Pl. BLANKENBERGE 10E
R.Rutot
30 (III) LE PUITS ARTESIEN DE BLANKENBERGHE
par
A. Rutot.
Conservateur au Musée Royal d'Histoire Naturelle de Belgique.
A Blankenberghe, comme à Ostende et comme tout le long
du littoral, la bonne eau potable fait défaut ou tout
au moins, ne se trouve guère en quantité suffisante
pour satisfaire aux besoins sans cesse croissants de la
population.
Malgré l'insuccès d'Ostende, l'édilité de Blankenberghe
s'est demandée si le creusement d'un puits artésien ne
pourrait pas augmenter les ressources en eau potable et,
la nécessité d'agir aidant, le forage d'un puits
artésien fut décidé et l'entreprise accordée à nos
confrères M.M. Ibels et Lang.
L'emplacement du puits n'a pas été choisi au centre de
l'agglomération et diverses raisons, parmi lesquelles
il faut sans doute compter le désir de s'éloigner
autant que possible d'Ostende, firent décider que le
forage aurait lieu à environ 2 kilomètres à l'E.N.-E.
de la gare du chemin de fer, près de la voie ferrée de
Blankenberghe à Heyst, l'orifice du puits se trouvant
ainis vers la cote 3.
Les travaux furent commencés en mars 1887 et pirent fin
en octobre de la même année.
M.M. Lang et Ibels, sollicités par nous de soigner,
autant qu'il était en leur pouvoir, la récolte des
échantillons, n'hésitèrent pas, dans le but d'être utiles
à la science, d' abandonner en commençant la
méthode de creusement par pression d'eau qu'ils
emploient d'une manière courante pour y substituer le
mode de forage ordinaire. Malheuresement, vers la
profondeur de 16 mètres, les frais occasionnés par le
changement de travail devinrent tels, qu'il fallut
sacrifier la prise des échantillons à la bonne marche
du forage, de sorte que les inconvénients que nous
avons à reprocher au système de creusement à courant
d'eau se sont produits et sont venus obscurcir la coupe
de certaines parties des terrains traversés.
Néanmoins, nous tenons à remercier vivement M.M. Ibels
et Lang de leur bonne volonté et de l'empressement
qu'ils avaient mis à satisfaire à notre demande.
Passons maintenant à la description de la série des
couches rencontrées:
Puits artésien de Blankenberghe à 2 kilomètres E.-N.-E. de la gare.
Cote approximative de l'orifice: 3m.
TERRAINS RENCONTRES DE A EPAISSEURS
1 Sable de la plage 0,00 2,30 2,30
2* Argile grise sableuse 2,30 2,90 0,60
3* Sable gris avec lit de coquilles
(Cardium edule) vers 3m35,
de profondeur 2,90 4,00 1,10
4* Tourbe pure 4,00 6,00 2,00
5* Sable gris un peu argileux 6,00 6,40 0,40
6* Argile sableuse 6,40 6,90 0,50
7* Sable gris argileux 6,90 9,40 2,50
8* Sable gris meuble avec lit coquilier
vers 16 mètres de profondeur, le reste
sans coquilles 9,40 28,00 18,60
9* Sable meuble, gris verdâtre clair,
glauconifère, avec débris de nombreux
fossiles 28,00 32,00 4,00
10* Même sable avec moins de fossiles 32,00 35,00 3,00
11* Sable meuble gris clair, glauconifère,
grossier, presque graveleux, avec
énormément de débris de coquilles 35,00 36,00 1,00
12* Sable demi fin, gris verdâtre clair,
peu fossilifère 36,00 39,00 3,00
13* Même sable, plus fossilifère 39,00 45,00 6,00
14* Sable plus gros, glauconifère,
de teinte plus grise, avec très
peu de débris de fossiles 45,00 47,00 2,00
15* Même sable plus glauconifère, sans
fossiles 47,00 60,00 13,00
16* Argile grise sableuse 60,00 82,00 22,00
17* Sable vert, fin, glauconifère, sans
fossiles 82,00 83,50 1,50
18* Argile grise, sableuse un peu
verdâtre 83,50 122,00 38,50
19* Argile grise, pure 122,00 237,00 115,00
20* Sable gris pâle, fin, peu pointillé,
aquifère 237,00 248,00 11,00
------ ------ ------
Total 248,00
Telles sont les données lithologiques du sondage;
essayons de déterminer l'âge des couches rencontrées.
Il n'y a pas de difficulté pour reconnaitre dans les
couches 1,2,3, et 4, la série moderne qui se retrouve
presque tout le long de notre littoral; ce sont
respectivement: le sable de la plage, l'argile des
Polders, sableuse et coquillière vers le bas, et enfin,
la tourbe.
M. G. Vincent a reconnu dans le lit coquillier situé
entre l'argile grise et la tourbe, la présence de
nombreux Cardium edule, de Mytilus et d'Hydrobies.
H. ulvoe Penn. type et variétés.
Il est probable que sous la tourbe commence la série
quaternaire; mais on ne peut rien préciser à ce sujet,
les couches 5,6 et 7 pouvant également appartenir au
terrain moderne.
En admettant la tourbe comme base des terrains modernes
le Quaternaire comprendrait alors au moins les couches
5,6,7 et 8.
Vers 16 mètres de profondeur le sable gris terne,
meuble no 8, contient un lit coquillier qui a fourni à
M. G. Vincent les espèces suivantes:
FAUNULE DU LIT COQUILLIER à 16 Mètres de profondeur.
(Déterminations de M. G. Vincent)
ESPECES ACTUELLES.
Gastropodes.
Succinea oblonga? Drap. Hydrobia ulvoe, L.
Cylichna mamillata, Philippi. Natica intermedia, Phil. (N.Alderi,Forb.).
Nassa reticulata? L Adeorbis subcarinatus, Montagu.
Cypraea europaea, L
Cerithium reticulatum, Da Costa Scalaria clathratula, Adams
Lacuna pallidula, Da Costa. Phasianella pullus, L.
- vincta, Montagu. Trochus cinerarius, L.
Rissoia inconspicua? Ald. Callistoma zizyphinum, L.
- parva? Montagu.
