinien; c'est un dépôt
meuble, non stratifié, que Dumont, d'Omalius et
d'autres géoloques considéraient cependant comme un
dépôt marin, mais que d'autres observateurs, adoptant
la thèse soutenue en 1866 par Godwin-Austen (1),
considèrent avec raison comme un sable de dunes,
recouvrant le littoral indiqué par les cailloux et les
graviers de la base du dépot.
Bien que cette opinion ne soit pas encore très
répandue, il est incontestable que tous les caractères
du dépôt confirment entièrement cette appréciation (2).
Quant aux couches C, D et E, elles ont dû se former sous
l'influence de conditions bien différentes, car ce sont
des dépôts stratifiés, déposés sous les eaux et
dénotant, par conséquent, l'existence d'une phase
distincte dans le dépôt du Campinien.
Nous nous bornerons, pour le moment, à signaler cette
division très nette des dépôts campiniens de Merxem,
ainsi que le développement remarquable des couches
argileuses et du gravier intercalées au milieu des
sables.
Nous nous réservons de montrer ultérieurement que ce
n'est pas là un fait local, isolé, mais qu'il se
reproduit en beaucoup d'autres localités fort distantes,
dans la région d'Anvers, et que cette division du
Campinien en deux sous-étages mérite d'attirer
l'attention des géoloques, à cause des conclusions
assez importantes qui pourront être déduites plus tard
de l'ensemble de nos observations.
Près du point où a été relevée la seconde coupe, nous
avons constaté la présence d'une couche fossilifère
pliocène, sur laquelle nous désirons attirer
également l'attention de nos confrères.
Nous n'avons malheureusement pu observer d'une manière
assez certaine ses relations de contact avec la couche E,
au dessous de laquelle elle se trouve, et nous ne
pouvons la faire figurer à la suite de la coupe
précédente. Toutefois, nous pensons qu'il existe au
contact des deux couches une zone avec graviers, dont
quelques traces s'observaient à la partie supérieure du
dépot fossilifère.
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(1) On the Kainozoic Formations of Belgium, by Godwin-
Austen. - Quart. Journ. of the Geological Society.
Vol. XXII, part. 3, no 87, pp. 228-254. London, 1866.
(2) Il importe de ne pas confondre, avec les dunes
quaternaires que formait autrefois le sable campinien,
les "dunes terrestres" d'origine récente, que le vent
édifie, déplace et reconstruit encore actuellement en
certains points des plaines de la Campine.
La couche fossilifère se compose de sable fin, assez
homogène, meuble, contenant de petits grains de
glauconie et une quantité considérable de débris
calcaires, très menus, provenant principalement de la
destruction de coquilles de petite taille. Parmi ces
débris, on observe aussi un grand nombre de
Foraminifères un peu roulés, des entomostracés, des
piquants et des dèbris d'échinodermes, etc.
La partie supérieure du dépôt est devenue rougeâtre et
ferrugineuse par suite de l'altération de la glauconie,
qui s'est oxydée et a parfois donné naissance à des
concrétions limoniteuses.
La partie inférieure du dépôt est restée d'un gris
cendré très pur, tranchant fortement avec la coloration
rougeâtre qui s'observe plus haut.
La glauconie et les éléments calcaires de cette partie
inférieure du dépôt sont restés parfaitement intacts.
La zone grise inférieure est incontestablement
identique, dans ses éléments minéralogiques et
paléontologiques, à la zone supérieure rougeâtre;
c'est d'ailleurs ce que démontre le lavage des
sédiments rougis et oxydés.
A l'exception de la Corbula striata Walkm qui se trouve
en telle abondance dans les sables de Merxem qu'on peut
la considérer comme caractéristique de ce dépôt, les
fossiles bien conservés y sont rares.
Cela tient non seulement à la nature très mouvante du
terrain et à la fragilité des coquilles, mais encore et
surtout aux conditions dans lesquelles a dû se former
ce dépôt, que nous considérons comme une ancienne plage
sous-marine, très exposée à l'action des vagues, et
constamment battue par les flots et la marée.
Tenant compte, non seulement des coquilles entières,
toujours rares, que nous avons recueillies, mais
encore des débris qui représentent la majorité des
espèces observées, nous pouvons signaler les coquilles
suivantes:
Trophon antiquum, L. Panopoea ou Mya?
Natica sp. Mactra sp.
Chenopus pes-pelicani, L. Corbula striata, Walk.
Turritella incrassata, Sow. Tellina Benedeni, Nyst et W
Scalaria frondicula, Wood. Saxicava sp.
Scalaria sp. Artemis exolata, L.
Rissoa vitrea, Mont. Woodia digitaria, L.
Bulla culindracea, Penn. Cardium Norwegicum, Spengl.
Solen ensis, L., var. minor, Nyst.
Lucina borealis, L.
Diplodonta astartea, Nyst. Leda semistriata, Wood.
Cardita sp. Pecten pusio, L.
Pectunculus glycimeris, L. Anomia ephippium, L.
Nucula nucleus, L. Lindula Dumortieri, Nyst.
Les indications que fournit cette liste, jointes à
l'absence des espèces caractéristiques des sables
moyens, suffisent pour prouver que la zone à Corbula
striata de Merxem appartient à l'horizon des sables
supérieurs d'Anvers.
