PL. OORDEGEM 71W
M.LERICHE
186 (IX)
Quelques observations nouvelles sur la géologie de l'Entre-Escaut-et-
Dendre, au Nord des collines de Renaix (Pays de Sottegem).
Bulletin de la Société belge de Géologie,etc. Bruxelles,1926,
tome XXXVI,129-137.
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Croquis A: Carte des environs de Bambrugge et de Meire, à l'O-S-O. d'Alost.
Quelques années avant la guerre de 1914-18, on a essayé de remettre en
vogue et d'exploiter, sur une grande échelle, la "pierre de Baelegem". Une
vaste carrière a été ouverte à Bambrugge, à 7 kil. à l'O-S-O d'Alost.
L'exploitation, suspendue pendant la guerre, a été reprise en 1919, pour
cesser bientôt, en raison des travaux de déblaiement considérables qu'elle
exigeait et du prix élevé de la main-d'oeuvre.
Grâce à ses grandes dimensions, la carrière de Bambrugge échappera long-
temps au sort de la plupart des petites exploitations du pays, qui ont
presque toutes été remblayées et dont il ne reste que fort peu de traces.
Longtemps encore, elle offrira au géoloque une coupe classique du Pays de
Sottegem; elle lui montrera, en particulier, le Lédien typique (1), qui
n'est nulle part ailleurs, en Belgique, aussi fossilifère.
La carrière de Bambrugge est située à un kilomètre à l'est du village, un
peu au nord de la cote 57 et de la route d'Alost à Audenarde. Elle s'enfon-
ce dans le flanc septentrional d'une colline, que les habitants de la
région désignent sous le nom significatif de "Steenberg" (2).
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(1) Le village de Lede, qui a donné son nom à l'étage, est situé à 5 ki-
lomètres au N-N-E. de la carrière de Bambrugge.
(2) Depuis un temps immémorial, on exploite, au "Steenberg", la "pierre de
Baelegem". On peut voir, dans le prolongement occidental de la carrière
actuelle, à l'ouest du petit chemin de Vlecken, des traces de très
anciennes exploitations.
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La carte géologique de la Belgique à 1:40.000 (1) indique, près de l'em-
placement de la carrière, un sondage qui, sous douze mètres de limon, a
atteint les sables "laekeniens". Ces sables sont, en réalité, les sables de
Lede, à Nummulites variolarius. Par places, dans la partie orientale de la
carrière, quelques lambeaux de Bartonien sont conservés entre le Lédien et
le limon, tandis que dans la partie occidentale, les argiles bartoniennes
s'étendent d'une manière continue et s'épaississent de plus en plus, à
mesure qu'on se rapproche du versant occidental de la colline où elles
affleurent. C'est ce que montre la coupe en partie schématique, qui est
reproduite ci-dessous.
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(1) Feuille 71 (Oordegem-Alost), par M.Mourlon, 1893.
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Croquis B: Coupe, en partie schématique, de la carrière de Bambrugge.
La coupe est faite parallèlement au front de taille principal, que l'on
voit, à droité, dans la photographie (fig.3).
P.-PLEISTOCENE: Limon jaune clair, très fin, très doux au toucher, analogue
à l'ergeron.
G.-Niveau de GALETS en silex.
Ba.-BARTONIEN:
C. Argile grise ( Argiles
B. Argile gris verdâtre, glauconifère, maculée de jaune ) d'Assche.
A. Sable fin, glauconifère, avec filets d'argile grise ( Couches
surtout à la base ) de base.
Le.- LEDIEN: Sable blanc jaunâtre, fin, calcarifère, glauconifère, ren-
fermant de gros grains de quartz transparent, très riche en Num-
mulites variolarius, Ditrupa, etc. Il contient à sa partie
supérieure, en (a), des concrétions ferrugineuses, arrondies. Il
est décalcifié par places, notamment dans la partie occidentale de
la carrière (b).
Dans ce sable sont intercalés plusieurs bancs de grès calcarifère
("pierre de Baelegem"). Ils sont numérotés de haut en bas, de 1 à
3, - suivant la méthode des exploitants. D'autres bancs existent
peut-être en profondeur, dans la partie des sables lédiens noyée
dans la nappe phréatique de la région.
Les lignes qui limitent les terrains sont discontinues dans les parties où
la coupe est obscurcie par les éboulis.
La ligne --.--.--.--. marque le fond actuel de la carrière.
Echelle des hauteurs: 2 millim. par mètre.
Dans la partie occidentale de la carrière, la présence des argiles barto-
niennes a provoqué des éboulements qui ne laissent plus voir qu'en quelques
points les couches en place, tandis que dans la partie orientale la coupe
est restée fort nette, le limon s'y maintenant en parois abruptes (photo).