Scaphopodes.
Dentalium tarentinum, Lmk.
Pélécypodes.
Ostrea edulis, L. Donax truncatulus, L.
Mytilus eulis, L. Solen ensis? L.
Arca lactea, L. Mactra subtruncata, Da Costa.
Pectunculus glycimeris, L. Corbula striata, Walk et Boys. (Corb.
gibba, Oliv.)
Astarte triangularis, Montagu. Pholas candida? L.
Venus ovata, Penn. Lucina divaricata, L.
Montacuta bidentata, Montagu. Tellina baltica, L.
Cardium edule, L Tellina tenuis, Da Costa.
- nodosum, Turton. Scrobicularia compressa, Pult.
Meretrix chione, L. Syndesmya alba, Wood.
Tapes edulis, L. Thracia sp?
Echinodermes.
Echinocyamus pusillus, Gray.
ESPECES FOSSILES (REMANIEES) (1)
Gastropodes.
Turritella edita, Sow Homolaxis laudnensis. Desh
Pélécypodes.
Limopsis sp? Kellia ambigua? Nyst (1)
Cardita Aizyensis? Desh
Annélides.
Ditrupa plana, Sow.
Foraminifères.
Nummulites elegans, Sow.
Sous le sable no 8, c'est-à-dire sous 28 mètres de
profondeur, commencent les difficultés.
Si l'on s'en tient strictement aux échantillons
lithologiques, on voit que sous 28 mètres apparaît un
sable gris verdâtre clair, semblant pur et bien en
place, différent du sable précédent, devenant très
grossier de 35 à 36 mètres de profondeur sous l'orifice
puis reprenant son grain régulier, demi-fin, jusque 45
mètres.
De 28 à 45 mètres le sable est fossilifère, et ce que
l'on remarque tout d'abord, c'est l'extrême abondance
de Turritelles et de Cardites de petite taille, dont
les formes caractérisent la partie supérieure de
l'Eocène inférieur, c'est-à-dire le Paniselien et la
partie supérieure de l'Ypresien
Les coquilles ne sont pas réparties uniformément dans la
masse; d'après les échantillons fournis, elles sont
abondantes aux niveaux de 32, 36 et 45 mètres; le niveau
de 36 mètres offrant un fort maximum, correspondant à
la zone grossière déjà indiquée.
A la suite de cet examen superficiel, on serait tenté
de ranger ces sables coquilliers dans les niveaux à
Turritelles des sables paniseliens; mais un examen plus
attentif des éléments fauniques tend à faire modifier
cette conclusion.
En effet, un tamisage des échantillons ayant permis de
recieullir la faune de chaque niveau, il s'est trouvé
que de 28 à 36 mètres inclus, la faunule éocène est
fortement mélangée d'espèces à facies moderne,
probablement quaternaires, et l'on trouve associées,
surtout dans le lit grossier de 35 à 36 mètres de
profondeur, des Turritelles et des Cardites éocènes à
Cardium edule, à des Hydrobies et même à des coquilles
d'eau douce.
Voici, du reste, les faunules trouvées par M.G. Vincent
dans le niveau grossier de 33 à 36 mètres:
Faunules du sable graveleux retiré de 35 à 36 mètres de
profondeur.
(Déterminations de M. G. Vincent)
Espèces fossiles éocènes. Espèces actuelles ou quaternaires.
Solarium sp? Succinea putris, l.
Homalaxis (Bifrontia) laudunensis, Planorbis rotundatus, Poir.
Desh. - albus, L.
Turritella edita, Sow. Rissoia ventricosa, Desm.
Dentalium lucidum, Sow. Hydrobia ulvoe, Penn.
Venericardia Aizyensis, Desh. Adeorbis subcarinatus, Mont.
- Prevosti, Desh Odostomia spiralis, Montag
Crassatella propinqua, Wat. Chlamys (Pecten) varius, L.
Corbula rugosa, Lmk. Donax truncatulus? Linn.
Lucina squamula, desh Pholas Candida, L.
Serpula heptagona, Sow. Cardium edule, L.
Ditrupa plana, Sow.
Nummulites elegans? Sow
Lucina crenata? Wood.
Cellepora sinuosa, Hass.
Comme nombre d'individus, les espèces éocènes dominent,
surtout Turritella edita, mais les espèces de forme
actuelle ne sont pas rares.
D'autre part, sous 36 mètres, c'est-à-dire sous la zone
grossière à éléments fauniques mélangés, le tamisage
des sables n'a fourni à M.G. Vincent que des espèces
éocènes pures, identiques à celles de la liste donnée
ci-dessus, avec la même abondance relative de
Turritella edita.
Tout d'abord, vu l'apparente pureté du sable compris
entre 28 et 36 mètres, qui ne le cède en rien à la
partie inférieure de 36 à 45 mètres à faune éocène pure
j'ai cru qu'il y avait eu descente, par suite du mode
de forage à courant d'eau utilisé, d'éléments fauniques
de la zone quaternaire coquillière de 16 mètres de
profondeur, et mélange de ces éléments à ceux des
couches éocènes, ainsi que le cas se présente parfois
lorsque les matériaux constituant les couches
traversées ne sont pas homogènes. J'étais disposé à
admettre que des Cardium edule bivalves et renfermant
du sable avec quelques petites espèces du même niveau,
avaient coulé peu à peu à cause de leur poids, au lieu
d'être remontées immédiatement par le courant ascendant
étaient donc descendues jusqu'au niveau des sables
éocènes, puis rejetées vers 36 mètres par un coup de
pression avec tous les éléments grossiers qui s'étaient
accumulés; mais, ainsi que M.G. Vinvent me l'a fait
remarquer, l'abondance et surtout la variété des
espèces actuelles ne permettent guère de s'arrêter à
cette manière de voir; de sorte que le plus prudent, vu
l'absence complète de gravier à 28 mètres, le mélange
des faunes de 28 à 36 mètres, la présence de la zone
graveleuse à 36 mètres et la cessation complète du
mélange des espèces sous ce niveau ou la faune éocène
devient pure, le plus prudent, disons-nous, est de
tenir compte de la valeur propre de chaque échantillon
et de considérer, comme remaniements quaternaires, les
sables avec faune mélangée de 28 à 36 mètres, et de
prendre comme base du Quaternaire le lit grossier et
graveleux de 36 mètres.