Toutes les espèces déterminées qui figurent dans cette
liste ont été receuillies à Calloo, sur la rive gauche
de l'Escaut, ainsi qu'à Austruweel, près de la
citadelle du Nord, au sud de Merxem (fort) (1). Or, à
Austruweel comme à Calloo, ces coquilles se trouvent
dans un dépot à faune pure, ou tout au moins à éléments
remaniés très rares; dépôt qui représente l'un des
termes les plus élévés de l'horizon des sables
supérieurs.
C'est plutôt par son abondance remarquable que par sa
présence, qua la Corbula striata peut être indiquée
comme caractérisant les sables de Merxem, car cette
espèce se retrouve à Anvers à presque tous les niveaux
pliocènes, depuis le plus inférieur.
Quant à certaines autres espèces, telles que Trophon
antiquum, Chenopus pes-pelicani, Tellina Benedeni,
Artemis exolata, Pectunculus glycimeris, etc.,
elles caractérisent l'horizon des sables supérieurs et
le distinguent nettement des sables moyens, où ces
espèces ne se retrouvent pas.
Nous signalerons encore des fragments de Balanus, ainsi
que la découverte d'un petit amas de piquants de
Spatangus, réunis en un même point et dénotant la
présence, bien en place, d'un exemplaire dont le test
malheurement n'a pu être retrouvé.
Les Foraminifères sont très nombreux dans les sables à
Corbula striata. Presque toutes les espèces observées
se retrouvent dans les sables supérieurs à Trophon
antiquum d'Astruweel. Un examen rapide nous a fourni:
Quinqueloculina agglutinans, d'Orb.
Cristellaria Italica, Defrance.
Lagena laevis, Mont.
Polymorphina lactea, Walk. et J.
Lagena sulcata, Walk. et J.
Polymorphina myristiformis, Will.
Lagena melo, d'Orb. Globigerina bulloides, d'Orb.
Lagena squamosa, Mont. Textularia sagittula, d'Orb.
Lagena marginata, Walk. et J. Bulimina pupoides, d'Orb.
Lagena marginata var. lucida, Will.
Cassidulina laevigata, d'Orb.
Lagena punctata-marginata (nov.).
Truncatulina lobatula, Walk. et J.
Lagena pulchella, Brady. Truncatulina refulgens, Montf.
Pulvinulina pulchella, d'Orb. Polystomella crispa, L.
Pulvinulina Karsteni, Reuss.
Polystomella striato-punctata, F. et M.
Rotalia Beccarii, L.
Polystomella striato-punctata var. (nov.)
Rotalia nitida, Will.
Noniomina scapha, F. et M., var. Boueana, d'Orb.
Calcarina rarispina, d'Orb.
Patellina corrugata, Will.
Nonionina depressula, Walk et J.
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(1) Nous devons cependant ajouter que: Scalaria
frondicula, Rissoa vitrea et Nucula nucleus, qui
s'observent à Austruweel, n'ont pas encore été notés à
Calloo.
Ce sont toutes espèces encore vivantes actuellement, et
la plupart se retrouvent sur nos côtes, dans la région
littorale (1). Le facies bien caractérisé de cette petite
faune rhizopodique suffirait à lui seul pour
déterminer nettement l'âge des sables à Corbula striata
de Merxem et pour faire synchroniser cette couche avec
les sables à Trophon antiquum d'Astruweel; d'autant plus
que la faune rhizopodique des sables moyens est très
différente de celle des sables supérieurs.
L'étude microscopique des sédiments de Merxem montre
que les nombreux débris calcaires, les Foraminifères et
autres organismes que contiennent ces sables, sont
fortement usés et roulés, comme cela se remarque dans
les dépôts très littoraux, soumis à l'agitation des
vagues. De plus, les Foraminifères les plus nombreux
dans ce dépôt sont précisement des espèces
caractéristiques des dépôts littoraux. Nous citerons
entre autres: Polystomella crispa, Polystomella
striato-punctata, Rotalia Beccari, Polymorphina lactea,
Textularia sagittula, Truncatulina libatula, et les
nombeuses espèces du genre Lagena.
Si nous réunissons les divers caractères qui viennent
d'être énumérés, nous voyons que tous s'accordent pour
établir que les sables à Corbula striata de Merxem
représentent un facies particulier de l'horizon des
sables supérieurs d'Anvers et qu'ils se relient
latéralement aux sables à Trophon antiquum d'Austruweel.
Enfin, ils constituent comme ceux-ci un dépôt
littoral bien caractérisé, mais qui fut probablement
plus exposé à l'agitation des eaux. La grande rareté
des mollusques dans ce dépot est sans doute due en
partie à cette dernière circonstance, qui a également
donné lieu à l'état fragmentaire dans lequel se
trouvent généralement les coquilles observées. Ce qui
montre bien que les coquilles ont été roulées et
triturées sur place, c'est la forte proportion de
débris coquilliers très ténus, qui s'observent dans les
sables de Merxem.
La découverte de la zone à Corbula striata est une
preuve nouvelle de la nécessité qui s'impose de
renoncer définitivement à l'emploi des noms de couleur
pour désigner une couche.
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(1) Seul dans cette liste, le genre Calcarina n'a plus
de représentants dans les mers de nos régions
tempérées. Le Calcarina rarispina a été signalé dans la
mer Rouge, et le Cristellaria Italica dans la
Méditerranée. Toutes les autres espèces se retrouvent
sur les côtes de l'Atlantique ou de la mer du Nord.