Les sables lédiens sont extrêmement fossilifères. Nummulites variolarius et
des tubes de Ditrupa y abondent. J'y ai reconnu, en outre, soit dégagées,
dans les sables, soit à l'état d'empreintes, dans les grès calcarifères,
les espèces suivantes:
Cylindracanthus rectus L.Agassiz Turritella conoides Sowerby (1)
Caleus minor L. Agassiz Natica sp.
Lamma Vincenti (Winkler) A.Smith Dentalium sp.
Woodward. Tellina sp.
Odontaspis macrota L.Agassiz. Cardium sp.
Odontaspis cuspidata L. Agassiz. Phacoides (= Lucina) mutabilis
prémut. Hopei L.Agassiz. Lamarck.
Notidanus serratissimus L.Agassiz. Phacoides (= Lucina arenarius
Myliobatis sp. (dents médianes, G.Vincent et A.Rutot
isolées). Venericardia sp.
Belosepia septoidea de Blainville Ostrea gigantica Solander.
Diastoma costellatum Lamarck Ostrea inflata Deshayes (=O.gry-
Scala sp. phina Deshayes).
Pecten (Chlamys) reconditus Solan- Onychocella angulosa Reuss (3)
der (0) (encroûtant des valves d'Os-
Pecten (Chlamys triginata-radia- trea inflata).
tus J. de C.Sowerby (0) Serpula Nysti Galeotti.
Pecten (Amussium) corneus So- Maretia Omaliusi Galeotti.
werby Echinolampas affinis Goldfuss.
Axinoea (= Pectunculus) sp. Turbinolia sulcata Lamarck.
Nucula lunulata Nyst. Graphularia belgica E. Vincent.
Lunulites radiata Lamarck. Orbitolites complanatus Lamarck.
(0) Pecten reconditus et P. triginata-radiatus se groupent autour de P.
plebeus Lamarck, du bassin de Paris, mais ne lui sont pas identiques.
La "pierre de Baelegem" forme, dans les sables lédiens, plusieurs bancs
fort réguliers, de 0m40 à 0m50 d'épaisseur.
Un premier banc (fig.2,1), qui n'est conservé que dans la partie occiden-
tale de la carrière (4), se trouve à la partie supérieure des sables. Il
est très coquillier et souvent friable.
Un deuxième banc (fig. 2 et 3,2 est situé à environ 3 mètres au-dessous du
premier. L'exploitation l'a mis à découvert dans la plus grande partie de
la carrière (fig. 3). Il est aussi très coquillier, mais, en général, plus
cohérent que le banc supérieur.
Enfin, on a exploité un troisième banc (fig. 2,3), séparé du précédent par
4 mètres de sable. Il n'est plus visible aujourd'hui, mais, d'après les
renseignements qui m'ont été fournis, il est moins coquillier et plus
compact que les deux premiers. L'exploitation ne le dépassait quère, car
les sables lédiens sous-jacents sont bientôt noyés dans la nappe phréatique
de la région (5).
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(1) C'est la forme qui figure, sous le nom de T. imbricalaria Lamarck, dans
les listes de fossiles lédiens.
(2) Les exemplaires de Pecten corneus qu'on trouve dans le Lédien n'atteig-
nent pas la taille de ceux qui proviennent des Sables de Wemmel.
(3) Dans un travail qui vient de paraître (septembre 1926) F.CANU, Bryozo-
aires bartoniens du bassin franco-belge, Bulletin de la Société géolo-
gique de France, 4° sér., t.XXV (1925), pp.741-761 (passim), pl.XXIX,
fig. 1-4), M.Canu ne signale pas moins de dix espèces de Bryozoaires
- parmi lesquelles Onychocella angulosa - dans le Lédien de la tranchée
d'Erondegem, à moins de 2 kilomètres au N-N-E de la carrière de Bam-
brugge, tranchée qui fut visitée au cours de la Réunion extraordinaire
de la Société géologique de France, en 1912.
Pour éviter toute confusion dans l'esprit du lecteur, je tiens à redire
que l'étage Bartonien ne comprend pas le Lédien. Le type du Bartonien
ne comprend pas le Lédien. Le type du Bartonien est le "Barton Clay" du
Bassin du Hampshire, auquel correspondent dans le Bassin belge, les
Sables de Wemmel et des Argiles d'Assche. Voir: M.LERICHE. Sur la
nécessité de maintenir les étages Lédien (= Anversien) et Bartonien,
dans la classification de l'Eocène du Bassin anglo-franco-belge.
(Compte rendu sommaire des séances de la Soc. Géol. de France, 1925,
p.85. - Bull.Soc.Géol.de France, 4° sér.,t.XXV,pp.369-373). Note
ajoutée pendant l'impression.
(4) Dans la partie orientale, on trouve des vestiges de ce banc, à la base
du limon.