Le reste du sable, à faune éocène pure, serait donc
ajouté aux couches sableuses éocènes sous-jacentes.
Sous 45 mètres de profondeur, les sables glauconifères,
passant avec alternances argileuses à l'argile grise
ypresienne bien caractérisée, se laissent facilement
déterminer; mais le sable gris vert clair, coquillier,
éocène, compris entre 36 et 45 mètres, ne présente pas
un facies ypresien qui nous soit bien familier.
Les sables de l'Ypresien supérieur renferment assez
souvent des lits coquilliers, mais alors ces lits sont
presque uniquement formés de Nummulites planulata avec
Turritella edita et hybrida, Ditrupa plana et Vermetus
bognoriensis.
Ici, nous n'avons reconnu que de rares exemplaires de
Nummulites elegans (qui accompagne ordinairement la
Nummulites planulata) dans les parties sableuses
remaniées vers 36 mètres, et quant au reste de la
faunule, il manque complétement de signification, car
toutes les espèces citées, bien que se trouvant dans
le sable ypresien, se retrouvent également dans tous
les niveaux du Paniselien jusque et y compris dans les
sables d'Aeltre.
Il s'en suit que la faunule éocène trouvée est
insuffisante pour servir à caractériser nettement l'âge
paniselien ou ypresien, de sorte que l'hypothèse de la
présence de couches paniseliennes épaisses de 9 mètres
et surmontant 15 mètres de sable ypresien ne peut être
rejetée à priori.
Cependant, si l'on tient compte des faits
stratigraphiques connus, relatifs à l'altitude et à
l'épaisseur moyenne du Paniselien dans la Flandre
occidentale, on peut conclure qu'il est hautement
improbable que les sables fossilifères compris entre 36
et 45 mètres soient d'âge paniselien.
En effet, ainsi que je l'ai déjà montré dans le Texte
explicatif de la feuille de Wacken (p.24) de la carte
géologique de a Belgique à l'echelle du 1/20.000 et
ainsi que M. E. Delvaux l'a également fait remarquer
(1), la pente Nord-Sud, ainsi que la pente Est-Ouest
des terrains sont faibles dans la Flandre occidentale,
vers le littoral.
D'autre part, j'ai montré, dans mon travail publié dans
les Bulletins de la Société et intitulé: Détermination
de l'allure souterraine des couches formant le sou-sol
des Flandres entre Bruxelles et Ostende (Vol.I 1887.
Mémoires, p. 3 à 19), que la base de l'étage paniselien
se trouve, sous Bruges, vers la cote-15, c'est-à-dire
vers 20 mètres sous la surface du sol; et de son côté
M. E. Delvaux, dans son travail précité, a fait
connaître l'existence à mi-chemin, entre Wenduyne et
Blankenberghe, vers la cote + 1, le long de la plage,
d'un assez large affleurement d'argilite paniselienne,
avec grès durs fossilifères silicifiés, devant
représenter à peu près la partie médiane du Paniselien,
étage dont l'épaisseur totale, dans ces régions, ne
doit guère dépasser 20 à 25 mètres. Il s'en suit que
vers Blankenberghe, la base du Paniselien, lorsqu'il
existe, ne peut guère descendre sous la cote -15, ce
qui exclut complètement toute hypotèse de présence de
sable paniselien sous 36 mètres de profondeur dans le
puits artésien.
Les sables coquilliers de 36 à 45 mètres devront être
ajoutés à l'Ypresien et les sables remaniés, faisant
actuellement partie de la base du Quaternaire, ont dû,
primitivement à la dénudation, être compris dans
l'Ypresien depuis environ 15 mètres de profondeur.
Avant l'érosion quaternaire dans la région du littoral,
le sable ypresien devait donc être compris entre les
profondeurs de 15 à 60 mètres, soit 45 mètres
d'épaisseur totale, dont il ne reste de nos jours que
de 36 à 60 mètres, soit 24 mètres.
Quant à l'absence des Nummulites planulata soit dans
les couches remaniées quartenaires de 28 à 36 mètres,
soit dans les couches éocènes en place de 36 à 45
mètres, elle ne doit pas nous étonner, car, dans mon
travail précité (p.19) j'ai fait remarquar que les lits
à Nummulites planulata sont surtout développés entre
Bruxelles et Gand et qu'à l'Est de Gand, on n'en trouve
plus que de rares lentilles sporadiques, comme celle
située à 2 kilomètres au Nord de Thielt. Au puits
artésien d'Ostende, les lits à Nummulites ne se sont
non plus pas montrés.
Sous 60 mètres de profondeur commence, à Blankenberghe,
l'argile ypresienne.
De 60 à 82 mètres, soit sur une épaisseur de 22 mètres,
existe une argile gris verdâtre sableuse, dont la masse
est interrompue en profondeur par un lit de sable gris
vert fin, glauconifère de 1m,50 d'épaisseur, puis
l'argile sableuse reprend sans interruption de 83m,50
à 122 mètres, soit sur 38m,50 d'épaisseur.
Sous 122 mètres, la proportion de sable mêlé à l'argile
diminue et l'on entre, de 122 à 237 mètres, dans une
argile grise assez pure, qui forme la partie infèrieure
de l'ypresien.
-----------------------------------
(1) E. Delvaux, Visite aux gites fossilifères
d'Aeltre et exploration des travaux en cours
d'exécution à la colline de St-Pierre à Gand. Ann. de
la Soc. Roy. Malacolog. de Beig. T.XXI, 1886, pp. 274- 296.
-----------------------------------
Enfin, sous 237 mètres, la sonde a pénétré subitement
dans du sable gris, fin, peu pointillé, très aquifère,
landenien, d'ou l'eau a jailli au-dessus du sol. Ce
sable, homogène, a été percé sur 11 mètres, ce qui
porte la fin du sondage à la profondeur de 248 mètres.
Dans le puits actuel, l'Ypresien est donc compris entre
les profondeurs de 36 à 237 mètres, soit 201 mètres.
Si nous admettons que la base du Paniselien devait se
trouver vers la profondeur de 15 mètres sous le sol,
nous pouvons évaluer la puissance totale primitive de
l'Ypresien sous Blankenberghe à 222 mètres.
C'est de beaucoup la plus forte épaisseur qu'il nous a
été permis de constater dans notre pays pour cet étage.
Des considérations et discussions qui précédent, nous
pouvons donc résumer le puits artésien de Blankenberghe
de la manière suivante:
Terrains rencontrés Epaisseurs
TERRAIN Sable de la plage 2,30
MODRENE Argile des Polders 0,60
Sable gris coquillier 1,10 6,00
Tourbe pure 2,00
TERRAIN Sable gris argileux 0,40
Argile sableuse 0,50
QUATERNAIRE Sable gris argileux 2,50
Sable gris meuble 18,60 30,00
Sable gris vert, meuble très
coquillier 7,00
Sable vert grossier très
coquillier 1,00
ETAGE Sable gris vert coquillier 9,00 )
YPRESIEN Sable assez gros, glauconifère )
sans fossiles. 15,00 24,00) 201,00
Argile grise sableuse 62,00 )
Argile grise plastique 115,00 177,00)
ETAGE LANDENIEN Sable blanchâtre homogène 11,00
------
Total 248,00
Contrairement à ce qui est passé à Ostende, le
Landenien sous-jacent à l'argile Ypresienne ne s'est
pas montré fossilifère; aucun indice de la présence de
la faunule d'eau saumâtre qui caractérise les couches
d'Ostende (Cyrena cuneiformis, Melania inquinata,
Cerithium funatum, etc), n'a été rencontré.
Dans tous les cas, comme à Ostende, le Landenien a
perdu le facies purement marin qu'il possède sur une
vaste étendue de notre pays.
Vers le littoral, les facies d'estuaire, qui s'étaient
localement montrés aux environs de Tirlemont et de
Landen d'une part et d'Erquelinnes de l'autre,
reprennent et constituent comme la passage de notre
bassin landenien avec celui de Londres, ou dominent
les couches saumâtres à Cyrènes.
Pour terminer la partie géologique de ce travail, je
crois bien faire de donner, dans le tableau suivant, la
comparaison des coupes des puits artésiens d'Ostende et
de Blankenberghe, dont les orifices sont très
approximativement à la même altitude.
En prenant des deux côtés la base de la tourbe comme
limite conventionnelle entre les terrains modernes et
quaternaires, nous avons:
PUITS d'OSTENDE.
Terrains rencontrés Epaisseur
Terrain moderne 6,45
Terrain quaternaire 27,05
Etage ypresien (argile) 136,50
Etage landenien Sable 20,50
argile 17,50
Craie blanche 64,00
Marne turonienne 2,20
Cénomanien (?) 26,00
Phyllade cambrien, percé sur 7,85
------
Total 308,05
PUITS DE BLANKENBERGHE.
Terrains rencontrés Epaisseur.
Terrain moderne 6,00
Terrain quaternaire 30,00
Etage Ypresien sable 24,00
argile 177,00
sable percé sur 11,00
Etage landenien ?
------
Total 248,00
A Ostende, le sable ypresien et probablement une
partie de l'argile ont été ravinés par l'érosion
quaternaire; à Blankenberghe, le sable ypresien a été
conservé sur 24 mètres et l'argile sous-jacente a
encore 177 mètres de puissance. Il existe donc dans
les cotes de base de l'Ypresien entre Ostende et
Blankenberghe, une dénivellation de 136m,50 à 201
mètres, soit 64m,50.
Or, la distance comprise entre les deux puits artésiens
est d'environ 20 kilomètres; il s'en suit que la pente
moyenne de la base de l'Ypresien est d'environ 3m,23
par kilomètre, ce qui est encore assez considérable et
ce qui dépasse les appréciations basées sur les calculs
de la pente du Paniselien dans les collines situées au
Sud de Thielt, ou nous avons constaté une pente vers le
Nord d'un peu moins de 1 mètre par kilomètre.
Il est donc possible qu'à partir de Bruges les couches
prennent une inclinaison plus forte vers le Nord; mais
je suis porté à croire qu'au moins une partie de la
dénivellation de 64m,50, constatée entre les cotes de
base de l'Ypresien d'Ostende et de Blankenberghe, est
due à une augmentation dans la puissance totale de
l'ypresien par suite de l'éloignement plus grand de
Blankenberghe relativement aux rivages du bassin
ypresien.
Tel est, croyons-nous, tout ce que l'on peut tirer de
plus important des échantillons du puits de
Blankenberghe; disons maintenant quelques mots des
résultats du forage.
Ces résultats n'ont malheureusement pas répondu aux
espérances de l'édilité de Blankenberghe et des sondeurs
Au point de vue du débit, la réussite est complète, car
à 1 mètre au-dessus du sol, l'eau sort naturellement à
raison de 150 litres par minute; malheureusement, si la
quantité ne laisse rien à désirer, l'eau elle-même, au
contraire, n'est pas utilisable.
Non seulement cette eau a un goût salé et même
légèrement sulfureuse, mais sa température est de 20
degrés centigrades; c'est presqu'une eau thermale.
Dans les premiers temps, la salure était très sensible
(près d'un gramme de chlorure de sodium par litre),
mais, depuis qu'on a laissé couler l'eau en abondance,
la proportion de sel marin a diminué à peu près de
moitiè; toutefois la température n'a pas changé et un
essai fait récemment a encore accusé 20 C.
D'où vient la salure des eaux des puits artésiens de
Blankenberghe et d'Ostende ?
Cette eau vient, pour ce qui concerne Blankenberghe, du
Landenien, qui ne renferme pas de sel et dont les eaux,
utilisées à Bruxelles, à Ninove, à Gand, également par
puits artésiens, ne sont pas mauvaises.
Mais, ainsi qu'on l'a constaté, l'Ypresien diminue
d'épaisseur en allant du Nord-Est vers le Sud-Ouest, et
cette épaisseur décroit jusqu'à se réduire à zéro avant
d'atteindre Calais.