(5) La présence de cette nappe se manifeste par des sources, que l'on voit
sur le petit chemin de Vleckem, à un niveau un peu plus bas que celui
de la carrière.
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Immédiatement au-dessus du deuxième banc, j'ai observé un gros silex gris
clair, à peine roulé, cacholonnisé et blanchi à la surface, portant des
perforations d'animaux lithophages, et couvert, par places, de Bryozoaires
encroûtants. Delvaux a signalé de pareils silex un peu plus à l'Ouest
(feuille Hoorebeke Sainte-Marie-Sottegem) (1), dans le "Laekénien" de la
Carte, c'est-à-dire dans la partie inférieure du Lédien, et j'en ai trouvé
un semblable dans le Lédien du Mont-des-Récollets, à Cassel (Nord).
Ces silex, apportés par des cours d'eau dans la mer lédienne, ou arrachés à
des falaises crayeuses en quelque point de son rivage, ont été entrainés
vers le large, car on les rencontre dans toute la masse du Lédien.
A la carrière de Bambrugge, le Bartonien ravine le Lédien (fig.2 et 3). Il
y débute par un mince lit (de 0m10 à 0m25 d'épaisseur) formé d'une argile
grise, jaunissant à l'air, et dans lequel se glissent quelques filets
irréguliers d'un sable fin et glauconifère. A ce petit niveau argilo-sa-
bleux succède une couche d'environ 1 mètre de puissance, constituée par le
même sable fin et glauconifère. L'argile grise y forme encore quelques très
minces filets, et la glauconie, devenant plus abondante par places, y fait
apparaître des zones foncées (2).
Immédiatement au-dessus de cette couche sableuse apparaissent les Argiles
d'Assche, qui sont glauconifères à la base.
A l'extrémité occidentale de la carrière de Bambrugge, on observe au sommet
de la coupe (fig.2,G), reposant sur les argiles bartoniennes, un niveau de
galets en silex, épais d'environ 50 centimètres.
De pareils amas de galets se trouvent parfois au sommet des collines du
Pays de Sottegem. Ils sont particulièrement abondants sur la colline située
au nord de Borsbeke, à 3 kilomètres à l'Ouest de la carrière de Bambrugge.
Ces galets ont la même origine que ceux qui sont semés au sommet des col-
lines du Petit-Brabant et sur les hauteurs du Brabant. Je les considère,
pour la plupart, comme des éléments des cordons litteraux abandonnés par la
mer oligocène, à l'époque de la grande transgression rupélienne (3). Ils
sont restés presque en place, en quelques points du Pays de Sottegem (Bam-
brugge-Borsbeke); ils sont le plus souvent remaniés à la base du Quater-
naire.
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(1) Feuille 85 de la Carte géologique de la Belgique à 1:40.000.
(2) Ces couches de base du Bartonien sont surtout bien visibles à
l'extrémité orientale de la carrière (fig.3,A). A l'extrémité opposée,
elles sont presque entièrement cachées par les éboulis.
(3) M.LERICHE, Compte rendu de l'excursion du 4 mai 1924, dans la vallée du
Ruisseau de Coercq, au Bois de la Houssière et dans la vallée de la
Sennette. (Bulletin de la Société belge de Géologie, de Paléontologie
et d'Hydrologie,t.XXXIV,1924,p.44, note infrapaginale 1).
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PL. OORDEGEM 71W
186 (suite)
E.DARTEVELLE.- Bulletin de la Société belge de Géologie,etc. Bruxelles,
tome 50,1940-1941,pp.148-149.
Notes pour servir à l'étude des Bryozoaires fossiles (1).
II. Un Bryozoaire nouveau du Lédien du Bassin belge:
Heterocella lediensis nov. sp.
par EDM. DARTEVELLE, Docteur en Sciences.
(Pl. III, fig. 1 et 2.)
Au cours de tamisages de sables à Nummulites variolarius lédiens de la
carrière de Bambrugge, près d'Alost, j'au eu l'occassion de trouver récem-
ment un petit segment d'un Bryozoaire articulé, segment à section quadran-
gulaire et à zoécies disposées plus ou moins obliquement.
Les caractères de cet exemplaire, et en particulier ceux qui je viens de
mentionner, l'éloignent du genre Nellia Busk, 1852, mais permettent de le
rapporter au genre Heterocella Canu, 1907, genre, en effet, caractérisé par
la disposition particulière des zoécies par rapport à l'axe de ses seg-
ments.
La présence d'une espèce du genre Heterocella dans le Lédien du bassin
belge n'étant pas connue, de manière certaine du moins, et d'autre part
notre exemplaire paraissant se rapporter à une espèce nouvelle, je crois
intéressant de la décrire.
Heterocella lediensis nov. spec.