Quant au Landenien, sa limite Sud déborde celle de
l'ypresien, de sorte qu'il affleure assez largement, au
niveau de la mer, sous les sables de la plage, entre
Dunkerque et Calais.
Des infiltrations d'eau de mer doivent donc
inévitablement avoir lieu le long de l'affleurement
littoral et c'est cette eau qui, entraînée par la
pente, vient se mélanger à l'afflux d'eau douce qui
s'infiltre tout le long de l'affleurement landenien
continental passant par Saint-Omer, Béthune, Lille,
Tournai, Ath, Hal Wavre, Landen et Saint-Trond.
On aurait pu toutefois espérer que l'importante
nappe souterraine d'eau douce qui tend à s'écouler
dans la direction N.N.O., aurait pu refouler les
eaux salées venant du Sud-Quest et de l'Ouest, d'autant
plus que ces eaux ne s'infiltrent guère au-dessus de la cote
zéro, tandis que l'altitude des infiltrations
continentales d'eau douce est sensiblement supérieure;
mais il faut aussi réfléchir que l'eau douce qui
s'infiltre le long de la ligne d'affleurement indiquée
ci-dessus se sépare souterrainement en plusieurs
niveaux au travers du Landenien lui-même et du Crétacé
Entre Bruxelles et Gand, la nappe de la partie
supérieure du Landenien est véritablement étranglée par
le peu d'épaisseur relative des sables; la circulation
est donc rendue très difficile et les frottements
occasionnent, au bout du parcours de Bruxelles à
Blankenberghe, une perte de vitesse et de charge telle
que la différence d'altitude des points d'infiltration
ne compte plus et que l'action du courant d'eau salée
n'est plus efficacement contrebalancée.
A cause de la facilité d'infiltration le long du
littoral, les eaux marines infiltrées peuvent gagner le
Nord-Est et venir ainsi aider à noyer les sables
perméables de la partie supérieure du Landenien
incomplètement injectée d'eau douce par suite du
rétrécissement des conduits, des frottements et de la
perte de charge qui en résulte.
Peut-être ces frottements et la lenteur avec laquelle
l'eau douce circule souterrainement dans les couches
profondes sont-ils des facteurs importants de la
température relativement élevée constatée.
Peut-être aussi la circulation plus active de l'eau
douce continentale amènera-t-elle progressivement une
diminution continue de la salure; mais, dans ce cas,
il est à craindre que la température de l'eau ne
s'élève encore, car, à cause de la facilité relative de
circulation de l'eau salée, celle-ci joue probablement,
jusqu'à un certain point, le rôle de réfrigérant.
De toutes façons, l'avenir ne paraît pas bien brillant
et il n'y a guère d'espoir de voir jamais jaillir de
l'eau fraiche.
Ajoutons que le puits est tubé au moyens d'une seule
colonne de 240 mètres de longueur et de 0m,178 de
diamètre.
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RUTOT A.-BULL. de la Soc. belge de géol. Bruxelles.
1888, t.II, pp. 260-270.
PUITS ARTESIEN DE BLANKENBERGHE
L'un de nous a déja donné, dans le Bulletin (I) la
coupe du puits artésien de Blankenberghe, creusé par
notre confrère M. Lang.
D'autre part, notre regretté confrère, M. l'ingénieur
Van Mierlo, avait, à la séance du 27 février 1889,
donné les résultats de l'analyse de l'eau du puits.
Pour rendre complet le présent travail, nous
reproduisons ci-après les principales données
utilitaires relatives à ce puits.
Cote de l'orifice: 3 m.
Terrain moderne et quaternaire 36,00
ETAGE Sable 24,00
YPRESIEN Argile 177,00 201,00
ETAGE Sable aquifère 11,00
LANDENIEN ----------------
Total 248,00
L'eau sort donc du sable landenien.
Niveau hydrostatique. Ce niveau n'est pas connu, mais
l'eau est jaillissante.
Débit. D'aprés M. Lang, l'eau s'écoulerait
naturellement à raison de 150 litres par minute à 1
mètre au-dessus du sol; d'après un autre jaugeage, le
débit serait de 7.81,7.50 par minute. Peut-être y a-t-il
des variations de débit analogues à celle signalées
pour le puits d'Ostende.
Température de l'eau. La température, mesurée à
diverses reprises, a toujours accusé, à la sortie, 20
centigrades.
Analyse de l'eau. M. Dryepoundt-Bergeron, pharmacien et
membre de la Commission médicale provinciale, à Bruges,
a trouvé:
Chlorure sodique 4gr,2510 par litre.
Acide carbonique 0,0250 " "
Carbonate calcique 0,0618 " "
Sulfate calcique 0,0840 " "
Sel de magnésie 0,0990 " "
Pas d'iode
Plusieurs analyses ont confirmé la haute teneur de plus
de 4 grammes de sel marin par litre.
Tubage. Diamètre intérieur du tube: 0m,162.
(1) Voir A Rutot. Le puits artésien de Blankenberghe
Bull. Soc. Belge de Géol. T. II, Mém 1888, pp. 260-270.
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Rutot A. et Van den Broeck E.-Bull. de la soc. de géol.
Bruxelles, 1890 T.IV, pp. 209-210.
II.- LE PUITS ARTESIEN DE BLANKENBERGHE.
Les constatations faites à Bruges éclairent d'un jour
tout nouveau l'interprétation des couches rencontrées
dans le puits artésien de Blankenberghe.
J'ai publié, en 1888, un travail sur le puits artésien
de Blankenberghe (I), d'après les matériaux qui
m'avaient été remis par les sondeurs: Messieurs Ibels
et Lang.
Non seulement, en 1888, je ne savais pas ce que je sais
maintenant sur le Paniselien, mais je ne connaissais
rien des couches modernes constituant la plaine maritime.
Depuis lors, mes levés dans la plaine maritime m'ont
fourni la connaissance complète des couches modernes et
quaternaires qu s'y rencontrent, de sorte que je suis à
même de fournir, pour les couches des puits artésiens
de Blankenberghe, des déterminations beaucoup plus précises.
Je transcris-ci-après le résumé des couches traversées
par le puits, d'après ma note de 1888:
cote +3
Terrain rencontrés Epaisseurs
TERRAIN Sable de la plage 2,30
MODERNE Argile des Polders 0.60 6m00
Sable gris coquillier 1.10
Tourbe pure 2.00
TERRAIN Sable gris argileux 0.40
QUATERNAIRE Argile sableuse 0.50
Sable gris argileux 2.50
Sable gris meuble 18.60 30m00
Sable gris, vert meuble, très coquillier 7.00
Sable vert, grossier, très coquillier 1.00
ETAGE Sable gris vert coquillier 9m00
YPRESIEN Sable assez gros glauconifère 24.00
sans fossiles 15.00 201m00
Argile grise, sableuse 62.00
Argile grise plastique 115.00 177.00
ETAGE LADENIEN Sable blanchâtre homogène 11.00
------
Total 248.00
Or, grâce à l'établissement de l'échelle
stratigraphique des couches modernes et quaternaires de
la Plaine Maritime et des nouvelles observations faites
dans le Paniselien de la même région, je suis en
mesure d'apporter des rectifications sérieuses à
l'interprétation reproduite ci-dessus.
D'abord, pour ce qui concerne les couches modernes,
voici la série stratigraphique normale, telle que je
l'ai déduite de mes levés et telle que l'a trouvée
aussi M. Mourlon dans les régions de l'Escaut et du
Littoral qu'il a également levées; j'y joins les
notations des divers termes adoptés dans la légende de
la carte géologique au 1/40 000.
SP Sable de la plage et galets.
ALP2 Argile supérieure des Polders.
ALQ Sable meuble à Cardium, avec fines linéoles
argileuses vers le haut, avec galets et tourbe et
grès paniseliens remaniés vers le bas.
ALP1 Argile inférieure des Polders.
ALR2 Alternances très fines d'argile grise et de sable
gris blanchâtre, avec lit de Scrobicularia plana
au sommet.
T Tourbe pure.
ALR1 Sable fin, plus ou moins argileux, parfois avec
lits d'argile.
Ce sable repose sur un sable gris plus grossier, qui
est le sommet du Quaternaire flandrien.
De l'examen des échantillons du puits et du résultat de
sondages pratiqués par moi, à proximité de l'orifice
du puits, lors de mes levés, je puis actuellement
rapporter toutes les couches traversées aux termes de
la série stratigraphique développée ci-dessus.
Un seul terme manque-à part la sable de la plage, qui
n'existe pas derrière les dunes- c'est l'argile des
Polders supérieure.
D'après mes levés, elle vient toutefois pousser une
pointe à proximité.
La sonde est donc entrée d'abord dans le sable
coquillier alq, puis a successivement traversé la série
complète des couches modernes alp1,alr2,t et alr1 sur
les épaisseurs qui seront données ci-après.
------------------------------
(1) A. Rutot. Le puits artésien de Blankenberghe (Bull.
de la Soc. belge de goél. t.II 1888.
------------------------------
Sous alr1, la sonde est entrée dans le Flandrien q4m,
facies marin, très coquillier, avec faune actuelle en
place et faune éocène remaniée. La base de Q4m est
nettement indiquée par un lit graveleux, très
coquillier.
On arrive ainsi à la profondeur de 36 mètres.
C'est alors qu'on entre dans l'Eocène, par des couches
qui m'ont fort intrigué anciennement et que, faute de
mieux, j'ai rangé avec doute dans l'ypresien, n'ayant
alors encore aucune notion de l'existence ou de
l'importance du terme sableux P1b et de la
transformation des couches paniseliennes du facies
normal en facies littoral, au fur et à mesure que l'on
s'approche du littoral actuel.
Or ces couches sableuses, fossilifères entre 39 et 45
mètres, doivent représenter l'ensemble des termes P1d
et P1b que je ne connaissais pas et que les puits de
Bruges viennent de nous dévoiler, bien que sous un
facies peu fossilifère.
Mais il y a mieux. Je viens de découvrir à Eeghem, à
l'Ouest de Thielt, le terme P1b rempli de fossiles avec
test, très semblable au facies rencontré dans le puits
de Blankenberghe, de sorte que je crois la question
complètement élucidée.
Pour ce qui concerne la découverte du terme P1b
fossilifère, c'est en effectuant le levé de la feuille
Wynghene-Thielt, que, passant par Eeghem, j'ai
rencontré dans la partie, à proximité de l'église du
village, une petite excavation que l'on venait de
creuser pour servir de fosse à rouir le lin.
L'excavation était carrée, d'environ 2m50 de côté et
de 1 mètre de profondeur.
En l'absence de Quaternaire, on voyait très nettement,
au sommet, sur 0m,30 le bas du terme argileux P1c avec
grès fossilifères, puis sur 0m70, un sable vert,
glauconifère, rempli de fossiles avec le test, à faune
paniselienne.
Des sondages effectués dans les environs m'ont donné,
tantôt le facies altéré sans fossiles, tantôt le facies
normal fossilifère.
J'ajouterai encore que la série des sédiment
paniseliens de Blankenberghe ressemble beaucoup à
celle de Bruges; au sommet, on a d'abord des sables
fins, glauconifères, puis, plus bas, viennent les
sables à gros grains, gros points de glauconie, grandes
paillettes de mica; la seule différence consiste dans
l'absence, à Blankenberghe, des fragments de lignite xyloïde.
Ces nouvelles données fournies, voici comment
j'interprète actuellement les couches traversées au
puits artésien de Blankenberghe.
NOUVELLE INTERPRETATION DES COUCHES TRAVERSEES AU PUITS
ARTESIEN DE BLANKENBERGHE.
Notations Descriptions des couches Epaisseurs.
Géologiques
alq Sable meuble coquillier 2m30
alp 1 Argile infèrieure des Polders 0.60 2.90
alr 2 Alternances d'argile et de sable fin 1.10 4.00
t Tourbe pure 2.00 6.00
alr 1 Sable plus ou moins argileux 3.50 9.50
q4m Flandrien, facies marin, sable gris
coquillier à la base 26.50
P1db Sable fin coquillier vers le haut; sable à
gros points de glauconie ver le bas
(Paniselien) 24.00
yd c Argile ypresienne, sableuse vers le haut,
plus pure vers le bas 177.00
l2 Sable gris pâle, fin, peu pointillé, aquifère
(Landenien) 11.00
---------
Total 248m00
Soit, plus en résumé:
Terrain moderne. 9m40
Quaternaire flandrien 26.50
Paniselien (Pldb 24.00
EOCENE Ypresien (ydc) 177.00
INFERIEUR Landenien (L2) 11.00
D'après cette interprétation, c'est le sable ypresien Yd qui
semblerait faire ici défaut, mais, sans doute, c'est là
plutôt une apparence qu'une réalité, et l'argile
sableuse retirée par les instruments résulte
probablement du mélange du sable ypresien avec les
linéoles argileuses qu'il renferme d'habitude.
Quant au terme argileux P1c, je crois qu'il fait
réellement défaut et que le terme sableux supérieur
P1d, passe par le bas directement au terme sableux
inférieur P1b.
De même le terme argileux lagunaire p1m fait défaut et
si les échantillons avaient pu être pris d'une façon
plus nette, peut-être aurait-on pu saisir, au contact
du Paniselien sur l'Ypresien, le terme graveleux P1a,
dont l'existence sous Bruges parait bien certaine.
Rutot A.-Bull. de la soc. belge de géologie Bruxelles,
1895, t.IX, pp. 294-297.
--------------------------------------------------------------------------
J. Delecourt.- Bulletin de la Société belge de
géologie, etc. Bruxelles, 1938, tome 48, fasc.3,pp.580-589.
COMMUNICATIONS DES MEMBRES:
SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE DES EAUX DU PUITS ARTESIEN
DE BLANKENBERGHE,
Par J. Delecourt.
Le puits artésien de Blankenberghe a été exécuté, en
1887, par nos confrères Ibels et Lang. Foré à injection
il a rencontré le Landénien à 237 m. et a été terminé
dans cet étage à 248 m. A. Rutot a donné une
description des terrains traversés qui méritaient
d'être revue à la lueur des faits nouveaux (1).
J. Cornet propose avec plus de raison, je crois, la
coupe résumée ci-dessous (2):
Holocène de 0,00 à 6,00m.
Pléistocène de 6,00 à 36,00m.
Panisélien de 36,00 à 60,00m.
Yprésien:
Argile sableuse de 60,00 à 122,00m.
Argile pure de122,00 à 237,00m.
Landénien: Sable fin blanchâtre
peu glauconifère de 237,00 à 248,00m.
L'essentiel pour nous est de savoir que le forage a été
bien tubé au moyen d'une colonne étanche et que les
eaux n'ont jailli qu'à partir de la rencontre des
sables fins compris entre 237 et 248 m. C'était donc le
courant landénien et lui seul qui alimentait le forage.
La température au jaillissement était de 20 . Elle
indiquait un degré géothermique, très bas, tout au plus
de
(248 + 237)
----------- - 10 :(20 - 9) = 21,14m.
2
En raison de la composition chimique de ses eaux, le
puits de Blankenberghe, comme d'ailleurs celui
d'Ostende, fut longtemps inutilisé. Certain jour, on
songea à l'emploi de l'eau d'Ostende à des usages
thérapeutiques et, en 1931, fut creusé le nouveau puits
dit <<Ostende Thermal>> (3). Quant au forage de
Blankenberghe, on y pensait si peu, que son emplacement
même était perdu.
M. le bourgmestre Pauwels se rappelait pourtant fort
bien un tube d'ou jaillissait une << fonteintje>>
autour de laquelle il avait pataugé enfant. Il se
souvenait également de la saveur particulière de l'eau
et de sa température apparemment élevée pendant les
journées hivernales.
En 1936, on se mit à la recherche de la << fonteintje>>
à l'intérieur d'un batardeau construit dans une
emprise du chemin de fer, emprise qui se trouvait
malheureusement noyée. C'est en août 1936 que nous
pûmes voir le sommet d'un tubage, de 178 mm. de
diamètre, fort bien conservé. Malheureusement le
puits ne jaillissait plus et un premier sondage nous
démontrait qu'il était obstrué à 24m60.
Toujours d'après mes conseils et sous la poussée
agissante de son actif bourgmestre, l'Administration
communale fit curer le puits. Il jaillit de nouveau
depuis le début du mois d'août. La température des eaux à
fin août 1938, lors de ma dernière visite, était de
18,2 à 10 m. sous le sol. Elle s'élèvera
vraisemblablement jusqu'à 20 . température constatée en
1887, car les échanges thermiques entre la colonne
d'eau ascendante en mouvement et les terrains qui
l'entourent ne sont pas encore équilibrés. Les
indications relatives à la faiblesse du degré
géothermique en cet endroit semblent se confirmer.
Cette constatation est pleine d'intérêt parce que la
position de la venue d'eau est ici bien localisée entre
237 et 248 m.
Ch. Van Mierlo a communiqué à notre Société (4) le
résultat d'une analyse faite vers 1887 par Dryepoundt,
membre de la commission médicale provinciale.
La voici:
Chlorure sodique 4,2510 gr par litre.
Acide carbonique 0,0250 "
Carbonate calcique 0,0618 "
Sulfate calcique 0,0840 "
Sel de magnésie 0,0990 "
Cette analyse est interprétée, incomplète et il est
impossible de la désintégrer.
Dans le travail de J.-B. André sur les eaux
alimentaires (5), on trouve d'autres renseignements:
Résidu d'évaporation 5,560 gr. par litre.
Dureté totale 23 français.
SO3 0,050 gr par litre.
C1 2,550 "
Les renseignements relatifs au chlore et à SO3 sont
déduits de l'analyse de Dryepoundt, ainsi que l'on peut
s'en convaincre, mais c'est, je pense, au chimiste
Van den Berghe que l'on doit deux déterminations
importantes: celle du résidu d'évaporation et celle de
dureté totale.
On se rappellera que c'est en 1925 que j'ai commencé à
parler de la zone de sursalure du Grand Courant
artésien en commentant les résultats de l'analyse des
eaux du puits de Bailleul (France) (6).
En 1928, je pouvais démontrer, grâce aux analyses de
Dryepoundt et de Van den Berghe, qu'à Blankenberghe les
phénomènes de sursalure affectaient aussi la nappe
landénienne (7).
Nous allons voir plus loin que cette affirmation se
confirme.
En août 1938, à ma demande, un premier échantillon
d'eau me fut expédié et j'en confiai l'analyse à M.
Meunier, de Saint-Ghislain. Cette analyse sommaire,
mais très bien faite, a donné les résultats suivants:
Résidu sec à 105 C 5,5960 gr. par litre.
Dureté totale 27 français.
Dureté permanente 9 "
Dureté temporaire 18 "
Alcalinité en CaCO3 0,4750 gr. par litre.
Chlore en Cl 2,5700 "
Sulfates en SO3 0,4580 "
Chaux en CaO 0,0531 "
Magnésie en MgO 0,0563 "
Agressivité par alcalinité:CaCO3 (0,485-0,475)=0,010.
Agressivité par dureté:CaCO3 (29 -27 ) X 0,01 = 0,020.
Ammoniaque présence nette.
Nitrites traces.
Nitrates néant.
Matières organiques 0,130 gr. par litre.
Matières organiques en oxygène. 0,00655
---------------------------------------------------------
(1) A. Rutot. Le puits artésien de Blankenberghe (Bull.
Soc. belge de Géologie, t.II, 1888, Mémoires, pp.260-270).
(2) J. Cornet, leçons de géologie, Bruxelles édit.
M. Lamertin, 1927.
(3) A. Renier, Le sous-sol d'Ostende: Sa constitution
géologique. Ses particularités hydrologiques (Ostende-
Thermal, 41me année, no 15, 1937, Ostende).
(4) Ch. Van Mierlo, Analyse de l'eau fournie par le
puits artésien de Blankenberghe (Bull. Soc. belge de
géologie, t. III, 1889, p. 109).
(5) J.-B. André, Enquête sur les eaux alimentaires, t.
II, 1906. Impr. Lesigne, 27, rue de la Charité, Bruwelles.
(6) J. Delecourt, La salure des eaux artésiennes de la
Basse et de la Moyenne Belgique, 2e note (Ann. Soc.
géol. de Belgique, t. XLVIII, 1925,
Bulletin, p. 49).
(7) J. Delecourt, Op cit., 3e note, 1928.
--------------------------------------------
Voici comment j'interprète les résultats ci-dessus:
La présence nette d'ammoniaque et l'existence de traces
de nitrites indiquaient que les tubages n'étaient pas
encore, au moment de la prise d'échantillon,
complètement purifiés des matières organiques qu'ils
supportaient avant et pendant le curage du puits. Ces
matières organiques apparaissaient d'ailleurs par 6,55
mgr. en oxygène ou 130 mgr. en matières organiques.
Il y aura donc lieu de refaire une nouvelle analyse.
On constatera alors:
1 l'abense complète d'ammoniaque;
2 l'absence de nitritres;
3 une diminution considérable de l'oxydabilité.
Néanmoins l'analyse actuelle donne des indications très
précises sur la nature des matières minérales dissoutes.
Exprimée en millivalences, cette analyse se traduit ainsi:
Millivalences acides. Millivalences basiques
------ -----
Cl 72,40 Ca 1,89
SO4 11,45 Mg 2,82
CO3 9,50 Na + K 88,64
------ ------
93,35 93,35
La somme des millivalences sodique et potassique est
déterminée par différence. Une nouvelle analyse
complète devra établir ces chiffres par dosages directs
du sodium et du potassium. Nous savons que les
millivalences potassiques seront faibles et par
conséquent en tirons un premier groupement des corps
contenus dans le résidu sec:
Sulfate de calcium 0,12852
Sulfate de magnésium 0,16920
Sulfate de sodium 0,47854
Carbonate de sodium 0,50350
Chlorure de sodium 4,23500
Indosés, matières organiques, équation
personnelle 0,08124
-------
Résidu sec pesé (par litre) 5,59600
Dureté calculée 24,55 français.
5,596
Millivalence moyenne ------- = 59,94
93,35
Il apparait que la composition chimique des eaux n'a
pas dû se modifier bien considérablement depuis
l'exécution du forage.
Les analyses de 1887 donnent:
Résidu sec 5,560 gr. par litre.
Chlorure de sodium 4,251 par litre
Dureté mesurée 23 français.
Un demi-siècle plus tard celle de M. Meunier, d'août 1938, donne:
Résidu à 105 C 5,596 gr. par litre.
Chlorure de sodium 4,235 gr. par litre.
Dureté calculée 24,55 français.
J'ai calculé la dureté par CaO et MgO, parce que, pour
une eau contenant plus de quatre grammes de NaCl, il
est difficile d'établir nettement quand la mousse
devient persistante à l'aide d'une solution même
spéciale de savon. Quoi qu'il en soit, les duretés
mesurées en 1887 et 1938, ainsi que la dureté calculée
par le dosage de la chaux et de la magnésie, sont assez
élevées et de toute façon très supérieures à 6 français.
Il se confirme donc que nous sommes en pleine
zone de sursalure landénienne.
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F. Halet 1913
30(suite) Le puits artésien creusé en 1887 pour la ville de
Blankenberghe est actuellement complètement abandonné.
A l'emplacement de ce puits on ne voit qu'une mare
d'eau stagnante.
Cette mare est divisée en deux parties par une
ancienne digue en terre.
Il est probable que ce puits jaillissant au début est
actuellement complètement ensablé.
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Extrait d'une lettre du 4 mai 1888, adressée par le
Bourgmestre de Blankenberghe au sondeur Dotremont de Hougaerde:
" Je m'empresse de vous faire connaître que l'eau qui
" sort actuellement du puits que vous avez foré ici a
" une température de 20 degrés."
Extrait d'une lettre du 27 août 1888, adressée à
Mr. A.Rutot par J.B.Ibels:
"Le puits de Blankenberghe est tubé avec une seule
"colonne de tubes de 7" = 178 mm. A environ un mètre
"au-dessus du sol le débit naturel est de 150 litres par minute".